Dinde, d’Inde ou dingue

Sur Twitter, @revi_redac, lisant David Desjardins dans le Devoir du 22 novembre, a ce commentaire : «Codinde : J’ai toujours trouvé ce mot très drôle ! Merci à @DesjardinsDavid de faire ressurgir ce grand oublié.»

Elle reproduit l’image suivante, qui donne la définition du mot.

Dans son Dictionnaire de la langue québécoise (1980), Léandre Bergeron reprend la même étymologie, la même définition et la même prononciation (p. 147-148).

L’Oreille tendue, elle, a le clair souvenir d’avoir entendu la prononciation codingue. De stupide à dingue, la langue n’a qu’un pas à franchir.

 

[Complément du jour]

Sur codingue, voir le blogue de Jacques Lanciault.

 

[Complément du 19 mai 2018]

Fusionnant deux animaux, Michel Tremblay, dans La grosse femme d’à côté est enceinte (1978), écrit «coq-dinde» (p. 260).

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Tremblay, Michel, La grosse femme d’à côté est enceinte, Montréal, Leméac, 1978, 329 p.

Dans pas long, comme

Sandra Gordon, les Corpuscules de Krause, 2010, couverture

Cela est imminent : tout à l’heure.

Au Québec, on entend aussi une version comprimée de l’expression. Mais comment l’écrire ?

Léandre Bergeron, en 1980, propose «T’à l’heure» (p. 478).

Sandra Gordon (2010, p. 43) et Alice Michaud-Lapointe (2014, p. 147) optent pour «talheure».

Martin Winckler laisse tomber l’allusion graphique au temps : «talleur» (2011, p. 31).

Si peu d’heures (c’est le cas de le dire), tant de questions.

P.-S.—T’à l’heure / talheure / talleur s’emploie le plus souvent pour un avenir proche. Il arrive aussi qu’il désigne un futur plus éloigné et généralement connoté négativement : ce que tu fais n’a peut-être pas de conséquences immédiates, mais attention t’à l’heure / talheure / talleur.

P.-P.-S.—Dans pas long ? Ici.

 

[Complément du 16 mars 2016]

Erika Soucy, dans les Murailles, retient «t’à l’heure» (2016, p. 145).

 

[Complément du 27 août 2016]

Variante graphique, repérée sur Twitter.

 

[Complément du 10 novembre 2016]

Pour Michel Tremblay aussi, en 2007, c’est «t’à l’heure» (p. 44).

 

[Complément du 18 août 2022]

Taleur, sans double l, est aussi attesté : «Attache-toé après de quoi de solide, mon Laganière, tu vas décoller taleur» (la Bête creuse, p. 366).

 

[Complément du 9 novembre 2025]

Dans Ma Chine à moi (2021), Victor-Lévy Beaulieu hésite entre «talheur» (p. 57) et «talheure» (p. 177).

 

Références

Beaulieu, Victor-Lévy, Ma Chine à moi. Candiderie, Paroisse Notre-Dame des Neiges, Éditions Trois-Pistoles, 2021, 306 p. Ill.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Gordon, Sandra, les Corpuscules de Krause. Roman, Montréal, Leméac, 2010, 237 p.

Michaud-Lapointe, Alice, Titre de transport, Montréal, Héliotrope, série «K», 2014, 206 p.

Soucy, Erika, les Murailles, Montréal, VLB éditeur, 2016, 150 p.

Tremblay, Michel, Albertine, en cinq temps, Montréal et Arles, Leméac et Actes Sud, coll. «Papiers», 2007, 61 p. Édition originale : 1984.

Winckler, Martin, les Invisibles, Paris, Fleuve noir, 2011, 277 p.

Gilles Tremblay (1938-2014)

Arsène et Girerd, On a volé la coupe Stanley, 1975, p. 39

Gilles Tremblay est mort ce matin. Après avoir été ailier gauche pour les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — de 1960 à 1969, il a été commentateur des matchs de l’équipe à la télévision de Radio-Canada de 1971 à 1999. Il a donc été un des premiers joueurnalistes de l’histoire de ce sport.

Contrairement à son coéquipier Jean Béliveau, il n’apparaît que dans peu d’œuvres artistiques. Il fait une courte apparition dans la pièce de théâtre la Coupe Stainless de Jean Barbeau (1974) et dans la bande dessinée d’Arsène et Girerd On a volé la coupe Stanley (1975, p. 39; voir ci-dessus), et son nom est mentionné à plusieurs reprises dans Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hockey de Marc Robitaille (2013).

À la télévision, il a notamment travaillé avec Richard Garneau et René Lecavalier. Il a manifestement servi de modèle au personnage de Granger dans un roman du premier, Train de nuit pour la gloire ou 45 jours à la conquête de la coupe Stanley (1995). François Hébert l’a uni indissociablement au second, lui qui écoutait «religieusement les commentaires de ces fins exégètes que sont René Lecavalier et Gilles Tremblay, qui me font un peu penser, toutes proportions gardées, à Don Quichotte et Sancho Pança» (1996, p. 212).

Gilles Tremblay a cependant eu droit à sa biographie, signée par Guy Robillard (2008).

P.-S. — On signalera aussi, pour mémoire, les attaques de Michel-Wilbrod Bujold contre les Tremblay — Gilles, Mario, Réjean — à la fin de ses Hockeyeurs assassinés (1997, p. 131-135).

 

[Complément du 30 novembre 2014]

La culture télévisuelle de l’Oreille tendue laisse parfois à désirer. Un lecteur qui en a une meilleure lui fournit l’information suivante :

Le personnage de Gilles Tremblay apparaissait dans les sketchs de Rock et belles oreilles aux côtés de René Lecavalier, joué brillamment par André Ducharme. «Gilles» ne disait jamais un mot… Au début, le «rôle» était tenu par Sylvain Ménard, le directeur technique de RBO; ensuite on l’a remplacé par un mannequin, muet lui aussi.

Merci.

 

[Complément du 10 mai 2018]

Sur son blogue, le Machin à écrire, Nicolas Guay a une très belle série de souvenirs, sous le titre «Passé simple». Voici le 35e texte, «Papa» :

Papa qui porte des favoris. Papa qui me précède dans les pistes de ski de fond du parc des Salines. Papa qui dit : « T’es bin sarfe » pour me taquiner. Papa parti travailler. Papa qui m’envoie en pénitence dans ma chambre. Le son matinal du rasoir électrique de papa alors que je suis encore couché. Papa qui me coupe les cheveux. Papa qui simonize la voiture. Papa qui commente à voix haute les nouvelles à la télé. Papa, ailleurs dans la maison pendant que je fais des dessins dans ma chambre. Papa qui taille les haies avec de grands ciseaux. Papa qui se moque des mimiques et du parler de Gilles Tremblay à la Soirée du hockey.

 

Références

Arsène et Girerd, les Enquêtes de Berri et Demontigny. On a volé la coupe Stanley, Montréal, Éditions Mirabel, 1975, 48 p. Bande dessinée. Premier et unique épisode des «Enquêtes de Berri et Demontigny». Texte : Arsène. Dessin : Girerd.

Barbeau, Jean, la Coupe Stainless, dans la Coupe Stainless. Solange, Montréal, Leméac, coll. «Répertoire québécois», 47-48, 1974, p. 7-89.

Bujold, Michel-Wilbrod, les Hockeyeurs assassinés. Essai sur l’histoire du hockey 1870-2002, Montréal, Guérin, 1997, vi/150 p. Ill.

Garneau, Richard, Train de nuit pour la gloire ou 45 jours à la conquête de la coupe Stanley. Roman, Montréal, Stanké, 1995, 239 p.

Hébert, François, «La Bible de Thurso», Liberté, 152 (26, 2), avril 1984, p. 14-23. Repris dans Jean-Pierre Augustin et Claude Sorbets (édit.), la Culture du sport au Québec, Talence, Éditions de la Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine et Centre d’études canadiennes, coll. «Publications de la MSHA», 220, 1996, p. 207-213. https://id.erudit.org/iderudit/30741ac

Robillard, Guy, Gilles Tremblay. 40 ans avec le Canadien, Montréal, Éditions Au carré, 2008, 239 p. Ill. Préfaces de Jean Béliveau et Réjean Tremblay.

Robitaille, Marc, Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hockey. Roman, Montréal, VLB éditeur, 2013, 180 p. Ill.

Les zeugmes du dimanche matin et de Jacques Godbout

Jacques Godbout, le Couteau sur la table, 1965, couverture

«Glacés, émerveillés de froid, nous nous glissâmes dans un petit cinéma à la façade hétéroclite, pendant que dehors Noël s’épuisait en une poudrerie neigeuse que le vent transformait en rafales, au coin des rues; nous choisîmes une salle sombre pendant qu’ailleurs des familles réunies, chez l’aïeul paternel le plus souvent, entamaient une discussion embrouillée et puis une dinde engraissée aux hormones artificielles, puisque les paysans sont aussi malins aujourd’hui qu’hier, pendant que dans les cuisines les cousines les tantes échangeaient des baisers des ragots des recettes de gigot; nous étions assis six dans la salle, six seulement; c’est que dans les salons coulait la bière et le fiel, qu’on parlerait de hockey avec monsieur l’abbé qu’a de si bons cigares» (p. 100).

«Ce déménagement est définitif : au Eastview Castle nous habiterons avec les serviteurs de la famille, les vieux, les traditions, les vases de Sèvres, les quenouilles huilées et la monnaie du pape» (p. 102).

«Dès le portique, cela sentait bon la sécurité, la lavande, l’encens et la rassurance» (p. 137).

Jacques Godbout, le Couteau sur la table. Roman, Paris, Éditions du Seuil, 1965, 157 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)