L’oreille tendue de… Ragnar Jónasson

Ragnar Jónasson, Dix âmes, pas plus, 2022, couverture

«Allongée sur le canapé, elle sentait son cœur s’emballer dans sa poitrine. Jamais elle ne parviendrait à retrouver le sommeil, elle n’en avait même pas envie. Frissonnant, elle tendit la main vers sa couverture restée au sol, craignant presque que quelqu’un saisisse son bras au passage, puis elle l’étala sur elle pour se réchauffer.
Elle ferma les yeux.
Tendit l’oreille.
Les battements de son cœur, les craquements de la maison et le souffle du vent dehors se joignaient en un capharnaüm étourdissant. À cet instant, elle était presque reconnaissante pour la tempête qui s’était levée, car celle-ci dissimulait les autres sons émis par les ténèbres.»

Ragnar Jónasson, Dix âmes, pas plus, Paris, Éditions de La Martinière, 2022, 344 p., p. 202-203. Édition originale : 2019. Traduction de Jean-Christophe Salaün.

Les zeugmes du dimanche matin et d’Éric Forbes

Éric Forbes, le Fugitif, le flic et Bill Ballantine, 2024, couverture

«D’où cette réticence qu’ont ces mâles alpha, débordant de testostérone et de mauvaise volonté, à obéir à ses ordres» (p. 22).

«Chénier le libère. Apeuré, Johnny se laisse choir sur le lit et ferme sa gueule, trop occupé à récupérer son souffle ainsi que sa dignité, tous deux égarés quelque part entre l’entrée de l’hôtel, où il faisait le guet, et la fenêtre de la chambre» (p. 113).

Éric Forbes, le Fugitif, le flic et Bill Ballantine, Montréal, Héliotrope, coll. «Noir», 2024, 274 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… François Hébert

François Hébert, le Rendez-vous, 1980, couverture

«Ses petits pas. Eugène s’efforçait de suivre son rythme, pour ne pas marcher sur ses talons. Une autre vieille dame le dévisageait quand ils entrèrent dans la salle à manger; elle croquait un sablé avec précaution pour ne pas faire de bruit et pour ne pas déplacer son dentier. Qui est cet intrus ? se demanda-t-elle. Rapport au clochard, je suppose. Ce que les filles vont tendre les oreilles quand Amanda Caouette va leur raconter tout ça.»

François Hébert, le Rendez-vous. Roman, Montréal, Quinze, coll. «Prose entière», 1980, 234 p., p. 84-85.

Accouplements 244

Mordecai Richler, Barney’s Version, 1997, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Mickey Haller, le héros de la série télévisée The Lincoln Lawyer, a été marié deux fois. Quand ses ex l’appellent, il est facile de les départager : c’est soit «First Wife», soit «Second Wife», qui s’affiche sur l’écran de son téléphone.

Barney Panofsky, le narrateur du fabuleux roman Barney’s Version de Mordecai Richler, a été marié trois fois. Sa deuxième femme s’appelle «the second Mrs. Panofsky».

Ces deux cas sont légèrement différents. Dans la série télévisée, sauf pour l’ordre (première, deuxième), les épouses de Mickey Haller sont sur le même pied : elles n’ont pas de nom (téléphonique). Chez Richler, Clara Charnofsky (la première) et Miriam Greenberg (la troisième) ont un nom, pas «the second Mrs. Panofsky». Ce n’était peut-être pas sa préférée.

P.-S.—Ne l’oublions pas : la mère de «the second Mrs. Panofsky» n’aime pas qu’on siffle à table.

 

Référence

Richler, Mordecai, Barney’s Version. With Footnotes and an Afterword by Michael Panofsky, Toronto, Alfred A. Knopf, 1997, 417 p. Paru en français sous le titre le Monde de Barney. Accompagné de notes et d’une postface de Michael Panofsky, Paris, Albin Michel, coll. «Les grandes traductions», 1999, 556 p. Traduction de Bernard Cohen. Édition originale : 1997.

Payer avec des tomates

Thérèse Loslier, le Hockey et l’amour, s.d., couverture

Soit les deux phrases suivantes :

«Et puis maintenant que je gagnerai $ 20,000 par saison, on va pouvoir les rembourser les 750 tomates…» (le Hockey et l’amour, p. 32)

«En tout cas, avec cinq mille tomates, je te fais confiance pour trouver quelque chose qu’il va aimer» (la Classe de madame Valérie).

On l’aura compris : au Québec, dans le registre populaire, tomate est synonyme de dollar.

À votre service.

P.-S.—Bien vu : l’Oreille tendue a présenté le Hockey et l’amour ici.

 

Références

Blais, François, la Classe de madame Valérie. Roman, Québec, L’instant même, 2013, 400 p. Édition numérique.

Loslier, Thérèse, le Hockey et l’amour. Roman d’amour mensuel, Montréal, Éditions PJ, numéro 22, s.d., 32 p.