La clinique des phrases (bbb)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la manchette suivante :

L’Autrichien s’offre son premier titre du Grand Chelem après avoir concrétisé une remontée historique.

Simplifions :

L’Autrichien s’offre son premier titre du Grand Chelem après une remontée historique.

Voire :

Après une remontée historique, l’Autrichien s’offre son premier titre du Grand Chelem.

À votre service (c’est le cas de le dire).

La clinique des phrases (cc)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

On a déjà eu l’occasion de le constater : en français, le féminin de certains noms peut avoir des connotations sexistes.

Prenons l’exemple du mot entraîneuse, dont il a été question dans les médias montréalais récemment. Au masculin : «Personne qui entraîne» (le Petit Robert, édition numérique de 2014). Au féminin : «Personne qui entraîne» (bis), mais aussi «Jeune femme employée dans les bars, les dancings pour engager les clients à danser […], à consommer» (ter), voire prostituée.

Soit ces deux tweets :

«Notre invitée @VirgiTremblay servait d’entraîneuse à la Canadienne @Bandreescu_ au tournoi d’Auckland en Nouvelle-Zélande.»

«Elle continue de suivre Bianca Andreescu dans son beau parcours en Océanie. Nous avons parlé en direct d’Australie à celle qui est devenue son entraîneure d’une semaine à Auckland la semaine passée.»

Entraîneuse, avec le risque des connotations évoquées ci-dessus ? Entraîneure, pour les éviter ?

Faisons plus simple :

«Notre invitée @VirgiTremblay a entraîné la Canadienne @Bandreescu_ au tournoi d’Auckland en Nouvelle-Zélande.»

«Elle continue de suivre Bianca Andreescu dans son beau parcours en Océanie. Nous avons parlé en direct d’Australie à celle qui l’a entraînée à Auckland la semaine passée.»

À votre service.

Portraits au gris et au noir

Andre Agassi, Open, 2010, couverture

1.

«Il savait bien que le commissaire Pigeac était là, derrière son dos, à la table des quarante à cinquante ans. Il l’avait vu entrer, en pardessus gris, un chapeau gris sur la tête, le visage gris. Il faisait penser à un poisson, à une merluche terne, et gardait toujours un sourire froid aux lèvres, comme pour laisser entendre qu’il en savait long.»

Georges Simenon, les Fantômes du chapelier, Paris, Presses de la Cité, 1986, 189 p., p. 52. Édition originale : 1949.

2.

«In the Town Car Gil sits in the front seat, dressed sharp. Black shirt, black tie, black jacket. He dresses for every match as if it’s a blind date or a mob hit

Andre Agassi, Open. An Autobiography, New York, Vintage Books, 2010, 385 p., p. 11. Édition originale : 2009.

Accouplements 65

Andre Agassi, Open, 2010, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Teddy Bear, le personnage principal du roman les Grandes Marées (1978) de Jacques Poulin, est traducteur de bandes dessinées. Il en vient à partager une île du Saint-Laurent avec, entre autres personnages, un lance-balles. Il le présente à Marie.

Le Prince lui fit immédiatement une forte impression. Il était noir mat et solidement bâti.

[…]

— Le Prince a un cerveau, dit-il.

Se mettant à genoux, il lui indiqua un réceptacle de forme rectangulaire qui était placé derrière l’affût du canon.

— On met une cassette là-dedans, dit-il. On presse le bouton qui est ici et le Prince suit le programme qui est enregistré sur le ruban magnétique de la cassette.

[…]

— Excusez-moi. Je me suis laissé emporter, dit-il.

— C’est pas grave, dit-elle. J’aime beaucoup le tennis moi aussi et je trouve que le Prince est très beau (éd. de 2010, p. 35-36).

Dans ses fabuleux Mémoires, Open (2009), le joueur de tennis Andre Agassi, lui qui n’aime pas ce sport, se souvient d’une machine semblable, quand il avait sept ans. Elle le terrorisait.

At the moment my hatred for tennis is focused on the dragon, a ball machine modified by my fire-belching father. Midnight black, set on big rubber wheels, the word PRINCE painted in white block letters along its base, the dragon looks at first glance like the ball machine at every country club in America, but it’s actually a living, breathing creature straight out of my comic books. The dragon has a brain, a will, a black heart — and a horrifying voice (éd. de 2010, p. 28).

Tous les princes ne sont pas bienveillants.

P.-S. — Il existe bien sûr des études sur le tennis dans l’œuvre de Jacques Poulin, par exemple celle de Georges Desmeules en 1999.

 

Références

Agassi, Andre, Open. An Autobiography, New York, Vintage Books, 2010, 385 p. Ill. Édition originale : 2009.

Desmeules, Georges, «Le tennis au service de Jacques Poulin», Québec français, 114, été 1999, p. 80-82. https://id.erudit.org/iderudit/56194ac

Poulin, Jacques, les Grandes Marées, Montréal, Leméac, coll. «Babel», 195, 2010, 208 p. Édition originale : 1978.