Laissez-les mourir, bis

Le Journal de Montréal, rubrique nécrologique, logo

L’Oreille tendue ne fréquente pas beaucoup les pages du Journal de Montréal : elle n’a guère d’atomes crochus avec les chroniqueurs de la maison.

Ça ne risque pas de changer. Pourquoi ?

Le quotidien publie des notices nécrologiques (en échange de quelques centaines de dollars). Quand, dans une notice, le client, en l’occurrence l’Oreille, écrit «X est mort», le journal remplace d’office «mort» par «décédé», sans consultation — entre autres corrections inutiles.

Vous savez quoi, le Journal de Montréal ? Mêlez-vous de vos affaires.

P.-S.—Non, mourir et décéder ne sont pas des synonymes.

P.-P.-S.—«Bis» ? Oui, «bis».

P.-P.-P.-S.—Merci à la Presse+ de respecter la volonté des familles.

C’est clair, non ?

Stéphane Larue, le Plongeur, 2016, couverture

Importé de l’anglais to clear, clairer a plus d’un sens dans le français populaire du Québec.

Pour passer tout juste, le verbe est disponible : «Le Vista fait une brusque embardée au moment où l’hydravion passant en rase-mottes claire tout juste l’antenne radio» (Autour d’Éva, p. 364); «Ils montent la marche. Florence se penche en entrant afin de clairer le petit chambranle de la porte» (Correlieu, p. 181).

Se faire congédier ? «J’étais certain que j’allais me faire clairer sur-le-champ» (le Plongeur, p. 80).

Qui gagne un salaire intéressant après impôt est réputé clairer un bon salaire.

Enfin et bref, pour tout ce qui concerne le fait d’éviter, de vider ou de dégager, clairer peut être d’un bon rendement.

À votre service.

 

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté Correlieu le 14 novembre 2002.

 

Références

Hamelin, Louis, Autour d’Éva. Roman, Montréal, Boréal, 2016, 418 p.

La Rocque, Sébastien, Correlieu. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2022, 192 p.

Larue, Stéphane, le Plongeur. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 11, 2016, 568 p.

Imbibition numérique

«Boire en wifi», photo tirée du site site de la compagnie Hendrick van der Zee, 12 mars 2015

Entendu hier, en famille et en voiture : «Bois en wifi.»

L’oreille de l’Oreille s’est tendue : elle ne connaissait pas l’expression boire en wifi.

Le Wiktionnaire, si, l’expression ayant au moins une décennie : «Boire sans contact entre le contenant et la bouche.»

Oui, cela fait partie du vocabulaire de l’imbibition.

Oui, l’Oreille s’est couchée moins niaiseuse.

 

Illustration : site de la compagnie Hendrick van der Zee, 12 mars 2015

La clinique des phrases (yyyy)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Deux phrases, tirées d’un essai québécois récent :

«À quelque part, la fatigue me motive à vivre des vies par procuration […]»;

«À quelque part, je refuse probablement le vide».

L’Oreille l’a déjà dit et répété (c’est une autre de ses guerres perdues d’avance) : quelque part n’a besoin ni de à, ni de en, bien au contraire. Ces prépositions sont parfaitement inutiles; certains diraient que leur emploi est fautif.

Donc :

«La fatigue me motive à vivre des vies par procuration […]»;

«Je refuse probablement le vide».

À votre service.

P.-S.—L’Oreille se passerait volontiers, en règle générale, de quelque part. On pourrait lui reprocher son intransigeance en ce domaine.

Accouplements 196

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dans la plus récente livraison de l’excellente lettre d’information Sur le bout des langues de Michel Feltin-Palas, l’Oreille tendue découvre un néologisme créé par Umberto Eco, luthomiction («l’art de pisser dans un violon»).

Comment ne pas penser à ce dessin de Thibaut Soulcié pour la Revue dessinée ?

Violons-urinoirs, dessin de Thibault Soulcié, la Revue dessinée, 2022