Accouplements 66

Gustave Flaubert, l’Éducation sentimentale, éd. de 1961, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Tu ne l’avais entendue que dans la bouche de ta mère.

Puis un jour tu trouves cette chanson chez le Flaubert de l’Éducation sentimentale :

J’ai deux grand bœufs dans mon étable,
Deux grands bœufs blancs…
(éd. de 1961, p. 266)

(Ils seraient «tachés de boue», selon la vulgate familiale.)

Cela te dépayse.

P.-S. — Un autre lien entre le Québec et Flaubert ? Par ici.

 

[Complément du 9 mars 2018]

Les revoici, sous la plume de Jacques Roubaud, dans Poésie, etcetera : ménage (1995), s’agissant de Denis Roche :

La procrastination n’est pas la caractéristique essentielle de Roche. À aucun moment il n’a été tenté par deux des puits au fond desquels tombe volontiers la poésie de langue française : le puits «il y a une armoire à peine luisante / qui a entendu la voix de mes grand’tantes» (Francis Jammes); et le puits «J’ai deux grands bœufs dans mon étable / Deux grands bœufs blancs tachés de roux» (p. 188-189).

 

Références

Flaubert, Gustave, l’Éducation sentimentale. Histoire d’un jeune homme, Paris, Classiques Garnier, 1961, xii/473 p. Ill. Introduction, notes et relevé de variantes par Édouard Maynial. Édition originale : 1869.

Roubaud, Jacques, Poésie, etcetera : ménage, Paris, Stock, coll. «Versus», 1995, 282 p.

Accouplements 51

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Il y a vingt ans, l’Oreille tendue publiait un article sur la fornication dans les moyens de transport au Siècle des lumières (surtout). Son titre était un emprunt à Marcel Proust : «Faire catleya au XVIIIe siècle».

On apprend aujourd’hui, par le journal The Gazette, que deux membres du Service de police de la ville de Montréal viennent d’être suspendus pour avoir «fraternisé» avec des personnes de l’autre sexe dans leur voiture de patrouille il y a deux ans.

Gustave Flaubert, lui, aurait peut-être plutôt parlé, comme dans Madame Bovary, de «fureur de la locomotion».

 

Référence

Melançon, Benoît, «Faire catleya au XVIIIe siècle», Études françaises, 32, 2, automne 1996, p. 65-81. https://doi.org/1866/28660

Le zeugme du dimanche matin et de Patrice Lacombe

 Patrice Lacombe, la Terre paternelle, éd. de 1972, couverture

«La branche de l’Outaouais qui, en cet endroit, prend le nom de “Rivière des Prairies”, y roule ses eaux impétueuses et profondes, jusqu’au bout de l’île [de Montréal], où elle les réunit à celle du St-Laurent. Une forêt de beaux arbres respectés du temps et de la hache du cultivateur, couvre dans une grande étendue, la côte et le rivage.»

P.-S. — Ponctuation certifiée d’origine.

Patrice Lacombe, la Terre paternelle, Montréal, Hurtubise HMH, coll. «Cahiers du Québec», série «Textes et documents littéraires», 4, 1972, 119 p., p. 39. Présentation par André Vanasse. Édition originale : 1850.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Est-ce vraiment arrivé un 30 mai ?

Voltaire, buste

«Nous sommes décidément dans l’ère des centenaires. On parle à Paris ni plus ni moins que de célébrer l’année prochaine celui de la mort de Voltaire; voici à ce propos un fait assez curieux.

Les fenêtres de l’appartement où Voltaire expira le 30 mai 1778, sur le quai qui porte aujourd’hui son nom, n’ont jamais été ouvertes depuis ce jour, en vertu d’une clause du testament de la marquise de Villette, et elles ne doivent être ouvertes qu’au centième anniversaire de sa mort, c’est-à-dire l’an prochain. On se demande ce qui a pu motiver une clause semblable : dans tous les cas, les Parisiens n’auront qu’à bien se tenir le 30 mai 1878, car le diable en personne va s’échapper ce jour-là des fenêtres si longtemps condamnées, ce qui ne sera pas bien rassurant pour les hommes de l’ordre moral qui ont promis à la France une longue vie de bonheur et de paix, grâce aux coups d’État, aux destitutions, aux persécutions, aux incarcérations et à la suppression de toutes les libertés dont la France commençait à faire l’essai intelligent et modéré.»

Arthur Buies, Petites chroniques pour 1877, Québec, C. Darveau, 1878, p. 25-26; cité d’après Arthur Buies, Chroniques II, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Bibliothèque du Nouveau Monde», 1991, 502 p., p. 336. Édition critique par Francis Parmentier.

Journée mondiale de la poésie

Marc Angenot, l’Œuvre poétique du Savon du Congo, 1992, couverture

L’Oreille tendue découvre que, selon l’Unesco, le 21 mars est la Journée mondiale de la poésie.

Pour la célébrer, voici quatre poèmes journalisticopublicitaires, tirés d’un petit livre de son collègue et néanmoins ami Marc Angenot.

«Ses copieux nénès, qui ne datent pas d’hier,
On les eût ramassés avec une cuiller;
Depuis qu’elle les lave au savon de Vaissier,
Ils sont ronds et polis comme un casque d’acier !» (Gil-Blas, 13 novembre 1889, cité p. 21).

«Femmes qui redoutez l’effet du ballottage
Pour qu’une gorge ferme en marbre de Milo,
Au lieu de s’y mouler, moule votre corsage,
Employez en lotions toniques le Congo» (Gil-Blas, 6 septembre 1889, cité p. 21).

«Elle avait “deux œufs sur le plat…”
C’est maigre, pour une coquette !
Mais depuis que la savonnette
Du Congo sert à sa toilette,
Ils sont en pomme, ses appas !» (le Petit Parisien, 24 juin 1889, cité p. 21-22).

«Que j’en ai vu tomber, hélas ! de ces poitrines !
Avant moi, le corset soutenait ces appas,
Mais la gorge, à présent, a des formes divines,
Et c’est au doux Congo que nous devons cela !» (Gil-Blas, 11 février 1889, cité p. 36).

 

Référence

Angenot, Marc, l’Œuvre poétique du Savon du Congo, Paris, Éditions des cendres, 1992, 75 p. On peut lire les vingt premières pages du livre ici, en PDF.