Non, pas du tout

L’autre jour, sur Twitter, l’Oreille tendue énumérait les traits du «lexique indispensable du Montréalais de 11 ans (du moins dans NDG)» :

Sérieux ?
Avoue
Super de + adjectif.
Shit !

Une publicité télévisée qui tourne actuellement a rappelé à l’Oreille une expression à ajouter à cette liste : tu me niaises (! / ?).

(Un restaurateur chinois a tout fait pour attirer la clientèle et il est découragé par l’offre imbattable d’un concurrent. Il explique cela à sa femme en chinois, qui lui répond dans la même langue. En sous-titre : «Tu me niaises !»)

L’expression marque l’incrédulité. Synonyme : tu te fous de ma gueule.

On la prononce d’au moins trois façons. Exclamative : Tu me niaises ! Interrogative : Tu me niaises ? Détachée : Tu me ni ai ses.

 

[Complément du 27 février 2016]

Il y a une gradation dans la niaiserie :

 

[Complément du 15 janvier 2021]

Littérairement et interrogativement, existe en au moins deux formes : «Tu me niaises ?» (Françoise en dernier, p. 137); «Tu me niaises-tu ?» (Chienne(s), p. 81)

 

Références

Grenier, Daniel, Françoise en dernier. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 16, 2018, 217 p.

Milot, Marie-Ève et Marie-Claude St-Laurent, Chienne(s), Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 25, 2020, 155 p. Ill. Suivi de «Contrepoint. Cachez ce cerveau que je ne saurais voir» par Catherine Lord.

Deux zeugmes pour le prix d’un

Jean Echenoz, Caprice de la reine, 2014, couverture

«Au cours d’une conversation, sous la neige et d’abord technique avec un ingénieur local, Gluck en vint pour une fois à raconter un peu sa vie, d’abord professionnelle puis, de fil en aiguille, privée. Mieux vaut en effet, si l’on veut bien se confier, le faire auprès de parfaits inconnus, si possible étrangers car on évoque mieux ses tourments dans une langue qu’on maîtrise mal : le handicap est tel qu’on va plus droit au but. En battant la semelle et en mauvais anglais, Gluck avait donc évoqué son passé, son veuvage, le poids de sa solitude et jusqu’au profil d’une compagne idéalement souhaitée.»

Jean Echenoz, Caprice de la reine. Récits, Paris, Éditions de Minuit, 2014, 121 p., p. 71-72.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Autopromotion 119

Jean Echenoz, Caprice de la reine, 2014, couverture

«Après quoi les Lumières sérieuses et méthodiques
allaient repenser tous ces acquis en profondeur […].»
Jean Echenoz, Caprice de la reine

Le 16 mai 1992, l’Oreille tendue publiait sa première bibliographie électronique du XVIIIe siècle.

La 246e livraison a été servie tout à l’heure, vingt-deux ans plus tard. Elle se trouve de ce côté.

 

Référence

Echenoz, Jean, Caprice de la reine. Récits, Paris, Éditions de Minuit, 2014, 121 p.

La bibliothèque idéale de l’amateur de baseball

«Le baseball, comme le cinéma,
est une sculpture du temps.»
Daniel Canty

Le 31 octobre 2013, l’Oreille tendue proposait sa liste de titres de livres pour constituer la bibliothèque idéale de l’amateur de hockey. Ci-dessous, rebelote, mais pour le baseball. Il y a bien sûr plus de livres pour le baseball que pour le hockey.

Roger Angell, Late Innings. A Baseball Companion (1982).

Pour découvrir la prose de l’inventeur du palindrome «Not so, Boston».

Nicholas Dawidoff, The Catcher Was a Spy. The Mysterious Life of Moe Berg (1994).

Pour constater qu’il est des gens aussi bizarres que les gardiens de but au hockey : les receveurs au baseball. Particulièrement ce receveur-là.

Stephen Jay Gould, Triumph and Tragedy in Mudville. A Lifelong Passion for Baseball (2003).

Pour apprécier le fait que la paléontologie mène à tout.

David Homel, Rat Palms (1992).

Pour lire la scène où le narrateur sait ce qui va arriver à son père quand il va se présenter au bâton.

Jonah Keri, Up, Up, & Away. The Kid, The Hawk, Rock, Vladi, Pedro, Le Grand Orange, Youppi !, The Crazy Business of Baseball, & the Ill-fated but Unforgettable Montreal Expos (2014).

Pour ne pas oublier les Expos.

Ring Lardner, You Know Me Al (1916).

Pour marier art de la lettre et art du baseball.

Michael Lewis, Moneyball. The Art of Winning an Unfair Game (2003).

Pour ne plus jamais voir le baseball du même œil.

Arnold Rampersad, Jackie Robinson. A Biography (1997).

Pour continuer à admirer Jackie Robinson.

Philip Roth, The Great American Novel (1973).

Pour comprendre ce qu’est un «inside the mouth grand slam home run». (Et pour les allitérations.) (Et pour tout le reste.)

George F. Will, Men at Work. The Craft of Baseball (1990).

Pour être obligé d’être d’accord avec un chroniqueur conservateur.

Vos suggestions ?

 

Référence

Canty, Daniel, «Tintin dans la Batcave. Aventures au pays de Robert Lepage, épisode 7», Liberté, 295 (53, 3), avril 2012, p. 63-79. https://id.erudit.org/iderudit/63792ac

Cinq (autres) conseils à un critique littéraire débutant

Le 17 février 2014, l’Oreille tendue pontifiait sur la critique littéraire. Rebelote et suite.

VI.

Utilise des verbes conjugués, pas seulement des verbes à l’infinitif. (Ne fais pas comme certaine chroniqueuse du Devoir.)

VII.

Ne parle pas de l’indicible. Si tu peux parler de quelque chose, c’est du dicible. Si tu ne peux pas parler de quelque chose, ce n’est pas ton objet.

VIII.

Cesse de tergiverser, affirme, flushe sembler de ton vocabulaire.

(«“Semble”, soit dit entre parenthèses, semble bien être la principale ressource lexicale du critique, sans doute pour se protéger des poursuites légales», Ian Watt, «L’institution du compte rendu», traduction de Rosine Christin, présentation de Pierre Bourdieu, Actes de la recherche en sciences sociales, 59, 1985, p. 85-86, p. 85.)

IX.

Ne dis pas d’une œuvre qu’elle est «humaine». Sauf si un chat en est l’auteur. (Merci à @ppferland.)

X.

Ne qualifie jamais un livre singulier / déroutant / original / étrange / curieux / atypique de véritable ovni littéraire. (Merci à @revi_redac.)