Fil de presse 014

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

À l’occasion, l’Oreille tendue renverse sa sébile bibliographique pour voir ce qui en tombe en matière de langue. Aujourd’hui, elle recueille quelques livres.

Sur le Québec

Bigot, Davy, Michael Friesner et Mireille Tremblay (édit.), les Français d’ici et d’aujourd’hui. Description, représentation et théorisation, Sainte-Foy (Québec), Presses de l’Université Laval, coll. «Les voies du français», 2013, 272 p.

Castonguay, Charles, le Français, langue commune : projet inachevé, Montréal, Renouveau québécois, 2013, 154 p.

Patry, Richard, À contre-langue et à courre d’idées. Étude du vocabulaire étranger francisé et du discours polémique dans l’œuvre de Jacques Ferron, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2013, 287 p. Édition numérique.

Sur Madagascar

Velominhanta, Ranaivo, Plurilinguisme francophonie et formation des élites à Madagascar (1795-2012) (De la mixité des langues), Paris, L’Harmattan, coll. «Espaces discursifs», 109, 2013, 332 p.

Sur la France

Brun, Auguste, Recherches historiques sur l’introduction du français dans les provinces du Midi, Genève, Slatkine reprints, 2013, 522 p. Réimpression de l’édition de Paris, 1923.

Debov, Valéry, Diko des rimes en verlan dans le rap français, Paris, La Maison du dictionnaire / Dicoland, 2012, 320 p.

Lusignan, Serge, Essai d’histoire sociolinguistique. Le français picard au Moyen Âge, Paris, Classiques Garnier, coll. «Recherches littéraires médiévales», 2012, 335 p.

Vaugelas, Claude Favre de, Nouvelles remarques sur la langue françoise, Genève, Slatkine reprints, 2013, 736 p. Réimpression de l’édition de Paris, 1690.

Sur la francophonie

Sanaker, John Kristian, la Rencontre des langues dans le cinéma francophone : Québec, Afrique subsaharienne, France, Maghreb, Sainte-Foy (Québec) et Paris, Presses de l’Université Laval et L’Harmattan, coll. «Cinéma et société», 2010, 198 p.

Talon, Olivier et Gilles Vervisch, le Dico des mots qui n’existent pas et qu’on utilise quand même, Paris, Express Roularta Éditions, 2013, 287 p. (Voir ici.)

Sur l’Europe française au XVIIIe siècle

Lifschitz, Avi, Language and Enlightenment : The Berlin Debates of the Eighteenth Century, Oxford, Oxford University Press, coll. «Oxford Historical Monographs», 2012, 256 p.

Rivarol, Discours sur l’universalité de la langue française, Paris, Éditions Manucius, coll. «Le Philologue», 2013, 138 p. Édition originale : 1784.

Plagier Voltaire

L’Oreille tendue a eu plusieurs fois l’occasion de citer l’écrivain Roch Carrier, s’agissant de sacres et de sport. (Voir notamment ici.)

Comment Carrier est-il venu à l’écriture ? Il le raconte dans le texte «Comment suis-je devenu romancier ?» (1971) :

À douze ans donc, un collégien plus avancé que moi, mon voisin, m’avait prêté dans cette salle d’étude où chuintaient les pages des dictionnaires grec et latin, m’avait prêté Candide et je me demande si, à la découverte de l’Amérique, Christophe Colomb a été aussi émerveillé devant ce continent qu’il découvrait. Candide, ce conte que je découvrais et qui était tellement moins bête que les centaines de contes de fées que j’avais lus dans l’Encyclopédie de la Jeunesse; c’est à ce moment, je pense, que je suis devenu écrivain. J’ai commencé alors à écrire fébrilement au lieu de faire mes versions latines, je lus d’autres œuvres, je plagiai très férocement Voltaire; jamais je n’ai pu désapprendre ce rythme vif de la phrase que Voltaire m’a enseigné mais surtout je découvrais avec Voltaire tout ce qui empoisonnait la vie au Québec. Mon pays m’apparaissait comme un pays du XVIIIe siècle et Voltaire était le grand frère m’indiquant la voie à suivre (p. 269-270).

Il y a de pires modèles.

 

[Complément du 5 juillet 2016]

L’Oreille tendue a publié, en 2015, un petit article sur ce texte de Roch Carrier dans les Cahiers Voltaire.

 

Référence

Carrier, Roch, «Comment suis-je devenu romancier ?», dans Antoine Naaman et Louis Painchaud (édit.), le Roman contemporain d’expression française. Introduit par des propos sur la francophonie, Sherbrooke, Université de Sherbrooke, Faculté des arts, Centre d’étude des littératures d’expression française, 1971, p. 266-272.

Melançon, Benoît, contribution au dossier «Enquête sur la réception de Candide (XIII). Coordonnée par Stéphanie Géhanne Gavoty et André Magnan», Cahiers Voltaire, 14, 2015, p. 266-267.

Ça la fout mal

Olivier Talon et Gilles Vervisch, le Dico des mots qui n’existent pas et qu’on utilise quand même, 2013, couverture

L’Oreille tendue est volontiers donneuse de leçons (linguistiques); c’est là son moindre défaut. Elle a d’ailleurs créé une catégorie «Grogne du pion» où classer ses obsessions, bien ou mal fondées. Elle s’expose par là à se faire corriger par ses bénéficiaires; c’est la règle du jeu.

C’est à cela qu’elle pensait tout au long de sa lecture du Dico des mots qui n’existent pas et qu’on utilise quand même (2013). Ses auteurs, Olivier Talon et Gilles Vervisch, glanent les mots dont raffolent les médias, mais que ne connaît pas le Petit Robert (c’est leur ouvrage de référence). Ils puisent dans la langue de la politique («berlusconisation», «sarkhollandisation»), du sport («zlataner»), de l’informatique («défacebooker (se)»), de la gestion («consultance»), du spectacle («bankable»), de la mode et des cosmétiques («volumiser»), surtout en France, mais aussi ailleurs dans la francophonie. Ils n’aiment guère les anglicismes et les «scories anglophiles» (p. 157 et p. 283) : «chacun sa langue, et les moutons seront bien gardés» (p. 114). Pour eux, par exemple, «délivrable» est une «abjection vocabulistique» (p. 94). Comme il se doit — c’est la règle du jeu —, ils ont l’anathème facile, bien qu’ils soient prêts à reconnaître l’utilité de quelques néologismes («chronophage», «procrastiner», «technophobie»). Leur souhait ? Qu’on parle «correctement» (p. 145), qu’on corrige «le langage des parle-petit» (p. 245).

Malheureusement, leur livre contient pas mal de fautes, on y trouve des usages critiqués, la ponctuation y est approximative, etc.

L’Oreille est assez fortement convaincue qu’un dictionnaire ne peut pas se vouloir (p. 9) et que la formule comme étant ne sert à rien (p. 28 et p. 76). Soi-disant ne peut pas se dire d’un inanimé (p. 17, p. 201 et p. 247). Sept fois «donc» en soixante lignes (p. 43-45), c’est beaucoup. Il y a «Seconde guerre mondiale» (p. 52) et «Seconde Guerre mondiale» (p. 54); ça fait désordre. Page 138, la même expression revient deux fois, une fois fautivement («L’apparition d’Internet et des réseaux sociaux ont ainsi conduit»), une fois non («L’apparition combinée d’Internet et de la téléréalité a conduit»); on pourrait profiter de cette occasion pour citer, en l’adaptant, certaine parenthèse de la page 178 («On observera la belle faute de conjugaison à la troisième personne du pluriel […]»). Il est ennuyeux de ne pas aimer les anglicismes et d’employer «magnets» au lieu d’«aimants» ou d’«aimantins» (p. 143), ou encore «smartphone». Les «mémoires» de l’organiste Louis Vierne n’ont pas été «publiées par l’Association des amis de l’orgue» (p. 149 n. 1); ses «Mémoires» ont été «publiés» par cette association (désignant une pratique autobiographique, le mot Mémoires est masculin et demande la majuscule).

L’arroseur arrosé, en quelque sorte. L’Oreille connaît.

P.-S. — On ne peut pas toujours pinailler : il faut saluer l’oreille d’Olivier Talon et Gilles Vervisch quand ils corrigent la définition de pipolisation dans le Petit Robert de 2013 (p. 203-207). Également à signaler : «beuguer» (p. 40-41), «facilitateur» (p. 108-109), «pécunier» (p. 193-194), «redensifier» (p. 228), «réseautage» (p. 234-235).

 

Référence

Talon, Olivier et Gilles Vervisch, le Dico des mots qui n’existent pas et qu’on utilise quand même, Paris, Express Roularta Éditions, 2013, 287 p.

La francophonie du qui qui

Olivier Talon et Gilles Vervisch, le Dico des mots qui n’existent pas et qu’on utilise quand même, 2013, couverture

Il y a jadis naguère — c’était le 21 mai 2010 —, l’Oreille tendue présentait le qui qui. Elle avait alors l’impression que l’expression était surtout québécoise.

Ouvrant le Dico des mots qui n’existent pas et qu’on utilise quand même, elle tombe sur l’article «Cékika, Cékiki». Ses derniers mots sont «Mais après tout, c’est marrant cékiki, et puis c’est très souvent utilisé, quand même» (p. 61).

La francophonie existe : qui qui le prouve.

P.-S. — En revanche, le cékika n’a guère droit d’oreille au Québec.

 

Référence

Talon, Olivier et Gilles Vervisch, le Dico des mots qui n’existent pas et qu’on utilise quand même, Paris, Express Roularta Éditions, 2013, 287 p.

C’est grave, docteur ?

Paraissait, il y a peu, la cinquième édition de l’ouvrage Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, DSM-5 pour les intimes.

Parmi les maladies mentales, y recense-t-on la bureaucratie ?

L’Oreille tendue s’est posé la question en retombant sur l’article «bureaucratique» de la cinquième édition du Multidictionnaire de la langue française de son amie Marie-Éva de Villers :

«adj. Atteint de bureaucratie. Une gestion bureaucratique

Il est vrai qu’il ne s’agit peut-être pas d’un trouble de l’esprit.

 

Référence

Villers, Marie-Éva de, Multidictionnaire de la langue française, Montréal, Québec Amérique, 2009 (cinquième édition), xxvi/1707 p.

Marie-Éva de Villers, Multidictionnaire de la langue française, cinquième édition, 2009, couverture