Accouplements 230

Couvertures de Martin Robitaille et David Turgeon, collage

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dans le roman les Déliaisons, de Martin Robitaille (Montréal, Québec Amérique, coll. «Littérature d’Amérique», 2008, 240 p.), le narrateur travaille brièvement à la revue Parallaxe.

Dans le Roman d’Isoline, de David Turgeon (Montréal, Le Quartanier, «série QR», 186, 2024, 196 p.), la narratrice travaille brièvement à la revue Paradoxe.

À quand un roman avec des titres de revues comme Parataxe, Parallèle ou Parachute ?

L’oreille tendue de… Michel Lacroix

Michel Lacroix, Cécile et Marx, 2024, couverture

«J’aime la relecture de l’écologisme, du féminisme et du mouvement des droits des minorités comme attention au “monde proche” développée par [Pierre] Nepveu : “Chaque fois, écrit-il, un pouvoir, une souveraineté, une hégémonie sont appelés à reconsidérer ce qui paraissait petit, marginal, inférieur, négligeable, effacé et le plus souvent méprisé.” Cette éthique convie à tendre l’oreille, à écouter la parole discrète, qui se cache, s’interrompt avant d’avoir eu lieu. Non pas celle des vox pop, qui incite le premier venu à gonfler sa voix, à répondre à des questions qui ne sont pas les siennes, à faire entendre la doxa dans sa propre voix, non : plutôt celle qui hésite un peu à se confier, celle qui porte en elle des années de conscience silencieuse, qu’on n’entend jamais dans les médias, écrasée par la parole des personnes puissantes, privilégiées ou expertes (dont je suis, quoi que j’en dise).»

Michel Lacroix, Cécile et Marx. Héritages de liens et de luttes, Montréal, Varia, coll. «Proses de combat», 2024, 239 p., p. 166.

Citation linguistique du jour, à méditer

Michel Lacroix, Cécile et Marx, 2024, couverture

«Quand je suis la courbe du nombre de personnes se déclarant aptes à parler français au Québec, et que je vois qu’elle n’a jamais cessé de croître, qu’année après année il y a toujours davantage de francophones, qu’il n’y en a jamais eu autant dans l’histoire du Québec, les polémiques sur le “Bonjour-Hi”, dont on veut faire le signe prémonitoire de la “louisianisation” du Québec, me paraissent pleines de mauvaise foi et de ressentiment. Je ne peux imaginer que cette société de millions de francophones, riche, pourvue de politiques linguistiques étatiques fortes, d’institutions nombreuses, puisse fondre comme neige au soleil de l’anglais, en quelques générations : rien dans les données démographiques ou dans l’histoire moderne ne permet à ma connaissance un pronostic aussi paranoïaque.»

Michel Lacroix, Cécile et Marx. Héritages de liens et de luttes, Montréal, Varia, coll. «Proses de combat», 2024, 239 p., p. 165.

 

P.-S.—Sur le même thème, ceci.

Vulgarisation linguistique

Le Club des cinq et la baisse du niveau, couverture satirique de @BonneCorrection

Tout le monde a quelque chose à dire sur la langue; c’est ainsi. Tout le monde n’est pas également informé sur la langue; ça se corrige. Exemples récents, et brefs.

On se gausse volontiers, au Québec, de l’expression du coup, réputée monarcoplatale, mais néanmoins utilisée à NDG par un des fils de l’Oreille tendue. Nadège Fournier, dans son travail de doctorat, s’est penchée sur les rapports du français québécois et du français de référence chez des Français et des Françaises installés à Montréal. Elle a nécessairement dû aborder cette question : «Du coup est un stéréotype du français de France tandis que fait que est propre au français québécois.» Il y en a plusieurs autres.

Faut-il simplifier l’orthographe du français ? Oui, répond Gilles Siouffi, en commençant à l’école : «Le paramètre essentiel aujourd’hui est […] l’éducation : c’est elle qui doit être le moteur essentiel des évolutions de l’orthographe — car l’orthographe, c’est certes ce qu’on pratique, mais surtout ce qu’on enseigne.»

Philippe Blanchet profite des manifestations d’agriculteurs en France pour rappeler quelques principes de la sociolinguistique. Elle a montré «que toutes les langues sont égales (y compris celles dites “patois”) : aucune n’est supérieure ou inférieure à une autre en raison de ses caractéristiques proprement linguistiques. Ce sont les hiérarchisations sociales qui se reflètent en hiérarchisation des langues ou de leurs variétés locales ou sociales particulières.»

L’Oreille a déjà dit le bien qu’elle pensait du tract Le français va très bien, merci, que publiaient en 2023 Les linguistes atterré(e)s chez Gallimard. Ce collectif a aussi un blogue. Il y a été question récemment de l’Académie française (à quoi sert-elle ?), des élucubrations d’Alain Bentolila et de l’accord du participe passé.

Tout cela est gratuit et accessible.

Le zeugme du dimanche matin et de Hervé Le Tellier

Hervé Le Tellier, Mon dîner avec Winston, 2023, couverture

«Cet homme-là, eh bien, il se balade tranquillement sur une petite route, en Bavière. Un Français, dans une voiture japonaise, en Bavière, et en paix. Oui, l’Europe est en paix, à peu près.»

Hervé Le Tellier, Mon dîner avec Winston, avant-propos, chronologie et notes de l’auteur, Paris, Gallimard, coll. «Folio théâtre», 2012, 2023, 78 p., p. 24.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)