Autopromotion 077

Un signe ostentatoire ?

 

L’Oreille tendue sera ce matin, le 13, autour de 9 h 15, au micro de Catherine Perrin, à Ici Radio-Canada première, pour proposer une analyse de texte.

À l’étude ? Signé par le gouvernement du Québec, «Parce que nos valeurs, on y croit. Document d’orientation. Orientations gouvernementales en matière d’encadrement des demandes d’accommodement religieux, d’affirmation des valeurs de la société québécoise ainsi que du caractère laïque des institutions de l’État.» Autrement dit, le projet de Charte des valeurs québécoises rendu public cette semaine par le ministre Bernard Drainville.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici. Le texte gouvernemental, en PDF, est disponible .

Autopromotion 075

L’Oreille tendue sera ce matin, le 28, peu après 10 h, au micro de Catherine Perrin, à Ici Radio-Canada première (yerk), pour parler des mots de la rentrée scolaire, avec Chantal Lamarre et Antoine Robitaille.

Le 17 septembre 2012, elle s’était livrée à un exercice semblable, toute seule dans son coin.

 

[Complément du jour]

L’Oreille a parlé de swag et de yolo — et de yuvav, sa version québécoise —, du tutoiement — «SPIN ton stress», «Magane pas tes organes» — et, trop brièvement, de l’équipe-école. Elle aurait aussi aimé glisser un mot de l’enfant sporadique. Ce sera pour une autre fois.

Sur Twitter, Stéphanie Chicoine a proposé, plutôt que Yinke une vie à vivre (yuvav), On vit juste une fois (ovjuf). OXO Translations penchait pour carpe diem.

Antoine Robitaille, lui, a signalé l’utilisation d’ortho et de épique.

On peut (ré)entendre l’entretien ici.

Le sexe de Don Draper (et celui de Nate Fisher)

Gros plan du visage de Don Draper dans la finale de Mad Men

«Es-tu heureux ? Après quoi cours-tu ? J’ai cru
comprendre que tu lisais de moins en moins;
comme tout le monde, tu délaisses le cinéma pour les séries télé.»
Patrick Nicol, Terre des cons (2012)

«Il y a un peu de testicule au fond de nos sentiments
les plus sublimes et de notre tendresse la plus épurée.»
Diderot, lettre à Damilaville, citée dans Esprit de Diderot

«Climbing a mountain ? Is that what making love is to you ?»
Betty Draper, The Better Half,
neuvième épisode de la sixième série de Mad Men

 

L’Oreille tendue n’est devant sa télé que pour deux choses : le sport et les grandes séries américaines (The West Wing, Homeland, Damages, The Good Wife, The Newsroom). Elle a suivi, comme tout le monde, Mad Men (voir ici, et encore là) : d’abord avec intérêt, puis de moins en moins. Pour le dire d’une question : «Who cares about Don Draper ?» (Pour qui l’ignorerait, Don Draper est le personnage principal de la série.)

Lui, le nec plus ultra des «créatifs», l’incarnation, en apparence, de la réussite professionnelle, est de plus en plus grossier au fil des épisodes : il expose sa richesse, il boit comme un trou, il ne tient aucune de ses promesses, il est violent, il baise tout ce qui bouge. Il faut le comprendre, soulignent à gros traits ses créateurs : c’est un enfant illégitime, son père (violent et alcoolique) est mort sous ses yeux, il a grandi dans un bordel. Cette psychologie de bazar suffirait à enlever tout intérêt au personnage. Quand on ajoute à cela le fait que d’autres personnages de la série (Joan, Peggy, Roger) sont autrement plus intéressants que lui, le verdict devrait être sans appel.

Ajoutons cependant une autre pièce au dossier d’accusation : comme Nate Fisher dans la série Six Feet Under, Don Draper est mené par son sexe; comme lui, cette obsession le transforme en personnage unidimensionnel. Une fois que l’on a compris que tout s’explique par leur libido, on se désintéresse d’eux, radicalement.

Un contre-exemple ? Tony Soprano, dans The Sopranos. Situation familiale non optimale : son père était violent; sa mère a essayé de le faire assassiner; il dispute le contrôle de la mafia du New Jersey à son oncle; il aide sa sœur à se débarrasser du cadavre de l’amant qu’elle vient de révolvériser; sa fille est un temps attiré par un mauvais garçon; son fils n’arrive pas à en être un. Profession exigeante : à défaut de faire vendre, tel Don Draper, il sait comment obtenir ce dont il a besoin, qu’il y ait ou pas un prix à payer (on entendra prix au sens littéral comme au figuré), et personne ne lui fait de cadeau. Sexualité non restrictive : ses conquêtes (façon de parler) sont nombreuses (euphémisme), rémunérées ou pas. Et pourtant il n’est défini ni par ses coucheries, ni par ses beuveries, ni par sa violence. Contrairement à Don Draper et à Nate Fisher, Tony Soprano s’interroge sur l’origine du mal qu’il inflige et de celui qui le ronge, il ne fait pas que les expliquer par un événement ou une série d’événements de son enfance. Pour le dire simplement : il se pose des questions — voir sa fascination pour les émissions historiques à la télé —, ce que ne font jamais les deux autres.

On pourrait appliquer à Matthew Weiner, le concepteur de Mad Men, et au personnage de Don Draper des remarques de David Foster Wallace sur John Updike (1998) dans son recueil Consider the Lobster :

[Turnbull, le narrateur du roman Toward the End of Time d’Updike] persists in the bizarre, adolescent belief that getting to have sex with whomever one wants whenever one wants to is a cure for human despair. And Toward the End of Time’s author, so far as I can figure out, believes it too. Updike makes it plain that he views the narrator’s final impotence as catastrophic, as the ultimate symbol of death itself, and he clearly wants us to mourn it as much as Turnbull does. I am not shocked or offended by this attitude; I mostly just don’t get it. Rampant or flaccid, Ben Turnbull’s unhappiness is obvious right from the novel’s first page. It never once occurs to him, though, that the reason he’s so unhappy is that he’s an asshole.

Un adolescent, un être désespéré et malheureux qui se laisse mener par sa queue (avant de devenir Don, ce personnage s’appelait Dick : queue, en anglais) et un «trou de cul» : on croirait lire le portrait de Don Draper.

P.-S. — Sur Tony Soprano, écouter, à France Culture, la livraison du 13 août 2013 de l’émission les Bons Plaisirs, avec Emmanuel Burdeau, auteur de la Passion de Tony Soprano (2010).

 

Références

Burdeau, Emmanuel, la Passion de Tony Soprano, Nantes, Capricci, coll. «Actualité critique», 1, 2012, 97 p. Édition originale : 2010.

Loty, Laurent et Éric Vanzieleghem, Esprit de Diderot. Choix de citations, Paris, Hermann, 2013, 157 p.

Nicol, Patrick, Terre des cons. Roman, Montréal, La mèche, 2012, 97 p.

Wallace, David Foster, Consider the Lobster and Other Essays, New York, Little, Brown and Company, 2005. Ill. Édition numérique.

La clinique des phrases (a)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit les phrases suivantes :

Réalisé par Guy Beaulne, en avril 1954, ce radiothéâtre est donné en reprise dans une réalisation de Madeleine Gérôme, en décembre 1965. Son originalité tient à l’inventivité de l’argumentation et du style, à l’humour qu’on y trouve, mais plus encore à la satire qui caractérise l’écriture de ce radiothéâtre.

C’est une évidence : elles ne sont pas en santé. Comment les soigner ? Est-il possible de leur redonner vie ?

On peut d’emblée enlever un bout de phrase répétitif : «qui caractérise l’écriture de ce radiothéâtre». On sait qu’il s’agit d’un radiothéâtre; voir la première phrase. On sait qu’il s’agit de caractériser une écriture : c’est le but de la deuxième phrase.

Nous avons :

Réalisé par Guy Beaulne, en avril 1954, ce radiothéâtre est donné en reprise dans une réalisation de Madeleine Gérôme, en décembre 1965. Son originalité tient à l’inventivité de l’argumentation et du style, à l’humour qu’on y trouve, mais plus encore à la satire.

On peut faire mieux : pourquoi dire qu’on «trouve» dans ce radiothéâtre de l’«humour», alors que l’on trouve de l’«humour», de l’«inventivité» et de la «satire» ?

Coupons encore :

Réalisé par Guy Beaulne, en avril 1954, ce radiothéâtre est donné en reprise dans une réalisation de Madeleine Gérôme, en décembre 1965. Son originalité tient à l’inventivité de l’argumentation et du style, à l’humour, mais plus encore à la satire.

L’Oreille tendue aime bien la virgule, mais il y en a deux, dans la première phrase, qui ne lui paraissent pas indispensables. Ouste :

Réalisé par Guy Beaulne en avril 1954, ce radiothéâtre est donné en reprise dans une réalisation de Madeleine Gérôme en décembre 1965. Son originalité tient à l’inventivité de l’argumentation et du style, à l’humour, mais plus encore à la satire.

Vous ne vous sentez pas mieux ?

À votre service.

Éloigné tout près

Les Radios francophones publiques coproduisent l’émission les Chedid : les chiens ne font pas des chats. Comment rendre l’expression les chiens ne font pas des chats en anglais ? The apple does not fall far from the tree. En français, des animaux; en anglais, un fruit. La traduction des tournures idiomatiques est, pour l’Oreille tendue, source d’étonnement renouvelé.

Quelqu’un n’arrive pas à faire quelque chose parce qu’il n’est pas très malin. Au Québec, on dira que ça ne prend pourtant pas la tête à Papineau. Dans le monde anglo-saxon : ce que cette personne a à faire is not exactly rocket science.

Termium plus, «La banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada», donne c’est en forgeant qu’on devient forgeron pour practice makes perfect (merci à @jeansylvaindube).

Vous voulez faire avorter un projet ? Vous le tuez dans l’œuf. Autrement dit, you nip it in the bud.

Des heures de plaisir.