Découverte lexicale du jour

Olympiques Juniors, Banque royale, Canada, 1974, ruban

C’est de notoriété publique : l’Oreille tendue a déjà été boxeuse. Son entraînement supposait l’utilisation de ce qu’elle appelait des medicine balls. Jusqu’à tout à l’heure, elle ne s’était jamais demandé comment traduire ce terme.

Elle est alors tombée sur la phrase suivante, dans la biographie de Roger Federer par Christopher Clarey : «ils effectuaient un jeu de jambes intense tout en réceptionnant et en renvoyant un ballon lesté» (p. 75).

Ballon lesté est aussi ce que recommande l’Office québécois de la langue française pour medicine ball.

Une fois n’est pas coutume : l’Oreille se couchera moins niaiseuse.

 

Référence

Clarey, Christopher, Federer. Le maître du jeu. Biographie, Montréal, Flammarion Québec, 2022, 589 p. Traduction de Suzy Borello. Édition originale : 2021.

Fil de presse 041

Charles Malo Melançon, logo, mars 2021

Des publications sur la langue ? À votre service.

Abbiateci, Jean et Loris Grillet, le Dico des mots extraordinaires, Publier, Bulletin, 2022, 132 p.

Abbou, Julie, Tenir sa langue. Le langage, lieu de lutte féministe, Paris, Éditions Les Pérégrines, coll. «Genre !», 2022, 280 p.

Berthomieu, Gérard, Florence Leca-Mercier et Françoise Rullier-Theuret (édit.), Jean Échenoz : la fiction, la langue, Paris, Honoré Champion, coll. «Bibliothèque de grammaire et de linguistique», 69, 2022, 370 p.

Biasoni, Sami (édit.), Malaise dans la langue française, Paris, Cerf, 2022, 264 p. Préface d’Annie Genevard.

Blanchet, Philippe, A la descuberto dóu prouvençau, lengo óuriginalo, lengo amenaçado. À la découverte du provençal, langue originale, langue menacée, Cheval-blanc, Éditions de l’Observatoire de la langue et de la culture provençales, 2022, 95 p.

Canut, Cécile, Langue, Paris, Anamosa, coll. «Le mot est faible», 2021, 96 p.

Cassin, Barbara, Ce que peuvent les mots, Paris, Bouquins, «La collection», 2022, 1056 p.

Collège de ’Pataphysique, les 101 Mots de la Pataphysique, Paris, Presses universitaires de France, coll. «Que sais-je ?», 4039, 2022, 128 p.

Costa, Albert, le Cerveau bilingue. Et ce qu’il nous dit de la science du langage, Paris, Odile Jacob, 2022, 216 p.

Crépon, Marc, l’Héritage des langues. Séminaire 2020-2021, Paris, Fayard, coll. «Ouvertures», 2022, 320 p.

Crevoisier, Michaël et Aurélien Galateau (édit.), Langage et Idéologie. Penser le devenir de la langue avec Klemperer, Nice, Éditions Unes, 2022, 184 p.

Denisot, Michel, Médéric Gasquet-Cyrus et Arnaud Richard, En plein dans la lucarne ! 200 expressions, mots et anecdotes de légende sur le foot, Paris, Le Robert, 2022.

Dorey, Alicia, Louise Pierga et Marcelle Ratafia, Parlons VIN parlons BIEN !, Paris, Le Robert, 2022.

Elchacar, Mireille, Délier la langue. Pour un nouveau discours sur le français au Québec, Montréal, Éditions Alias, 2022, 160 p. Ill.

Le compte rendu de l’Oreille tendue se trouve ici.

Les Expressions françaises expliquées aux enfants, Niort, Les éditions Bonhomme de chemin, 2022, 96 p.

Feltin-Palas, Michel, Sauvons les langues régionales !, Paris, Éditions Héliopoles, 2022, 192 p.

Gaudin, François (édit.), Charles de Foucauld. Lexicographe et missionnaire, Rouen, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2022, 178 p.

Itinéraires. Littérature textes cultures, 3, 2021. Dossier «Race et discours 2 : Représentations et formes langagières», sous la direction de Marie-Anne Paveau.

Jaillard, Pierre (édit.), les Noms de lieux, un patrimoine en mouvement, Paris, Honoré Champion, coll. «Lexica — Mots et dictionnaires», 40, 2022, 234 p.

Lacroix, Jacques, les Irréductibles Mots gaulois, Chamalières, Lemme edit, 2022 (deuxième édition revue et corrigée), 180 p. Préface de Michael Edwards.

Lefebvre, Julie, la Note de bas de page dans les imprimés contemporains, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, coll. «Recherches linguistiques et textuelles», 2022, 280 p.

Linguistique de l’écrit, 2, 2021. Dossier «Écrits préparants, paroles préparées», sous la direction de Rudolf Mahrer. ISSN : 2515-3102.

Loriga, Sabina et Jacques Revel, Une histoire inquiète. Les historiens et le tournant linguistique, Paris, ÉHÉSS, Gallimard et Seuil, coll. «Hautes études», 2022, 392 p.

Montpetit, Caroline, Bonjour ! Kwe ! À la rencontre des langues autochtones du Québec, Montréal, Boréal, 2022, 112 p.

Morgentaler, Simone, Nos gros mots, Ùnseri Schìmpfwerter, Bernardswiller, I.D. l’Édition, 2022, 208 p. Illustration de Lucille Uhlrich.

Neveux, Julie, le Langage de l’amour. De la rencontre à la rupture, comment les mots révèlent nos sentiments, Paris, Grasset, 2022, 416 p.

Nocus, Isabelle, Bilinguismes des enfants en contextes multilingues, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. «Psychologie(s)», 2022, 238 p. Préface d’Agnès Florin.

Pruvost, Jean, Marcel Proust, «psychologue original» dans les dictionnaires (1920-1960), Paris, Honoré Champion, coll. «Champion essais», 59, 2022, 200 p. Préface de Thierry Laget.

Rey, Alain (édit.), Dictionnaire historique de la langue française. L’édition ultime, Paris, Dictionnaires le Robert, 2022, 2 vol. Édition originale : 1992.

Soutet, Olivier, le Sens sous tension. Psychomécanique et sémantique grammaticale, Paris, Honoré Champion, coll. «Bibliothèque de grammaire et de linguistique», 70, 2022, 326 p.

Swamy, Vinay et Louisa Mackenzie (édit.), Devenir non-binaire en français contemporain, Paris, Éditions Le Manuscrit, coll. «Genre(s) et création», 2022, 288 p.

Vandevelde-Rougale, Agnès, Mots & illusions : quand la langue du management nous gouverne, Paris, 10-18, coll. «Amorce», 2022, 112 p.

Walter, Henriette, Deux mille mots pour dire le monde, Paris, Bouquins, coll. «Essai», 2022, 384 p. Préface de Hector Obalk.

Divergences transatlantiques 072

«Ne le prenez pas contre vous, mais vous êtes très mal habillé», publicité de France Culture, 22 novembre 2022

Lu hier, sur Twitter, ceci, pour annoncer une émission de France Culture : «Ne le prenez pas contre vous, mais vous êtes très mal habillé.»

Pour une oreille québécoise, une autre tournure aurait été attendue : «Ne le prenez pas personnel, mais vous êtes très mal habillé.»

Autre exemple, venu du XVIIIe siècle : Quand Jean-Jacques Rousseau a lu, dans le Fils naturel, de Diderot, la phrase «Il n’y a que le méchant qui soit seul», il l’a pris personnel. Chez Wikipédia : «Rousseau prit effectivement pour lui cette critique indirecte».

À votre service.

P.-S.—En effet, ce n’est pas la première fois que nous croisons cette expression.

 

[Complément du 14 décembre 2022]

Existe aussi une variante : «Ça colle avec sa personnalité. On peut ne pas tomber d’accord avec Roger [Federer], il ne le prend pas personnellement, il ne se démonte pas plus que ça […]» (Federer, p. 542).

L’Office québécois de la langue française ne recommande, dans ce cas, ni personnel ni personnellement.

 

Référence

Clarey, Christopher, Federer. Le maître du jeu. Biographie, Montréal, Flammarion Québec, 2022, 589 p. Traduction de Suzy Borello. Édition originale : 2021.

Délier la langue

Mireille Elchacar, Délier la langue, 2022, couverture

Depuis Marina Yaguello dans les années 1980, nous sommes nombreux à avoir voulu lutter, dans de courts ouvrages accessibles, contre les idées reçues en matière de langue. C’est le cas, entre autres auteurs francophones, de Chantal Rittaud-Hutinet (compte rendu), d’Anne-Marie Beaudoin-Bégin (compte rendu), de Michel Francard, d’Arnaud Hoedt et Jérôme Piron (comptes rendus un et deux), de Maria Candea et Laélia Véron (compte rendu), et de l’Oreille tendue. Avec Délier la langue. Pour un nouveau discours sur le français au Québec, Mireille Elchacar apporte sa pierre à l’édifice.

L’an dernier, avec Amélie-Hélène Rheault, Elchacar publiait «La présence des linguistes lors de débats sur la langue dans la presse écrite québécoise». Soucieuse de cette «présence», elle souhaite qu’elle soit de plus en plus importante (p. 11-13, p. 16, p. 17). Elle invite ses collègues à s’en prendre aux «idées reçues» (p. 7, p. 62, p. 121) et «aux discours convenus sur le français au Québec» (p. 17), à rejeter le «discours moralisateur» (p. 10, p. 144), «dénigrant» (p. 16) ou «puriste» (p. 60).

Pour sa part, dans cet «exercice de vulgarisation» (p. 7), elle s’attaque à deux questions, notamment dans une perspective historique : les anglicismes, l’orthographe. Des premiers, elle rappelle qu’ils sont trop souvent uniquement affaire de jugement de valeur. De la seconde, elle montre qu’elle est incohérente, illogique et opaque en français et qu’elle devrait être réformée, et elle insiste sur les difficultés pédagogiques que pose son enseignement. Il faudrait sortir de la «nostalgie d’un passé qui n’a jamais existé» (p. 70).

Mireille Elchacar a recours à un très grand nombre d’exemples. Certains sont bien choisis. Pourquoi remplacer cocktail par coquetel (p. 54, p. 64) ? Comment écrire alibi si on n’a jamais vu ce mot (p. 134-135) ? D’autres sont moins convaincants. Baby-foot n’est pas un «faux anglicisme» spécifique au Québec (p. 34 n. ii). Ni baseball ni camping ne sont du «registre familier» dans cette aire linguistique (p. 49). Pendant des années, le discours médiatique québécois sur la langue a été obsédé par la tournure la fille que je sors avec; est-ce encore d’actualité (p. 59-60) ?

À juste titre, l’autrice insiste à plusieurs reprises sur la nécessité de toujours distinguer les registres quand on réfléchit aux phénomènes linguistiques, de même qu’aux rapports complexes de l’oral et de l’écrit. Elle fait bien ressortir le fait que le français québécois n’a pas de syntaxe qui lui serait propre (p. 58-61); il n’existe pas de langue qui s’appellerait le québécois. Elle propose d’utiles synthèses (p. 61). Des formules font mouche : «Nous vivons en ce moment la plus grande période de fixité de l’orthographe française» (p. 113).

Délier la langue se termine sur «Quelques pistes pour l’avenir» (p. 139-145). Mireille Elchacar souhaite que le Québec soit à l’«avant-garde» de l’«amélioration de l’orthographe française» (p. 140), en allant plus loin que les réformes de 1990 (p. 140-141) et en revoyant les règles de l’accord du participe passé (p. 142-144). Elle appelle aussi de ses vœux «une nouvelle manière de parler de la langue au Québec» (p. 145) fondée sur les travaux des linguistes et non sur les discours s’en prenant aux seules fautes, réelles ou supposées.

Entendons-la.

P.-S.—L’Oreille tendue, dix-huitiémiste de son état, est tatillonne en matière de Siècle des lumières : non, l’Encyclopédie, qui a paru de 1751 à 1772, ne compte pas 35 volumes (p. 32), mais 28 (17 de textes, 11 d’illustrations). Il ne faut pas confondre l’Encyclopédie dirigée par Diderot et D’Alembert et son Supplément, avec lequel ils n’ont rien à voir.

P.-P.-S.—L’Oreille tendue, bibliographe de son état, est tatillonne en matière de références. Elle ne s’explique pas qu’on puisse évoquer nombre de textes sans en donner ni la référence ni, au moins, le titre ou la date de parution (p. 10-12, p. 14, p. 15, p. 19, p. 33). Elle déplore que, dans la bibliographie finale, le même titre apparaisse sous deux formes (p. 152 et p. 154; p. 157). Des titres cités ne se trouvent pas en bibliographie (p. 89, p. 141). Dire d’Alain Rey qu’il est «coauteur du Petit Robert» (p. 100) est abusif. Tout ça fait désordre.

 

Références

Beaudoin-Bégin, Anne-Marie, la Langue rapaillée. Combattre l’insécurité linguistique des Québécois, Montréal, Somme toute, coll. «Identité», 2015, 115 p. Ill. Préface de Samuel Archibald. Postface de Ianik Marcil.

Beaudoin-Bégin, Anne-Marie, la Langue affranchie. Se raccommoder avec l’évolution linguistique, Montréal, Somme toute, coll. «Identité», 2017, 122 p. Ill. Préface de Matthieu Dugal.

Beaudoin-Bégin, Anne-Marie, la Langue racontée. S’approprier l’histoire du français, Montréal, Somme toute, coll. «Identité», 2019, 150 p. Ill. Préface de Laurent Turcot. Postface de Valérie Lessard.

Candea, Maria et Laélia Véron, Le français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique, Paris, La Découverte, 2019, 238 p. Nouvelle édition : Paris, La Découverte, coll. «La Découverte Poche / Essais», 538, 2021, 224 p.

Elchacar, Mireille et Amélie-Hélène Rheault, «La présence des linguistes lors de débats sur la langue dans la presse écrite québécoise», dans Carmen Marimón Llorca, Wim Remysen et Fabio Rossi (édit.), les Idéologies linguistiques : débats, purismes et stratégies discursives, Berlin, Berne, Bruxelles, New York, Oxford, Varsovie et Vienne, Peter Lang, coll. «Sprache – Identität – Kultur», 2021, p. 277-301.

Elchacar, Mireille, Délier la langue. Pour un nouveau discours sur le français au Québec, Montréal, Éditions Alias, 2022, 160 p. Ill.

Francard, Michel, Vous avez de ces mots… Le français d’aujourd’hui et de demain !, Bruxelles, Racine, 2018, 192 p. Illustrations de Jean Bourguignon.

Hoedt, Arnaud et Jérôme Piron, la Convivialité. La faute de l’orthographe, Paris, Éditions Textuel, 2017, 143 p. Préface de Philippe Blanchet. Illustrations de Kevin Matagne.

Hoedt, Arnaud et Jérôme Piron, Le français n’existe pas, Paris, Le Robert, 2020, 158 p. Préface d’Alex Vizorek. Illustrations de Xavier Gorce.

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Rittaud-Hutinet, Chantal, Parlez-vous français ? Idées reçues sur la langue française, Paris, Le cavalier bleu éditions, coll. «Idées reçues», 2011, 154 p. Ill.

Yaguello, Marina, Catalogue des idées reçues sur la langue, Paris, Seuil, coll. «Points», série «Point-virgule», V61, 1988, 157 p. Ill.

Le feu du temps

Lampe à l’huile

Nous avons déjà vu, au cours d’aventures antérieures, que le Québec a quelques expressions particulières pour parler du temps. C’est le cas, par exemple, de la secousse.

Il en va de même de la mèche, unité aussi imprécise que l’autre. Exemple tiré de la section des sports de la Presse+ d’hier : «C’est le cas de Paul Byron, 33 ans, qui ne fait plus de flammèches depuis une mèche, et qui tente de se remettre d’une opération à une hanche.» (On appréciera à sa juste valeur la rime flammèches / mèche.)

Explication de Pierre DesRuisseaux : «Ça fait une mèche. Ça fait longtemps. Allusion à la mèche du fanal à huile» (p. 202).

À votre service.

 

Référence

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.