Ni le Petit Robert (édition numérique de 2014) ni le Petit Larousse (édition de 2003) ne connaissent le verbe poigner / pogner.
Le Trésor de la langue française informatisé, en revanche, le présente ainsi :
Pogner, poigner, verbe trans. a) Empoigner, prendre, saisir. […] Là, on se met à l’abri, tard, l’automne, quand les gros vents vous poignent pendant qu’on chasse ou ben donc qu’on pêche sur les battures (Guèvremont, Marie-Didace, 1945 ds Rogers 1977). Pogner les nerfs. «S’emporter, se fâcher» (Fichier TLFQ). Empl. pronom. réciproque. «En venir aux coups; se battre, s’engueuler» (Fichier TLFQ). b) Arg., empl. pronom. réfl. «Se masturber». […] 1res attest. a) 1582 poigner «toucher avec le poing, empoigner» (Ch. et privil. des .XXXII. mét. de la cité de Liège, p. 81 ds GDF.) — XVIIe s. dans le domaine wallon, v. GDF. et a survécu dans certains parlers région. au sens de «prendre à pleines mains, prendre violemment», v. FEW t. 9, p. 515, b) 1935 arg. se pogner «se masturber» […]; de pogne arg. «main», v. poigne.
Comme ce passage l’indique, le verbe pogner / poigner, s’il ne pogne pas en France, pogne beaucoup au Québec. Les vents peuvent y pogner. On peut y pogner les nerfs. On peut se pogner avec un joueur de l’équipe adverse; au hockey, c’est le rôle des goons.
On a déjà vu ici même qu’il est possible, dans la Belle Province, de se poigner le moine, quand ce n’est pas le beigne, ou de pogner les gros poissons.
D’autres sens existent.
Qui saisit le sens d’une blague (d’une djoke) la pogne. Pour s’en assurer, on lui demandera la pognes-tu ?
Qui est coincé ou pris est pogné : «Pognés entre un boss crosseur, un syndicat menteur et un gouvernement…» (le Poulpe, p. 18).
Qui a du succès pogne. Voilà qui explique l’existence de la publicité suivante, récemment repérée par @revi_redac.
L’Oreille tendue ne prétend pas avoir repéré tous les sens de pogner. On pourra facilement la pogner en flagrant délit d’oubli.
P.-S. — On l’aura noté : sauf par volonté de dérision, on prononce bien plus volontiers pogner que poigner.
[Complément du 31 janvier 2015]
Comme le fait remarquer la même @revi_redac, il y a aussi «ce grand classique de la chanson québécoise» :
[Complément du 1er février 2015]
Oups ! Le Petit Robert (édition numérique de 2014) ne connaît pas poigner, mais pogner, si — et il en donne plusieurs excellentes définitions et illustrations. L’Oreille s’en mord les lobes, d’avoir parlé trop vite.
[Complément du 26 janvier 2016]
Et en Belgique, demandez-vous ? Oui, aussi, mais en usage intransitif.
Poigner […]
Poigner (dans qqch.) loc. verb. intr.
1. Fam. Prendre (qqch.) à pleine main. […]
2. Fam. Puiser (dans un contenant) pour remplir sa main. […]
Remarque
Ce verbe a pu également se construire transitivement (poigner qqch. «saisir qqch.; empoigner qqch.»), mais ce type de construction est aujourd’hui sorti de l’usage.
Vitalité peu élevée et décroissante en Wallonie, où ces constructions restent toutefois plus usuelles dans les provinces de Namur, de Liège et de Luxembourg. Quasi inusité à Bruxelles. — Également employé au Québec et en Louisiane (surtout dans la variante pogner) (Dictionnaire des belgicismes, p. 284).
[Complément du 29 avril 2018]
Sur le site Correspondance du Centre collégial de développement de matériel didactique, Louise Desforges propose plusieurs autres sens de po(i)gner. C’est ici.
Références
Dolbec, Michel et Leif Tande, le Poulpe. Palet dégueulasse, Montpellier, 6 pieds sous terre Éditions, coll. «Céphalopode», 12, 2004, 89 p. Bande dessinée.
Francard, Michel, Geneviève Geron, Régine Wilmet et Aude Wirth, Dictionnaire des belgicismes, Louvain-la-Neuve et Paris, De Boeck et Duculot, coll. «Langue française – Ouvrages de référence», 2010. Ill. Préface de Bruno Coppens.