Robert Bourassa, Bell Canada et Céline Dion

Double arc-en-ciel, Baie-Saint-Paul, Québec, 2013

 

Pendant la campagne électorale de 1989, Robert Bourassa, alors candidat pour le Parti libéral du Québec, était l’objet de publicités télévisées. Petite, l’Oreille était déjà tendue. Voici ce qu’elle écrivait à ce sujet dans le magasine Spirale :

Publicité télévisée du Parti libéral : devant une foule en liesse, le premier ministre commence son discours par un «Ce que le Québec a besoin» là où la grammaire exige un «Ce dont le Québec a besoin». Existe-t-il un autre pays où le chef de l’État, conseillé, on l’imagine, par toutes sortes d’experts en communication, accepterait de présenter une publicité incorrecte grammaticalement ?

Plusieurs années plus tard, et beaucoup moins jeune, l’Oreille avait des choses à dire sur une publicité, également télévisée, de Bell Canada. Une femme y interrogeait une de ses amies au sujet d’un groupe d’hommes enfermés dans le garage de celle-ci : «Ça leur dérange pas […] ?» (La publicité a finalement été corrigée.) Là encore, on imagine que plusieurs personnes ont dû donner leur aval avant que cette faute («Ça les dérange pas») se retrouve en ondes.

Ces jours-ci, selon des sources médiatiques, circule un clip de Céline Dion dans lequel la «diva de Charlemagne» (PQ) se trompe sur le genre du mot arc-en-ciel, féminisé par elle.

Comment expliquer la présence de cette faute ?

On peut plaider l’ignorance, Céline Dion croyant vraiment que le mot arc-en-ciel est féminin. Mais personne ne l’aurait corrigée ? La réputation de la chanteuse étant ce qu’elle est en matière de contrôle de son image publique, cela paraît peu probable.

Comme pour Robert Bourassa et pour Bell Canada, on peut craindre le mépris de la langue et, au-delà, du public. Une faute ? Y a rien là. Le monde comprennent.

Autre hypothèse, pas moins cruelle : parlant mal et le sachant, Céline Dion ne se corrigerait pas volontairement, histoire de se montrer proche de son public. A parle don comme nous autres.

Enfin, les problèmes des Québécois avec une certaine classe de mots étant ce qu’ils sont, peut-être cette faute est-elle l’indice que l’arc-en-ciel, pour Céline Dion, est un moyen de transport.

 

Référence

Melançon, Benoît, «Fragments de dictionnaire pour une campagne», Spirale, 93, décembre 1989 / janvier 1990, p. 14. https://benoitmelancon.quebec/docs/langue_elections_spirale_1989.html

Bref hommage pronominal à Pierre Lalonde

Portrait de Pierre Lalonde

On entend souvent dire, au Québec, que le pronom indéfini on exclurait «la personne qui parle». Cela n’est évidemment pas vrai. (L’Oreille tendue a souvent abordé la question, par exemple ici.)

Une preuve supplémentaire ? Pierre Lalonde chantait en 1963 «Nous, on est dans le vent».

Pierre Lalonde est mort hier. Il était né en 1941.

 

[Complément du 18 janvier 2022]

Au quotidien le Devoir, on n’écoute pas assez Pierre Lalonde. Le mot croisé du jour le prouve.

On «exclut la personne qui parle», le Devoir, 18 janvier 2022, mots croisés

Accouplements 55

Bob Bissonnette, les Barbes de séries, 2012, pochette

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

En 2013, l’Oreille tendue publiait un texte sur la chanson et les Canadiens de Montréal — c’est du hockey.

L’année suivante, en lisant un ouvrage d’Amy J. Ransom, Hockey, P.Q. Canada’s Game in Quebec’s Popular Culture, elle découvrait l’existence de Bob Bissonnette.

Se réclamant de son «historique de hockeyeur professionnel» (voir son site Web), Bissonnette multiplie depuis 2010 les chansons sur le hockey : «Hockey dans rue», «Chris Chelios», «Mettre du tape su’ ma palette», «It’s in the game», «La machine à scorer», «J’accroche mes patins», «Les hommes zébrés», «Chantal Machabée», «Les barbes de séries», etc. Pour les résumer : sexisme, vulgarité, peur de l’autre, langue rudimentaire.

«Bob Bissonnette rockstar» — c’est ainsi qu’il se désigne — fait une apparition dans un roman sur le sport destiné à la jeunesse et signé Luc Gélinas. Félix Riopel, le personnage de C’est la faute à Ovechkin, écoute en effet ses chansons (2012, p. 162, p. 163 et p. 186).

L’Oreille ne se serait toutefois pas attendue à le voir apparaître dans un poème. C’est pourtant le cas dans «Benjy», un des textes du plus récent livre de Mathieu Arsenault, le Guide des bars et pubs de Saguenay. Essai • Poèmes (2016, p. 37) :

les trois serveuses sont off le jeudi
mais dansent pareil leur vie sur chaque toune
no doubt
adele
bingo players
bob bissonnette
même céline sonne majestueux
[…]

Le voilà donc entre Adele et Céline (Dion). C’est noté.

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté le Guide des bars et pubs de Saguenay le 16 mai 2016.

 

Références

Arsenault, Mathieu, le Guide des bars et pubs de Saguenay. Essai • Poèmes, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 97, 2016, 51 p.

Gélinas, Luc, C’est la faute à Ovechkin, Montréal, Hurtubise, 2012, 219 p.

Melançon, Benoît, «Chanter les Canadiens de Montréal», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 19, 2013, p. 81-92. https://doi.org/1866/28751

Ransom, Amy J., «Rock and Roll, Skate and Slide : Hockey Music as an Expression of National Identity in Quebec», dans Hockey, P.Q. Canada’s Game in Quebec’s Popular Culture, Toronto, University of Toronto Press, 2014, p. 158-188.

Anniversaire du jour

Photo de Plume Latraverse, 14 juin 2012

Plume Latraverse — bref : Plume — a 70 ans aujourd’hui.

Pour l’occasion, la radio de Radio-Canada relance sa série de quatre émissions «D’un Plume à l’autre» (2012).

L’Oreille tendue en profite pour rappeler…

…qu’une des pochettes de disque de Plume comporte un des usages les plus inattendus de la conjonction mais.

…qu’il aime sacrer.

…qu’il pratique l’allitération.

…qu’il ne recule pas devant une rime en -ounes.

…qu’il communie à l’autel du zeugme (ici, , ailleurs).

…qu’il tourne (tournait ?) à FIP.

…qu’il est doué pour la scène.

…qu’il patine.

 

Illustration : Douzeonze, photo de Plume Latraverse, 14 juin 2012, déposée sur Wikimedia Commons

Chanter Henri Richard

Réplique du casier de Henri Richard, Temple de la renommée, Toronto

Le joueur de hockey Henri Richard, le frère de l’autre, est né un 29 février, en 1936.

Anna McGarrigle lui a consacré une chanson en 1974 («Hommage à Henri Richard», 2 minutes 13 secondes, disque 45 tours, étiquette PAC 4411 Pacha).

Henri Richard, vous êtes bien correct
Henri Richard, prenez pas votre retraite

Salut Henri, petit bonhomme brave
Capitaine de notre équipe gagnante

Henri Richard, vous êtes bien correct
Henri Richard, prenez pas votre retraite

Cheveux gris, visage cicatrisé
Pocket Richard, nous sommes vos amis

Henri Richard, vous êtes bien correct
Henri Richard, prenez pas votre retraite

Numéro 16, vous nous mettez à l’aise
Vous serez bientôt canonisé

Henri Richard, vous êtes bien correct
Henri Richard, prenez pas votre retraite

Vous comptez trop et la bière est gratuite
Tavernier vous allez faire faillite

Henri Richard, vous êtes bien correct
Henri Richard, prenez pas votre retraite

Bâton d’hockey pour em’ner d’une rondelle
Son épée est le cœur du Canadien

Henri Richard, vous êtes bien correct
Henri Richard, prenez pas votre retraite

Henri Richard, vous êtes bien correct
Henri Richard, prenez pas votre retraite

P.-S. — D’autres chansons sur le hockey ? Par ici.

 

[Complément du 8 mars 2020]

Henri Richard vient de mourir.

On peut entendre la chanson .

 

Illustration : Michael Barera, réplique du casier de Henri Richard dans le vestiaire des Canadiens de Montréal, Temple de la renommée du hockey, Toronto (Ontario, Canada), 24 juillet 2010, photo déposée sur Wikimedia Commons