Chantons la langue avec Léo Ferré

Léo Ferré, la Langue française, 1962, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Léo Ferré, «La langue française», album la Langue française, 1962

 

C’est une barmaid
Qu’est ma darling
Mais in the bed
C’est mon travelling
Mon best-seller
Et mon planning
C’est mon starter
After shaving
J’suis son parking
Son one man show
Son fuel son king
Son slip au chaud
Rien qu’un p’tit flash
Au five o’clock
J’paie toujours cash
Dans l’bondieuscope
Et j’cause français
C’est un plaisir

C’est ma starlette
Ma very good
Mon pick galette
Mon Hollywood
C’est ma baby
Au tea for two
C’est ma lady
Au one two two
J’suis son jockey
Son steeple-chase
J’sais la driver
À la française
Dans le sleeping car
After paillasse
À son milk bar
Je m’tape un glass
Et j’cause français
C’est un plaisir

C’est ma call girl
Ma savourex
Qu’efface sa gueule
À coups d’kleenex
C’est ma Lucky
C’est ma Pall Mall
Ma Camel qui
Fait ça pas mal
Quand c’est OK
On fait l’remake
Quand c’est loupé
On fait avec
J’lui fais l’mohair
Et la syntaxe
Très rocking chair
Je shoot relax
Et j’cause français
C’est un plaisir

C’est une barmaid
Qu’est ma darling
Mais in the bed
C’est du forcing
C’est du pam pam
À chaque coup d’gong
C’est plus une femme
C’est un ping-pong
Quand je suis out
Elle m’sex appeal
Et dans l’black out
Je smash facile
Sur son standing
In extremis
J’fais du pressing
Au self service
Et j’cause français
C’est un plaisir

C’est mon amour
Mon coqu’licot
Mon petit bonjour
Mon petit oiseau
And je speak French
C’est un pleasure

 

Chantons la langue avec Nicola Ciccone

Nicole Ciccone, Gratitude, 2021, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Nicola Ciccone, «Dynamite», Gratitude, 2021

 

J’ai pris mes jambes à mon cou
Courant pour te dépasser
J’ai cru que mon cœur allait exploser
Mais tu m’as vite rattrapé
Tu t’es mis à m’taquiner
Une milléniale qui parlait en franglais
Tu m’as dit : «Don’t give up
T’as des skills
T’es pas pire
Keep on trying
Sois plus chill
T’es trop straight
Trop sérieux
Trop old school
Sois plus hip
Plus baveux
Plus Jos Cool»
P’t-êt’ ben que t’es full legit
Mais mon amour c’est d’la dynamite
Baby
P’t-êt’ ben que t’es full legit
Mais mon amour c’est d’la dynamite
On a joggé quelques mètres
J’avais le souffle coupé
J’ai pris un respir
Et j’ai riposté
«Au lieu de faire ta frais-chiée
Avec tes mots parfumés
Tu pourrais p’t-êt’ me parler en français
On dit pas hip, on dit rocambolesque
Ton phrasé manque un peu d’délicatesse
T’es pt-êt’ chill
Mais tes mille fautes de grammaire
C’est comme courir avec la langue à terre»
P’t-êt’ ben que t’es full legit
Mais mon amour c’est d’la dynamite
Baby
P’t-êt’ ben que t’es full legit
Mais mon amour c’est d’la dynamite

J’ai pris mes jambes à mon cou
Courant pour te dépasser
J’ai cru que mon cœur allait exploser
Mais tu m’as vite rattrapé
Tu t’es mis à m’taquiner
Une milléniale qui parlait en franglais
P’t-êt’ ben que t’es full legit
Mais mon amour c’est de la dynamite
Baby
P’t-êt’ ben que t’es full legit
Mais mon amour c’est d’la dynamite
P’t-êt’ ben que t’es full legit
Mais mon amour c’est d’la dynamite
Baby
P’t-êt’ ben que t’es full legit
Mais mon amour c’est d’la dynamite

 

P.-S.—«Franglais» ? Par ici.

 

Chantons la langue avec Fernandel

Fernandel, l’Accent du soleil, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Fernandel, «L’accent», 1963

 

De l’accent ? De l’accent ? Mais, après tout, en ai-je ?
Pourquoi cette faveur ? Pourquoi ce privilège ?
Et si je vous disais après tout, genses du Nord,
Que c’est vous qui, pour nous, semblez l’avoir très fort
Que nous disons de vous, du Rhône à la Gironde
«Ces gens-là n’ont pas le parler de tout le monde»
Et que, tout dépendant de la façon de voir,
Ne pas avoir d’accent, pour nous, c’est en avoir

Hé bien non, je blasphème et je suis las de feindre
Ceux qui n’ont pas d’accent, je ne peux que les plaindre
Emporter avec soi son accent familier
C’est emporter un peu sa terre à ses souliers
Emporter son accent d’Auvergne ou de Bretagne

C’est emporter un peu sa lande ou sa montagne
Lorsque, loin de chez soi, le cœur gros, on s’enfuit
L’accent, mais c’est un peu le pays qui vous suit

C’est un peu cet accent, invisible bagage,
Le parler de chez soi qu’on emporte en voyage
C’est pour le malheureux à l’exil obligé
Le patois qui déteint sur les mots étrangers
Avoir l’accent enfin, c’est chaque fois qu’on cause
Parler de son pays en parlant d’autre chose

Non, je ne rougis pas de mon si bel accent
Je veux qu’il soit sonore et clair, retentissant
Et m’en aller tout droit, l’humeur toujours pareille
Emportant mon accent sur le coin de l’oreille

Mon accent, il faudrait l’écouter à genoux
Il vous fait emporter la Provence avec vous
Et fait chanter sa voix dans tous nos bavardages
Comme chante la mer au fond des coquillages

Écoutez, en parlant je plante le décor
Du torride Midi dans les brumes du Nord
Il évoque à la fois le feuillage bleu-gris
De nos chers oliviers aux vieux troncs rabougris
Et le petit village où la treille splendide
Éclabousse de bleu la blancheur des bastides

Cet accent-là, mistral, cigales et tambourins
À toutes mes chansons donnent un même refrain
Et quand vous l’entendez chanter dans mes paroles
Tous les mots que je dis dansent la farandole

 

P.-S.—Yves d’Amécourt explique que ce texte est extrait de la Fleur merveilleuse de Miguel Zamacoïs.

 

 

Chantons la langue avec Castelhemis

Castelhemis, N’importe quelle sorte d’amour, 1982, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Castelhemis, «Coco», N’importe quelle sorte d’amour, 1982

 

C’est l’histoire d’un copain qui s’appelait Coco
Musicien, mais pas trop, plutôt guérillero
Guérillero de la voix
Guérillero toutes les fois
Qu’il nous prenait par la main
Pour chanter ses refrains
Il nous était venu d’un pays lointain
Nous on n’en savait pas plus sauf qu’il était latin
Qu’il avait quitté un beau jour son pays
Qu’il était parti pour un général en folie

Et c’était Coco-ci
Et c’était Coco-ça
Et c’était Coco joue-nous de la samba
Et Coco il jouait
Et Coco il chantait
Et il nous prenait, il nous emmenait

Et c’était Coco-ci
Et c’était Coco-ça
Et c’était Coco joue-nous de la bossa
Et Coco il jouait
Et Coco il chantait
Mais jamais tout à fait ne nous ramenait

Il chantait dans le vent des millions d’accents
Qui parfumaient nos cœur comme un peu de piment
Il avait le sourire de quelqu’un qui a vu
Les étoiles mourir et qui n’oubliera plus
Il faisait des merveilles en prenant sa guitare
Il en sortait du soleil quand il se faisait tard
Il effaçait le froid, il effaçait la nuit
Y’avait plus que sa voix
Chantant d’étranges mélodies

Et c’était Coco-ci
Et c’était Coco-ça
Et c’était Coco joue-nous de la samba
Et Coco il jouait
Et Coco il chantait
Et il nous prenait, il nous emmenait

Et c’était Coco-ci
Et c’était Coco-ça
Et c’était Coco joue-nous de la bossa
Et Coco il jouait
Et Coco il chantait
Mais jamais tout à fait ne nous ramenait

Le matin il allait on ne sait trop où
Pour cacher son sommeil, un peu comme un coucou
Je courais comme un fou, je le suivais partout
Pour apprendre à jouer des chansons d’acajou
Qui parlent de bambous, ou de bois parfumés
De bois de pernambouc dont on fait les archets
Qui font vibrer les cœurs, qui font danser les corps
Rien qu’au son de sa voix, on changeait de décors

Et c’était Coco-ci
Et c’était Coco-ça
Et c’était Coco joue-nous de la samba
Et Coco il jouait
Et Coco il chantait
Et il nous prenait, il nous emmenait

Et c’était Coco-ci
Et c’était Coco-ça
Et c’était Coco joue-nous de la bossa
Et Coco il jouait
Et Coco il chantait
Mais jamais tout à fait ne nous ramenait

Moi qui rêvais un jour d’être comme Coco
Musicien à la cour du vent et des oiseaux
Que lorsqu’il est parti, j’l’ai tellement regardé
Qu’un tout petit peu de sa vie, je crois que j’ai volé
J’ai les même bottes que Coco, la même guitare que Coco
Je chante la ritournelle partout où on m’appelle
Et ne me demandez pas si qu’il est vraiment parti
Je ne vous répondrai pas mais on a perdu un ami

Et c’était Coco-ci
Et c’était Coco-ça
Et c’était Coco joue-nous de la samba
Et Coco il jouait
Et Coco il chantait
Et il nous prenait, il nous emmenait

Et c’était Coco-ci
Et c’était Coco-ça
Et c’était Coco joue-nous de la bossa
Et Coco il jouait
Et Coco il chantait
Mais jamais tout à fait ne nous ramenait

Et c’était Coco-ci
Et c’était Coco-ça
Et c’était Coco joue-nous de la samba
Et Coco il jouait
Et Coco il chantait
Et il nous prenait, il nous emmenait

Et c’était Coco-ci
Et c’était Coco-ça
Et c’était Coco joue-nous de la bossa
Et Coco il jouait
Et Coco il chantait
Mais jamais tout à fait ne nous ramenait

Et c’était Coco-ci
Et c’était Coco-ça
Et c’était Coco joue-nous de la samba

Chantons la langue avec Michel Leeb

Michel Leeb, le Tombeur, 1986, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Michel Leeb, «Le tombeur», 1986

 

Je sais leur dire les mots
Qui les mènent en bateau
Qui transforment le ciel gris
En soleil de Rio

Je sais leur faire la cour
Sans leur parler d’amour
Et après trois quarts d’heure
Elles m’appellent au secours

Je sais rimer Venise
Avec la tour de Pise
Mettre dans leurs valises
Quelques bouquets de fleurs

Je sais prendre l’accent
D’un Chinois
D’un Texan
Je vis à cent pour cent
Je vis à cent à l’heure

J’ai la magie de Brando
La folie de Pacino
Quelque chose d’italien en plus
C’est trop
J’ai le regard de Newman
La force de Superman
Quelque chose de ricain en plus
C’est trop
N’allez pas chercher ailleurs
Je suis un tombeur

J’les regarde dans les yeux
Des pieds jusqu’aux cheveux
J’en fais ce que je veux
À toute heure
À nous deux

Je leur dis «Ma chérie
Je connais un pays
À quelques pas d’ici»
Ça ressemble à un lit

Ne parlons pas d’argent
Elles n’aiment que les diamants
Vous avez dit comment ?
Vous avez dit Don Juan ?

Je les prends par la taille
Je les prends par le cœur
Ce régiment de femmes
Sera mon champ d’honneur

J’ai la magie de Brando
La folie de Pacino
Quelque chose d’italien en plus
C’est trop
[Les trois vers qui suivent sont prononcés avec un «accent anglo-saxon.]
J’ai le regard de Newman
La force de Superman
Quelque chose de ricain en plus
C’est trop
N’allez pas chercher ailleurs
Je suis un tombeur

J’ai la magie de Brando
La folie de Pacino
Quelque chose d’italien en plus
C’est trop
[Les trois vers qui suivent sont prononcés avec un «accent anglo-saxon.]
J’ai le regard de Newman
La force de Superman
Quelque chose de ricain en plus
C’est trop
N’allez pas chercher ailleurs
Je suis un tombeur