La voie des classiques

Laurent Mauvignier, Quelque chose d’absent qui me tourmente, 2025, couverture

En 1986, Daniel Milo soulignait combien importe, dans la mémoire littéraire, la toponymie. Choisir d’honorer un écrivain — moins souvent une écrivaine — en donnant son nom à un lieu, c’est le faire sortir du rang.

Laurent Mauvignier fait allusion à quelque chose de semblable dès la première page de son récent livre d’entretiens avec Pascaline David (2025) :

Il n’y avait pas de livres à la maison, rien donc qui me prédestinait à l’écriture, à part peut-être les noms des rues autour de chez nous, qui portaient toutes des noms d’écrivains — des noms que j’aimais pour leur étrangeté poétique : Alfred de Musset, George Sand, Victor Hugo (p. 13).

Il faut toujours être attentif aux panneaux de signalisation.

P.-S.—En effet, cela a un rapport avec la réflexion de l’Oreille tendue sur les classiques.

 

Références

Mauvignier, Laurent, Quelque chose d’absent qui me tourmente. Entretiens avec Pascaline David, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 149, 2025, 182 p. Édition originale : 2020.

Milo, Daniel, «Les classiques scolaires», dans Pierre Nora (édit.), les Lieux de mémoire II. La nation ***, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque illustrée des histoires», 1986, p. 517-562. Ill.

Curiosité voltairienne (et british)

Anne Hébert, Kamouraska, éd. de 1973, couverture

«The Queen ! Toujours the Queen ! C’est à mourir de rire. Qu’est-ce que cela peut bien lui faire à Victoria-au-delà-des-mers qu’on commette l’adultère et le meurtre sur les quelques arpents de neige, cédés à l’Angleterre par la France ?»

Anne Hébert, Kamouraska. Roman, Paris, Seuil, 1973, 249 p., p. 44. Édition originale : 1970.

 

Au début du vingt-troisième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.»

 

Voltaire est toujours bien vivant.

L’oreille tendue de… Sébastien Bailly

Sébastien Bailly, Autoroute, 2025, couverture

«Tu as poussé la porte métallique verte, tu as parcouru un couloir étroit, sans ouverture, béton brut. Un léger frisson te remonte l’échine — tu as lu ça, déjà, dans un roman d’aventures, et ça te semble une réaction normale. S’il y avait du monde à l’intérieur ? Tu tends l’oreille. Tout est silencieux. Tout semble désert. Ton cœur devrait ralentir. Tu n’as pas de mauvais pressentiment. Une deuxième porte et te voilà dans l’allée principale du centre commercial, au milieu des boutiques autrefois ouvertes, des mannequins nus dans la vitrine devant toi.»

Sébastien Bailly, Autoroute, Paris, Le Tripode, 2025, 175 p., p. 123.

Curiosité voltairienne (et divine)

François Hébert, Frank va parler, 2023, couverture

«À tort les divinités sont-elles louches de nos jours, en nos arpents de neige aux bonhommes à chapeau de paille, nez de carotte, boutons de cailloux et bras de ramilles, qui fondent de plus en plus vite avec le réchauffement de la planète, tandis que les ondes 5G occupent un ciel signé Samsung que patrouillent les vrombissants drones d’Amazon aux yeux de chauves-souris.»

François Hébert, Frank va parler. Roman, Montréal, Leméac, 2023, 203 p., p. 103.

 

Au début du vingt-troisième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.»

 

Voltaire est toujours bien vivant.

Médisance pseudo-voltairienne du mardi

Frédéric Lenormand, . Docteur Voltaire et Mister Hyde, 2025, couverture

Dans Voltaire mène l’enquête. Docteur Voltaire et Mister Hyde, le roman de Frédéric Lenormand, Voltaire, à Cirey, s’adresse à Buffon :

Avec des calculs d’aiguilles et de carreaux ? s’étonna le spécialiste ès dominations. Non, non, je vais vous dire ce qu’il faut faire. Écrivez un conte. Appelez votre héros Benoît, Saturnin, enfin donnez-lui un prénom idiot, et faites-lui découvrir la nature entre deux mots d’esprit (p. 41).

Un «prénom idiot» ? Ça se discute.

 

Référence

Lenormand, Frédéric, Voltaire mène l’enquête. Docteur Voltaire et Mister Hyde. Roman, Paris, Le livre de poche, 2025, 236 p. Édition originale : 2018.