Synonymie sportivoquébécoise

L’adjectif «diminutif» dans la Presse+ du 10 novembre 2020

Dans les médias sportifs québécois, on hésite parfois à dire d’un athlète qu’il est petit. On dira alors qu’il est diminutif.

L’illustration ci-dessus évoque un «diminutif quart-arrière» — c’est du football. Autre exemple : «Le bouillant et diminutif [Earl] Weaver [c’est du baseball] valait souvent le prix d’entrée à lui seul» (le Devoir, 22 janvier 2013, p. B6).

Si l’Oreille tendue se mettait en tête — elle ne le fera pas — de retrouver l’origine de ce synonyme supposé, elle commencerait par se pencher sur les œuvres complètes de Rodger Brulotte. Qui ne se souvient des innombrables diminutifs joueurs d’arrêt-court — c’est encore du baseball — dont il a commenté les moindres gestes au fil des ans ?

 

[Complément du 20 mai 2021]

Cet emploi de diminutif est plus ancien que ne le croyait l’Oreille. C’est ce qu’atteste une caricature, tombée par hasard sous ses yeux, signée Paul St-Jean et parue dans le journal la Patrie du 4 février 1945 (p. 75). Elmer Lach, le coéquipier de Toe Blake et de Maurice Richard — c’est du hockey —, serait «le meilleur centre de la N.H.L. [National Hockey League; Ligue nationale de hockey], prouvant que le joueur diminutif a encore une “grande place” dans notre jeu national».

Caricature d’Elmer Lach par Paul St-Jean, la Patrie, 4 février 1945, p. 75

La clinique des phrases (qq)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante, tirée des pages sportives d’un quotidien montréalais :

Gostkowski, leur botteur depuis 2006, séjourne sur la liste des blessés depuis le 2 octobre.

S’il faut en croire le Petit Robert (édition numérique de 2019), séjourner signifierait «Rester assez longtemps dans un lieu pour y avoir sa demeure sans toutefois y être fixé.» On peut imaginer que le botteur des Patriots de la Nouvelle-Angleterre — c’est du football — ne souhaite pas «avoir sa demeure sur la liste des blessés».

Simplifions :

Gostkowski, leur botteur depuis 2006, est sur la liste des blessés depuis le 2 octobre.

Il est très bien le verbe être. On l’oublie trop souvent.

À votre service.

P.-S.—Plus puriste que l’Oreille tendue, on pourra préférer «Le nom de Gostkowski, leur botteur depuis 2006, est sur la liste des blessés depuis le 2 octobre.»

Accouplements 130

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dimanche dernier se tenait à Atlanta la LIIIe édition du Super Bowl — c’est du football américain. À la mi-temps, le groupe Maroon 5 a donné un spectacle. Certains y ont trouvé à redire.

L’Oreille tendue :

Une journaliste de la Presse :

«Maroon 5 au Super Bowl : Maroon 281», titre de la Presse, 4 février 2019P.-S.—Le 281 est un célèbre débit de boissons montréalais à la clientèle largement féminine.

Autoportrait du jour

Portrait de Laurent Duvernay-Tardif par Chris Donahue

Les amateurs de sport savent au moins quatre choses au sujet de Laurent Duvernay-Tardif : il est joueur de ligne offensive pour les Chiefs de Kansas City — c’est du football américain; il occupe beaucoup d’espace — 145 kilos sur 1,95 mètre; il étudie la médecine; il vient de signer un contrat de plusieurs saisons pour plusieurs millions de dollars.

Le Devoir du jour nous apprend qu’il a aussi le sens de l’autoportrait : «Je vais devoir faire un travail de réflexion dans les prochaines semaines, les prochains mois, essayer de réaliser ce que ça représente. [En même temps], je suis le même gars, le gars semi un peu tout croche qui est toujours partant pour faire un million de projets» (p. B4).

«Semi un peu tout croche» ? Joli.

Photo : Chris Donahue

Chinoiserie folkloricofootballistique du vendredi matin

Trophée Baquet 2014

Plus tôt cette semaine, le programme de football d’une école secondaire montréalaise honorait ses joueurs de l’année (le fils cadet de l’Oreille tendue y a fait excellente figure).

Pour la dixième fois, cette cérémonie comportait un segment confié à l’entraîneur des joueurs de ligne offensive. (La langue de foot ? Voyez par là.) On y remet les prix Baquet (le fils aîné de l’Oreille tendue y a déjà fait excellente figure).

Baquet ? Il ne s’agit évidemment pas des deux sens du mot que connaît le Petit Robert (édition numérique de 2014) : «récipient de bois, à bords bas, servant à divers usages domestiques»; «siège bas et très emboîtant des voitures de sport et de course» (comme dans siège-baquet).

Il renvoie plutôt à une personne en surcharge pondérale, mais costaude plus que molle, d’une taille limitée. On lui connaît au moins deux graphies.

Léandre Bergeron, dans son Dictionnaire de la langue québécoise (1980, p. 64), retient baquet — «Homme gros et court» — et baquèse — «Femme grasse et courte». (Grasse serait donc le féminin de gros ?)

Le Petit lexique de mots québécois […] d’Ephrem Desjardins (2002, p. 34-35) opte pour baquais, baquaise : «Personne obèse. Peut aussi servir à interpeller vulgairement une personne inconnue. “Eille, baquais, viens me voir !”»

L’Oreille chinoiserait volontiers sur ces définitions : comment peut-on être «obèse» et exceller au football ? En revanche, costaud, cela s’impose.

P.-S. — Les amateurs de musique folklorique québécoise — et les autres — connaissent l’expression «Swigne la baquaise / baquèse dans l’fond d’la boîte à bois». Son sens vous échappe ? Prière de vous adresser à Fred Pellerin.

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.