Accouplements 182

Réal Ouellet, Cet océan qui nous sépare, 2008, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Ouellet, Réal, l’Aventurier du hasard. Le baron de Lahontan. Roman, Québec, Septentrion, 1996, 435 p.

«Perds ta pagaie ou le canot si tu veux, mais pas la tête» (p. 89).

Ouellet, Réal, Cet océan qui nous sépare. Roman, Québec, Éditions Huit, coll. «Contemporains», 19, 2008, 254 p. Ill.

«Je ne vous dirai pas tous les projets qui bourdonnent dans ma tête, vous croiriez que je l’ai perdue» (p. 202).

Hotte, Sylvain, Attaquant de puissance, Montréal, Les Intouchables, coll. «Aréna», 2, 2010, 219 p.

«Il perdait la tête en essayant d’arracher la mienne […]» (p.  142).

 

P.-S.—En effet, nous sommes en territoire de diaphore.

P.-P.-S.—Réal Ouellet est mort il y a quelques jours.

 

[Complément du jour]

L’Oreille tendue enseigne. Certains de ses anciens étudiants ont l’œil; c’est le cas de l’Oreille québecquoise, qui se souvient de la fin du film Ridicule (1996), réalisation de Patrice Leconte, scénario de Rémi Waterhouse :

Bellegarde : Mon chapeau ! Il est perdu !
Lord Bolingbroke : Cela vaut mieux que la tête, n’est-ce pas ?

Les yeux de Martin Saint-Louis

Photographie de Maurice Richard par David Bier, The Gazette, Montréal, années 1950, détail

Les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — ont un nouvel entraîneur, l’ex-joueur Martin Saint-Louis.

Dans le Journal de Montréal du jour, le journaliste Réjean Tremblay dénonce l’incurie de l’équipe, mais vante les qualités de Saint-Louis, en plus de le comparer à une des figures sportives les plus glorieuses du Québec : «Des yeux de Maurice Richard.»

Il n’est pas le premier à réunir les deux joueurs. Le 25 mai 2014, Marc Antoine Godin publiait dans la Presse un texte intitulé «Les yeux de Martin Saint-Louis» (sans gêne, l’Oreille tendue lui pique aujourd’hui son titre) : «Si un joueur de hockey a déjà eu les yeux de Maurice Richard, c’est Martin St-Louis.»

Les performances des Canadiens étant ce qu’elles sont ces jours-ci, il est normal que l’on se tourne vers les fantômes du passé pour essayer de trouver un peu d’espoir.

 

Illustration : photographie de Maurice Richard par David Bier, The Gazette, Montréal, années 1950, détail

 

Référence

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Benoît Melançon, les Yeux de Maurice Richard, éd. de 2012, couverture

Ne plus travailler au Centre Bell

Compte Twitter Nos mains meurtries, logo

Les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — ont changé d’entraîneur hier. Dominique Ducharme a été forcé, bien malgré lui, de passer le flambeau.

Pour quels motifs l’a-t-on congédié ? En langue de puck, les possibilités ne manquent pas.

Peut-être avait-il perdu sa chambre / son vestiaire ?

Peut-être que son message ne passait plus ?

Peut-être a-t-il été viré «en raison de divergences philosophiques» ?

Peut-être n’était-il pas, tout simplement, dans la bonne chaise ?

Tant de questions, si peu d’heures.

P.-S.—On le sait : les congédiements, au Centre Bell, ce n’est jamais simple.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 125 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Benoît Melançon, Langue de puck. Abécédaire du hockey, 2014, couverture

La réingénierie des Canadiens de Montréal ?

«Bons premiers en popularité», brasserie Dow, publicité

Ça ne va pas bien du tout pour les Canadiens de Montréal — c’est du hockey. Après avoir participé à la finale de la coupe Stanley en 2021, l’équipe est aujourd’hui 32e sur 32 équipes dans la Ligue nationale. Un changement radical s’impose. Comment l’appeler ?

Dans la Presse+ du 20 janvier, on évoquait les mots en r- : reconstruction / rééquipement (retool) / réinitialisation.

Dans celle de ce matin, on s’interroge au sujet du cerbère Carey Price : «À long terme, voudra-t-il vivre ce qui s’en vient, qu’il s’agisse d’une reconstruction, d’une réinitialisation ou bien de quelque chose d’autre que l’on pourrait décrire avec un mot encore plus compliqué ?»

À la fin des années 1990 et au début des années 2000, un «mot compliqué» aurait pu être utilisé : réingénierie.

Voilà ce que coécrivait l’Oreille tendue en 2004 dans le Dictionnaire québécois instantané :

Synonyme songé de réforme. En septembre 1997, un recteur, devenu ministre depuis, en conférence de presse, a annoncé son projet de «réingénierie pédagogique». «Vers une démocratie participative. Une réingénierie de nos institutions s’impose» (le Devoir, 15-16 février 2003). «”Réingénierie”, le nouveau buzz word de Jean Charest» (le Devoir, 2 mai 2003). «Les citoyens des régions du Québec seront parmi les premiers bénéficiaires de la réingénierie de l’État québécois» (un premier ministre du Québec, le Devoir, 4 juin 2003). «C’est sur la base de ces principes de gestion que nous inaugurerons six grands travaux qui seront le cœur de la réingénierie de l’État québécois» (le même premier ministre, la Presse, 5 juin 2003). «Marois lit “compressions” quand elle voit “réingénierie”» (le Devoir, 2 octobre 2003). «Pour qu’il y ait une réingénierie, encore faut-il qu’il y ait une ingénierie !» (le Devoir, 11-12 octobre 2003) «Réingénierie, rénovation et redéploiement de l’État québécois. Une démarche sous le joug du pragmatisme ou de l’idéologie ?» (le Devoir, 18 novembre 2003) (p. 190)

Le mot paraissait promis à un brillant avenir :

Appelé à prendre de l’expansion. «La “réingénierie” des sexes» (la Presse, 25 septembre 2003). «La réingénierie des prix Gémeaux» (Radio-Canada, 20 novembre 2003).

Cela ne s’est pas avéré.

D’ailleurs, des résistances se faisaient entendre dès 2003 :

«[Le] mot “réingénierie*” n’obtient pas l’imprimatur de l’OQLF [Office québécois de la langue française], celui-ci lui préférant l’expression “reconfiguration des processus”» (le Devoir, 8 décembre 2003).

Amateurs de hockey, faudrait-il saisir l’occasion ? Réingénierie ? Reconfiguration des processus ?

À vous la parole.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2019, couverture