Trente-sixième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

David Turgeon, À propos du style de Genette, 2018, couvertureÉpanadiplose

Définition

«Lorsque, de deux propositions corrélatives, l’une commence et l’autre finit par le même mot. […] Les épanadiploses ont un effet de soulignement, voire de ressassement» (Gradus, éd. de 1980, p. 187).

Exemple

«L’aventure de la pensée fait parfois le meilleur des romans d’aventures» (À propos du style de Gérard Genette, quatrième de couverture, incipit).

 

Références

Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.

Turgeon, David, À propos du style de Genette. Essai, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 122, 2018, 223 p.

Fusibles en tous genres

Pierre Bouchard, Je sais tout, 2014, p. 72, détail

Le fusible des francophones est la fuse des anglophones ? Au Québec — où l’on peut entendre qu’il y a une fiouse à changer dans le panneau électrique —, on ne se contente pas de cela.

Soit la phrase suivante :

«Monti, en se pliant, lâcha une fiouse furtive. Une chaude. Et de voir les États-Uniens virer de même au vert sans risquer une plainte, pas le moindre pouah, il se délecta bien gros de ça. Il avait encore un cœur d’enfant» (la Bête creuse, p. 191).

«Furtive», «chaude» et fétide, cette «fiouse», que Monti vient de «lâcher», est une flatuosité humaine. (Il y en a une animale dans le Numéro 6 d’Hervé Bouchard [p. 20].)

Par un curieux déplacement anatomique, la fiouse peut aussi désigner le visage. Ainsi, qui se fait péter la fiouse souffre de coups au haut du corps.

Pierre DesRuisseaux connaît un autre sens pour cette expression : «Péter une fiouse. Perdre l’esprit, tout sang-froid» (p. 151). Cette fiouse-là est donc un câble ou une coche — bref, les plombs.

C’est comme ça.

 

Illustration : Je sais tout de Pierre Bouchard (p. 72).

 

[Complément du 5 octobre 2018]

On peut aussi se péter la fiole. Exemple ici.

 

Références

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Bouchard, Hervé, Numéro six. Passages du numéro six dans le hockey mineur, dans les catégories atome, moustique, pee-wee, bantam et midget; avec aussi quelques petites aventures s’y rattachant, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 80, 2014, 170 p.

Bouchard, Pierre, Je sais tout, Montréal, Éditions Pow Pow, 2014, 106 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015 (nouvelle édition revue et augmentée), 380 p.

Variations sur le casque

Casques de football miniatures

Soit la phrase suivante, tirée du roman la Bête creuse (2017) :

«Un casque de bain gueulait, proche de la vitre, dans son casque de moto» (p. 127).

Ce casque de bain occupe, tel le tata d’hier, un des barreaux inférieurs de l’échelle de la bêtise. Oui, il s’agit d’un être humain. (Pas le casque de moto.)

Le français du Québec connaît d’autres usages populaires du casque.

Qui se fait parler dans le casque ne l’apprécie généralement pas : on se fait alors dire ses quatre vérités, rabrouer, voire crier dessus. Cela peut être partagé, comme chez la dramaturge Anne-Marie Olivier :

Si t’es pas capable de te servir de ta tête, sers-toi de tes muscles, juste de tes muscles, pis après tout ça, on va se parler, on va se parler dans «face, on va se parler dans l’cass», parce que le pire dans tout ça, c’est que je t’haïs pas, gros cave — mais arrête. Arrête d’avoir peur de tout ce qui est pas toi (Venir au monde, p. 54).

Qui en a plein son casque en a assez, marre et jusque-là. Exemples ici.

P.-S.—On notera que casque se prononce volontiers cass.

P.-P.-S.—Du groupe musical Avec pas d’casque, il a jadis été question .

 

Références

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Olivier, Anne-Marie, Venir au monde, précédé d’un «Mot de la metteure en scène», Véronique Côté, suivi de «Contrepoint. Tenir bon», par Catherine-Amélie Côté, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 14, 2017, 101 p.

Espèces de tata(s)

La reine Elizabeth II et le prince Philip, 2 juin 1953Soit le mot tata, à considérer sous ses deux espèces.

Il peut être péjoratif. Le tata se tient sur les barreaux inférieurs de l’échelle de la bêtise. Pierre DesRuisseaux lui donne niais et benêt pour synonymes (Trésor des expressions populaires, p. 295).

Il peut aussi désigner une salutation de la main : «il y a Reilly et Ouellet qui font des tatas à l’arrière pour qu’on ne les oublie pas» (Athlétique, 20 septembre 2018).

Ce n’est pas tout à fait la même chose, même si on peut avoir l’air tata en faisant des tatas.

 

Référence

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015 (nouvelle édition revue et augmentée), 380 p.

Les zeugmes du dimanche matin et d’Éric Vuillard

Éric Vuillard, 14 juillet, éd. 2018, couverture

«La rue est pleine de débris et de pauvres bougres» (p. 58).

«Un certain Canivet, gamin de douze ans, leur portait de temps en temps du vin, un bout de saucisson, et quelques nouvelles de ce qui se passait de l’autre côté, rue Saint-Antoine» (p. 114).

«Louis-Dominique a cinquante-deux ans, sans doute un brin de bedaine et beaucoup d’amis» (p. 142).

«Et lorsqu’il fut étendu sur le sol, la tête en l’air, regardant le ciel, il cracha un long filet de sang et d’écume; puis un petit cri» (p. 150).

Éric Vuillard, 14 juillet. Récit, Arles, Actes Sud, coll. «Babel», 1559, 2018, 199 p. Édition originale : 2016.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)