Chantons la langue avec La Bottine souriante

La Bottine souriante, les Épousailles, 1981, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

La Bottine souriante, «La chanson de la langue française» / «Le reel à Blanchette» / «Le reel à Pierre Léon», les Épousailles, 1981

 

J’suis un p’tit gars des Bois-Francs
Qui a chanté «Le Rapide-blanc»
Et les gens qui parlent bien
M’ont r’proché «awouing-a-ain»
Alors j’ai décidé aussi de refranciser
Au lieu d’swinguer la baquaise
On va parler à la française
Au lieu d’swinguer la baquaise
On va parler à la française
Ah ! C’est toute une djobbe
Oh pardon ! C’est toute une affaire
D’abord faut placer les lettres d’une autre manière
Tu peux baisser là tu peux en tout cas
Pour changer d’prononciation
J’ai pris des leçons d’diction
J’vous dis qu’j’en ai arraché
Avec les moé pis toé
J’ai eu d’la misère pareil avec les r faut que j’grasseye
J’ouvre la bouche comme une fournaise
Pour parler à la française
J’ouvre la bouche comme une fournaise
Pour parler à la française
Le professeur y dit toujours «Articulez Articulez»
Personnellement moi ça m’fait faire des grimaces
Mais on pourrait p’t’êt faire un p’tit exercice facile
Comme
Petit pot de beurre de pinottes Kraft
Quand te dé petit pot de beurre de pinottes Krafteriseras-tu ?
Je me dé petit pot de beurre de pinottes Krafteriserai
Quand tous les petits pots de beurre de pinottes Kraft
Se dé petits pots de beurre de pinottes Krafteriseront
Mais comme tous les petits pots de beurre de pinottes Kraft
Ne se dé petits pots de beurre de pinottes Krafteriseront jamais
Je ne me dé petit pot de beurre de pinottes Krafteriserai jamais
On dit qu’on a des bouches molles
Pis qu’on mange toutes nos paroles
Ça fait qu’ moi j’dis pus pantoute
J’articule j’dis pas du toutte
Pis j’dis pus icitte à soir
J’ai un beau vocabulaire
Des framboises pour des framboises
C’est don beau la langue française
Des framboises pour des framboises
C’est don beau la langue française
Un m’ment d’né j’ai dit «Coudon assisez-vous don»
Oh ça commence ben
Seriez-vous capable de vous assire ?
Ah non
De vous asseoir ?
Ah non
Ah je l’ai
Essayez-vous
Faites un effort méritoire pour promouvoir
Ce sera extraordinaire
Maintenant si j’vais à Paris les Français seront surpris
De voir un p’tit Canayen faire comme les Parisiens
Nous a fallu d’la patience pour garder l’parler d’la France
Mais on a le cœur à l’aise de parler à la française
Mais on a le cœur à l’aise de parler à la française
Quand on a bien chanté on n’a plus qu’à turluter
[turlute]

 

P.-S.—Oui, c’est en partie un virelangue, pas toujours facile à transcrire…

P.-P.-S.—Les Charbonniers de l’enfer ont repris cette chanson; on peut l’entendre ici.

 

Chantons la langue avec Arseniq33

Arseniq33, Dansez, bande de caves, 2008, pochetteArseniq33, Dansez, bande de caves !, 2008, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Arseniq33, «J’use d’la langue», Dansez, bande de caves ! 15 Ans d’arseniq33 (1992-2007), 2008

 

J’use d’la langue
J’use d’la langue
J’use d’la langue

J’parle en enfant d’chienne de chien d’fusil
Enfirouapé de condition
Que j’parle depuis longtemps mais sûrement
Trop lentement mais sûrement
J’parle avec le grave accent d’la grenouille
Pognée dans misère
La langue des locataires
L’accent aigri c’t’un accent surcomplexe

J’use d’la langue que j’m’expresse le mieux avec tabarcriss

J’use d’la langue
J’use d’la langue
J’use d’la langue

J’te parle foule pine à ’planche ben raide
J’te parle dans ’face
Paye moué une bière si j’en ai plein mon cass
D’la langue de bois, celle d’Ottawa

Dans mon Amérique Arythmique du Nord
Y a du monde qui parle comme moué
Un peup’ pogné dans slush, pogné dans neige
Pogné dans slush, pogné dans neige, pogné dans marde

«Que reste-t-il de lui dans la tempête brève
Qu’est devenu mon cœur, navire déserté
Hélas ! Il a sombré dans l’abîme du rêve»
[Émile Nelligan]

J’use d’la langue que j’m’expresse le mieux avec tabarcriss

J’use d’la langue
J’use d’la langue
J’use d’la langue

J’récite mes cantouques, j’les récite en batêche
J’aurais signé mon nom au bas du manifeste
Calvaire du colonisé
On travaille avec c’qu’on est
Les mémoires d’l’alouette en colère
On les a tu oubliées ?
C’est tu ça une question claire ?
Ah laisse faire chu trop paqueté

J’use d’la langue que j’m’expresse le mieux avec

J’use d’la langue

 

P.-S.—Vous avez l’oreille : il a déjà été question d’Arseniq33 ici.

 

Chantons la langue avec Luc De Larochelière et Andrea Lindsay

Jeux de la francophonie canadienne, Gatineau, 2014, logo

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Luc De Larochelière et Andrea Lindsay, «D’un accent à l’autre» (Chanson thème des Jeux de la francophonie canadienne, Gatineau), 2014

 

On se parle, s’écoute et se comprend
On s’espère, s’attend, on prend le temps
Car on s’aime d’un accent à l’autre
On se donne nos plaines, nos monts, nos champs
Tous nos bois et tous nos océans
Tout ça dans des mots qui sont les nôtres
Oui dans des mots qui sont les nôtres
J’aime ton sourire
T’entendre dire
Que tu m’aimes et me comprends
Et dans tous nos accents
J’aime tes regards
Comme des miroirs
Et j’y passe de temps en temps
Car oui je t’aime et je t’attends
On s’appelle, se donne des rendez-vous
À la rivière qui coule entre nous
Car on s’aime d’un accent à l’autre
Sans oublier où on a pu naître
Tout ce qu’on veut, nous, c’est se connaître
Se sentir unis parmi les autres
Oui d’être unis parmi les autres
J’aime ton sourire
T’entendre dire
Que tu m’aimes et me comprends
Et dans tous nos accents
J’aime tes regards
Comme des miroirs
Et j’y passe de temps en temps
Car oui je t’aime et je t’attends
Je t’attends
Moi j’y serai à la rivière
Sous la pluie ou dans la lumière
Car je t’espère depuis longtemps
J’aime ton sourire
T’entendre dire
Que tu m’aimes et me comprends
Et dans tous nos accents
J’aime tes regards
Comme des miroirs
Et j’y passe de temps en temps
Car oui je t’aime et je t’attends
J’aime ton sourire
T’entendre dire
Que tu m’aimes et me comprends
Et dans tous nos accents
J’aime tes regards
Comme des miroirs
Et j’y passe de temps en temps
Car oui je t’aime et je t’attends
J’aime ton sourire
T’entendre dire
Que tu m’aimes et me comprends
Et dans tous nos accents
J’aime tes regards
Comme des miroirs
Et j’y passe de temps en temps
Car oui je t’aime et je t’attends
J’aime ton sourire
T’entendre dire
Que tu m’aimes et me comprends

 

Chantons la langue avec Mononc’ Serge et Anonymus

Mononc’ Serge et Anonymus, Métal canadien-français, 2024, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Mononc’ Serge et Anonymus, «Shitty accent», Métal canadien-français, 2024

 

The place
I was raised
Was called
Sainte-Thérèse
A shithole
Where people
Have a goddam horrible shitty accent
When you come from there
It’s inevitable
Your accent his just horrible
And that’s why
The minute I open my mouth
Everybody finds how I got
A shitty accent
Real shitty accent
I wanna sing like Sting
But I sound like shit
’Cause my accent is shitty
Everything but pretty
I will never be famous
I’m so ridiculous
With my accent
Awful ugly shitty accent
I wanna be on every TV screen
On the cover of every magazine
I wanna win all the Grammys
And kiss all the groupies
I wanna tour in America
Like Aerosmith and Metallica
But I will never do so
Because as you know
I got a shitty accent
Real shitty accent
I wanna kill my parents
For giving me that accent
That accent of mine
Which is eveything but fine
I’m not glad
I’m so sad
I think I’m turning mad
’Cause my accent
This shitty cheesy ugly
It is such a shame
I think I’m gonna cut my veins
’Cause of that accent

 

Accouplements 252

Alfred Hitchcock, North by Northwest, 1959, affiche

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Depuis le 1er septembre 2024, l’excellent Patrick Boucheron est à la barre de l’émission Allons-y voir, «Un rendez-vous pour analyser les images qui nous entourent et nourrir nos imaginaires», sur France Culture. L’épisode du 24 novembre, «Au théâtre des valeurs de l’art», portait sur le marché de l’art. La commissaire-priseuse Chloé Collin y réfléchissait à son métier. On y entendait, sur les ventes aux enchères, un extrait du film le Tableau volé (2024) de Pascal Bonitzer et la chanson Drouot (1970) de Barbara.

C’est à cette émission que l’Oreille tendue a repensé en revoyant North by Northwest / la Mort aux trousses (1959) d’Alfred Hitchcock. Cary Grant y est particulièrement habile à bousiller le déroulement d’une vente aux enchères, en misant soit trop bas, soit trop haut. La scène est particulièrement drôle.

Allez-y voir.

 

[Complément du 18 décembre 2024]

Lisons Charles Dickens : «Si l’on considère, suivant l’opinion généralement répandue, l’âne comme le type même de la stupidité contente de soi-même, ce qui est peut-être beaucoup plus conventionnel que juste, alors le plus grand âne de Cloisterham est Mr. Thomas Sapsea, le commissaire-priseur» (éd. de 1991, p. 70). Suit un portrait bien peu flatteur (p. 70-80, p. 233, p. 253, p. 273-274, p. 321-326, p. 412).

 

Référence

Dickens, Charles, le Mystère d’Edwin Drood (1870, inachevé), dans Dickens, Fruttero & Lucentini, l’Affaire D. ou le crime du faux vagabond, Paris, Seuil, 1991, 473 p. Édition originale : 1989. Traduction de Simone Darses. La traduction du texte de Dickens est de Charles-Bernard Derosne (1874), revue et corrigée par Gérard Hug.