Autopromotion 045

L’Oreille tendue a beaucoup écrit sur la récente campagne électorale québécoise (c’est ici).

Elle en avait aussi parlé à la radio québécoise.

Cette semaine, c’est au micro de Jonathan Weiss, dans le cadre de l’émission Europe Amériques, sur Radio Cultures Dijon, qu’on peut l’entendre (et pendant plus de 27 minutes), toujours sur le même sujet.

Royauté libérale

L’Oreille tendue le faisait remarquer l’autre jour : la récente campagne électorale québécoise a fait sortir des limbes quelques termes du lexique politique (cassette, autopeluredebananisation, caribous, réingénierie).

Elle y a aussi fait entrer l’ex-premier ministre du Québec, Jean Charest. Défait dans sa propre circonscription, le chef du Parti libéral a démissionné de son poste. Par conséquent, il faudra qu’un nouveau chef soit élu.

Or, au Québec, au cours des dernières années, peu de chefs politiques ont dû faire face à la concurrence au moment de leur entrée à la tête de leur parti. Comme ils étaient seuls en lice, ils ont eu droit à un couronnement.

Couronnement ? Voici la définition qu’en proposait le Dictionnaire québécois instantané cosigné par l’Oreille en 2004 :

Élection tout ce qu’il y a de plus démocratique d’un candidat qui anéantit prédémocratiquement tous ses opposants. Le couronnement de Jean Charest. Le couronnement de Lucien Bouchard. Le couronnement de Bernard Landry. Le couronnement de Paul Martin. «Le PQ arrête la date du couronnement : le 3 mars» (la Presse, 28 janvier 2001). «Le scénario du couronnement est bien rodé» (le Devoir, 29 janvier 2001). «Un pas de plus vers le couronnement» (le Devoir, 20-21 septembre 2003) (p. 54-55).

Le mot réapparaîtra-t-il dans la course à la chefferie libérale ? Il était en tout cas sous la plume de Michel David dans le Devoir du 8 septembre (p. B3). Voyons voir.

P.-S. — Dans la même situation, il est parfois question de plébiscite.

P.-P.-S. — En France, on parle plutôt de sacre : «Le sacre de Sarkozy» (le Devoir, 13-14 janvier 2007, p. B1).

 

[Complément du 12 septembre 2012]

Était-ce couru ? Le jour où l’Oreille tendue mettait ce texte en ligne, le Devoir affirmait ne pas croire à un «sacre expéditif» (p. A3).

 

[Complément du 25 janvier 2015]

Le Parti québécois se cherche un nouveau chef. Jean-François Lisée voulait l’être, mais il vient de retirer sa candidature. Selon lui, un de ses adversaires, Pierre Karl Péladeau (PKP pour les intimes), a une avance insurmontable. Il reste cependant d’autres candidats : Pierre Céré, Alexandre Cloutier, Bernard Drainville, Martine Ouellet. Qu’est-ce qui les motive ? «Même si Jean-François Lisée s’est retiré hier de la course à la direction du Parti québécois (PQ), des candidats toujours en lice martèlent qu’ils ne veulent pas entendre parler d’un couronnement de Pierre Karl Péladeau» (site de Radio-Canada, 24 janvier 2015). Autre parti, même vocabulaire.

 

[Complément du 1er août 2016]

Diptyque électoral états-unien : «Remous démocrates à la veille du sacre de Clinton» (le Devoir, 25 juillet 2016, p. A1); «Après le couronnement de Trump à Cleveland, c’est au tour des Démocrates d’ouvrir leur convention à Philadelphie» (@icircpremiere).

 

[Complément du 17 janvier 2019]

C’est maintenant le tour du parti indépendantiste fédéral (ce serait trop long à expliquer) : «L’ancien ministre péquiste Yves-François Blanchet a été couronné chef du Bloc québécois. Il a été la seule personne à avoir présenté une candidature valide» (le Devoir, 17 janvier 2019).

 

[Complément du 11 mai 2020]

Revenons aux libéraux : Dominique Anglade «prend la tête du #PLQ dès cet après-midi. L’exécutif du parti adopte une résolution pour confirmer son couronnement» (Twitter).

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

L’histoire qui s’écrit

Pauline Marois, la chef du Parti québécois, est devenue la première première ministre du Québec le 4 septembre 2012.

À la télévision, ce soir-là, on a martelé qu’il s’agissait d’un «moment historique» et d’une «page d’histoire».

Sur Twitter, on a écrit que l’histoire s’écrivait «sous nos yeux».

La couverture du numéro de la revue Châtelaine lancé aujourd’hui va dans le même sens.

Châtelaine, septembre 2012

Le gouvernement Marois sera minoritaire ? «Une victoire historique… et un Québec divisé», titre Alec Castonguay sur son blogue de l’Actualité. «Historique mais courte», lit-on dans la Presse (5 septembre 2012, p. A4).

On aurait aimé que l’élection d’une femme au plus haut poste de l’État soit le seul événement historique de la soirée. Celle-ci passera malheureusement à l’histoire comme celle où un attentat a eu lieu en pleine célébration électorale. Ce n’est pas le premier événement de ce type au Québec, mais il restera sans aucun doute dans les mémoires.

L’Oreille tendue, elle, se souviendra aussi, et avec douleur, des appels au meurtre d’une femme élue démocratiquement que l’on a pu lire sur les médias dits «sociaux» (Twitter, Facebook). C’était (c’est) odieux.

Langue de campagne (22)

La campagne électorale québécoise s’achève : on vote aujourd’hui.

On s’est plaint, plus à gauche qu’à droite, de l’absence de la culture durant cette campagne. C’est largement exagéré.

Jean Charest n’a jamais hésité à exposer l’étendue de sa culture classique. Lors du débat des chefs du 19 août, il a parlé d’«Éole, le vent». Le lendemain, toujours à la télévision, il évoquait «un épée de Démoclès».

Les électeurs ont aussi eu droit à deux chansons, «À nous de choisir», la chanson-thème du Parti québécois, et «Dans les yeux de Léo», de Dominique Beauchamp, alias DouceRebelle, un hymne à la gloire de Léo Bureau-Blouin, candidat du même parti dans la circonscription de Laval-des-Rapides.

Ce n’est quand même pas rien.

Langue de campagne (21)

En cette année olympique et électorale, du moins au Québec, à qui attribuer des médailles pour les plus belles fautes de langue de la campagne qui vient de se terminer ? La compétition est forte.

La médaille de bronze pourrait aller à Manon Massé, candidate montréalaise pour Québec solidaire, pour un tweet du début août, aujourd’hui disparu du sien, mais encore visible sur d’autres comptes : «@ManonMasse_Qs: QS sera debout pour défendre les travailleurs-trices.» Cette féminisation de «travailleurs» était pour le moins inattendue.

La médaille d’argent irait à Jean Charest, l’actuel premier ministre du Québec et chef du Parti libéral, pour une déclaration de son face-à-face télévisé du 20 août avec Pauline Marois, la chef du Parti québécois, déclaration reprise en conférence de presse immédiatement après ce face-à-face : il accusait son adversaire de laisser planer «un épée de Démoclès» (au lieu d’«une épée de Damoclès») sur la tête des Québécois.

François Legault, de la Coalition avenir Québec, mériterait la médaille d’or avec son «Jacques Duchesneau a été enquêté», plusieurs fois répété dans les débats télévisés du 21 et du 22 août. On pourrait aussi la lui remettre pour son utilisation immodérée de la formule «C’que l’Québec a besoin».

Félicitations à tous.