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Portrait de lord Durham par Thomas Phillips

Dans le Devoir du jour, l’Oreille tendue parle de politique québécoise. Il n’est pas impossible que son texte, «Les assiégés», ait une dimension polémique.

Extrait :

Beaucoup tiennent à dire que les Québécois sont moins intolérants que les autres Canadiens, qu’on mourait moins dans leurs pensionnats pour autochtones, que leur racisme n’est pas systémique, qu’ils traitent mieux leurs minorités linguistiques qu’ailleurs au pays, comme si la vie sociale était un concours de vertu. Être moins raciste que les autres n’est peut-être pas le projet de société le plus emballant qui soit en 2022.

Illustration : portrait de lord Durham par Thomas Phillips, National Portrait Gallery (Londres), déposé sur WikiMedia Commons

L’oreille tendue de… Pierre Nepveu

Pierre Nepveu, Géographies du pays proche, 2022, couverture

«Là où la politique n’est plus écoute, là où elle ne tend plus l’oreille aux complaintes humaines, à la douleur des corps et des esprits, aux drames des petites et grandes communautés, là où elle n’est plus que pouvoir et raison majoritaire, elle se condamne moralement elle-même.»

Pierre Nepveu, Géographies du pays proche. Poète et citoyen dans un Québec pluriel, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2022, 249 p., p. 102.

Accouplements 188

Pierre Nepveu, Géographies du pays proche, 2022, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Nepveu, Pierre, Géographies du pays proche. Poète et citoyen dans un Québec pluriel, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2022, 249 p.

«[Victor-Lévy Beaulieu] en visite chez les Allemands suggère plutôt que le vrai déficit, celui qui ne pardonne pas, est celui de la culture, faute de quoi le politique n’est que gestion bureaucratique de procédures et de processus, foisonnement de revendications, quand il ne devient pas un nationalisme identitaire satisfait de ses généralités et de ses stéréotypes, ceux que l’on nourrit sur soi-même (“c’est comme ça qu’on vit au Québec”) étant aussi néfastes que ceux dont on affuble les autres» (p. 150).

Melançon, Benoît, «Dossier dix ans. Portraits», Nouveau projet, 21, printemps-été 2022, p. 75.

«Ce que je nous souhaite pour les dix prochaines années : De sortir du provincialisme idéologique qui domine aujourd’hui l’État québécois. Quand j’entends le premier ministre actuel dire “Au Québec, c’est comme ça qu’on vit” ou défendre “nos valeurs”, je me sens exclu de son discours. Reconnaître la vraie diversité de la société québécois, ce serait bien.»

La réingénierie des Canadiens de Montréal ?

«Bons premiers en popularité», brasserie Dow, publicité

Ça ne va pas bien du tout pour les Canadiens de Montréal — c’est du hockey. Après avoir participé à la finale de la coupe Stanley en 2021, l’équipe est aujourd’hui 32e sur 32 équipes dans la Ligue nationale. Un changement radical s’impose. Comment l’appeler ?

Dans la Presse+ du 20 janvier, on évoquait les mots en r- : reconstruction / rééquipement (retool) / réinitialisation.

Dans celle de ce matin, on s’interroge au sujet du cerbère Carey Price : «À long terme, voudra-t-il vivre ce qui s’en vient, qu’il s’agisse d’une reconstruction, d’une réinitialisation ou bien de quelque chose d’autre que l’on pourrait décrire avec un mot encore plus compliqué ?»

À la fin des années 1990 et au début des années 2000, un «mot compliqué» aurait pu être utilisé : réingénierie.

Voilà ce que coécrivait l’Oreille tendue en 2004 dans le Dictionnaire québécois instantané :

Synonyme songé de réforme. En septembre 1997, un recteur, devenu ministre depuis, en conférence de presse, a annoncé son projet de «réingénierie pédagogique». «Vers une démocratie participative. Une réingénierie de nos institutions s’impose» (le Devoir, 15-16 février 2003). «”Réingénierie”, le nouveau buzz word de Jean Charest» (le Devoir, 2 mai 2003). «Les citoyens des régions du Québec seront parmi les premiers bénéficiaires de la réingénierie de l’État québécois» (un premier ministre du Québec, le Devoir, 4 juin 2003). «C’est sur la base de ces principes de gestion que nous inaugurerons six grands travaux qui seront le cœur de la réingénierie de l’État québécois» (le même premier ministre, la Presse, 5 juin 2003). «Marois lit “compressions” quand elle voit “réingénierie”» (le Devoir, 2 octobre 2003). «Pour qu’il y ait une réingénierie, encore faut-il qu’il y ait une ingénierie !» (le Devoir, 11-12 octobre 2003) «Réingénierie, rénovation et redéploiement de l’État québécois. Une démarche sous le joug du pragmatisme ou de l’idéologie ?» (le Devoir, 18 novembre 2003) (p. 190)

Le mot paraissait promis à un brillant avenir :

Appelé à prendre de l’expansion. «La “réingénierie” des sexes» (la Presse, 25 septembre 2003). «La réingénierie des prix Gémeaux» (Radio-Canada, 20 novembre 2003).

Cela ne s’est pas avéré.

D’ailleurs, des résistances se faisaient entendre dès 2003 :

«[Le] mot “réingénierie*” n’obtient pas l’imprimatur de l’OQLF [Office québécois de la langue française], celui-ci lui préférant l’expression “reconfiguration des processus”» (le Devoir, 8 décembre 2003).

Amateurs de hockey, faudrait-il saisir l’occasion ? Réingénierie ? Reconfiguration des processus ?

À vous la parole.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2019, couverture