Un dimanche après-midi devant le poste

Pub de Tremfya : «Chérie, est-ce qu’on a des assiettes à quelque part ?» «À quelque part» ? Non, jamais : «quelque part» suffit.

Pub de Sonnet : «Vous avez de l’eau dans la cave.» On est toujours le feu de plancher de quelqu’un.

Les Steelers de Pittsburgh — c’est du football américain — jouent mal ? «La chaîne a débarqué.» (Malheureusement, leur chaîne a rembarqué.)

La société Audible annonce un livre audio. Ce n’est pas étonnant. Karine Vanasse, qui fait la publicité, ne prononce pas Audible à l’anglais, mais à la française. Ça, c’est étonnant.

Pub du gouvernement du Québec : «Mais comment le Père Noël facteur va faire pour m’amener mes cadeaux ?» Apporter mes cadeaux, non ?

Pub de Loto-Québec, donc du gouvernement du Québec : «Les câbles, c’est moi qui les a.» Non : «les ai».

Pub de poulet : «Bon, ben, coudonc. On soupe.»

Quand la réalité rejoint la fiction

En 2001, avec Pierre Popovic, l’Oreille tendue publiait le Village québécois d’aujourd’hui. Y apparaissait une bière fictive, La Môsus.

Trois ans plus tard sortait une «deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée» de l’ouvrage, sous le titre Dictionnaire québécois instantané. La Môsus était alors remplacée par La Torrieuse.

Que commercialise dorénavant la Brasserie Maltco ?

Bière La Torrieuse, Brasserie Maltco, 2020

Ça ne s’invente pas.

 

Références

Melançon, Benoît et Pierre Popovic, le Village québécois d’aujourd’hui. Glossaire, Montréal, Fides, 2001, 147 p.

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, éd. de 2019, couverture

Évolution sémantique souhaitée

Au Québec, on l’a déjà vu, le frais chié (avec ou sans trait d’union) n’a pas bonne presse.

Ajoutons trois exemples.

Le premier chez Victor-Lévy Beaulieu, dans Monsieur de Voltaire (1994) : «Plus frais-chié que jamais, Voltaire lui répond […]» (p. 82).

Le deuxième chez Emmanuel Schwartz, dans le recueil collectif Et si on s’éteignait demain ? (2019) : «À ma mère je laisse / Mon sourire fendant du fils le plus frais-chié de la rue» (p. 39).

Le troisième chez Pierre Corbeil, dans Canadian French for Better Travel : le «frais-chié» (p. 61), comme le «frachié» (p. 150), serait «orgueilleux» ou «prétentieux».

La Brasserie Maltco espère sans aucun doute que les choses vont changer.

Bière La fraîchier, Brasserie Maltco, 2020

P.-S.—On notera que tous les produits alimentaires ne peuvent pas s’appeler «Fraîchier».

P.-P.-S.—Ainsi que le font remarquer Léandre Bergeron (1980, p. 234), Ephrem Desjardins (2002, p. 84) et Pierre DesRuisseaux (2015, p. 158), on peut dire, plus économiquement, frais, comme dans faire son frais. Le sens est le même.

 

[Complément du 10 décembre 2020]

Les férus de grammaire auront noté que frais est ici employé adverbialement. Il ne s’accorde donc pas. Voilà pourquoi Alexie Morin, dans Ouvrir son cœur, doit écrire «une petite frais chiée de Valcourt» (éd. de 2020, p. 37).

 

Références

Beaulieu, Victor-Lévy, Monsieur de Voltaire. Romancerie, Montréal, Stanké, 1994, 255 p. Ill. Rééd. : Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 220, 2010, 240 p.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011, 186 p. Ill. Troisième édition.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Et si on s’éteignait demain ? Collectif dirigé par Marie-Élaine Guay, Montréal, Del Busso éditeur, 2019, 109 p. Ill.

Morin, Alexie, Ouvrir son cœur. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Écho», 29, 2020, 343 p. Édition originale : 2018.

La bêtise des «cousins»

Soit cette image :

Publicité, Brioche Pasquier

Plusieurs choses y clochent.

Ce que l’on voit au centre de l’écran, en bas, ne s’appelle pas «pancakes» en français du Québec, mais, le plus communément, «crêpes». Dès lors, le mot-clic «#parlerpancake» n’a pas de sens.

Sur la pastille bleue — il y en a quelques autres —, on lit «Je ne veux pas faire mon petit Jean Lévesque.» On attendrait, bien évidemment, «Je ne veux pas faire mon petit Jos Connaissant.»

Au Québec, on n’entendrait pas «les phrases les plus fun», mais «les phrases les plus le fun».

Au centre, on peut taper «Ecris un message en francais [sic]», pour ensuite le «Traduire». Puisque les Québécois francophones parlent français, il s’agirait donc de «traduire» en français… une expression en français.

L’Oreille tendue a fait un test. Elle a tapé «Ce site est mal foutu.» Traduction proposée ? «Sois pas en criss, on jase aussi français nous autres !»

Pour le dire simplement : on est toujours le colon de quelqu’un.

P.-S.—Autre perle, avec «traduction» farfelue et faute d’orthographe.

Publicité, Brioche Pasquier

[Complément du 3 octobre 2020]

Sur Twitter, une lectrice de l’Oreille tendue, plus éveillée qu’elle, lui fait remarquer que l’on a utilisé comme illustration une photo des Rocheuses. Ces montagnes se trouvent à plusieurs milliers de kilomètres du Québec. La totale.

Accouplements 154

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

L’Oreille tendue, se remettant (enfin !) au sport télévisé, découvre une publicité d’abord diffusée en anglais en 2019. Une femme y déguste une bière après avoir réussi à retirer son soutien-gorge (sa brassière en français populaire du Québec) sans retirer son chemisier.

Au même moment, l’Oreille relisait le premier roman de Nicholson Baker, The Mezzanine. On y trouve le même geste :

Here was where I made a discovery. An image came to me — Ingres’s portrait of Napoleon. Displacing my tie, I undid a single middle button. Yes, it was possible to get at your underarm by entering the shirt through the gap made by one undone button and then working the stick of antiperspirant up the pleural cavity between T-shirt and shirt until you were able to snag the sleevelet of the T-shirt with a finger and pull it past the seam where your shirtsleeve began, thereby exposing the area you needed to cover. I felt like Balboa or Copernicus. In college I had been amazed to see women take off bras without removing their sweatshirts, by unfastening the rear bra-catch through the material, pushing one sleeve up far enough to slip off one strap, and, after a few arousing shrugs of their shoulders, pulling the whole wriggling thing nonchalantly out of the opposite sleeve. My own antiperspirant discovery had some of the topologically flavor of those bra removals (p. 51-52).

On peut préférer le roman à la publicité.

 

Référence

Baker, Nicholson, The Mezzanine. A Novel, New York, Vintage Books, coll. «Vintage Contemporaries», 1990, 135 p. Paru en français sous le titre la Mezzanine, Paris, Julliard, 1991. Traduction d’Arlette Stroumza.