L’insoutenable légèreté de la titraille

Milan Kundera, l’Insoutenable Légèreté de l’être, éd. de 2019, couverture

L’Oreille tendue aime bien se considérer comme un service public. C’est pourquoi il lui arrive de proposer des moratoires, notamment en matière de titraille : ne pas s’inspirer de Laclos, de Gabriel García Márquez (ici ou ), de Marivaux, de Houellebecq, de Denys Arcand ou de Réjean Ducharme, ne pas marier la tradition à la modernité, ne pas pratiquer le chiasme, ne pas adresser des lettres d’amour.

Accueillons aujourd’hui, dans ce club sélect, Milan Kundera.

«L’insoutenable inutilité de l’être» (le Devoir, 3 avril 2020).

«L’insoutenable légèreté de l’être occidental» (le Devoir, 21 mars 2020).

«Investiture démocrate. L’insoutenable dangerosité du (mot) socialisme» (la Presse+, 5 mars 2020).

«L’insoutenable légèreté du sentiment» (Fabula, janvier 2020).

«“Celle que vous croyez” : l’insoutenable légèreté du virtuel» (le Devoir, 27 septembre 2019).

«L’insoutenable légèreté de Jason Kenney» (la Presse+, 17 juin 2019).

À votre service.

 

[Complément du 22 mars 2022]

Ajoutons encore ceci, pour ceux qui n’écoutent pas dans le fond de la salle…

«Le psy et l’insoutenable légèreté» (le Devoir, 21 mars 2022).

«L’insondable légèreté du sondeur» (la Presse+, 25 septembre 2021).

«L’insoutenable lenteur des tests rapides» (la Presse+, 26 août 2021).

«L’insoutenable lourdeur du marketing» (le Devoir, 29 avril 2021).

«L’insoutenable légèreté du capitalisme vis-à-vis de notre santé» (le Nouvel Observateur, 23 mars 2020).

 

[Complément du 1er mai 2024]

Nouvelle collecte.

«Soutenable légèreté de l’être» (le Devoir, 30 avril 2024).

«L’insoutenable ambiguïté de Poilievre» (le Devoir, 12 février 2024).

«L’insoutenable paradoxe de l’abondance de choix» (la Presse+, 14 décembre 2023).

Vivre sans produire. L’insoutenable légèreté des penseurs du vivant (Éditions Le Croquant, 2023).

«“Lancaster” : l’insoutenable lourdeur du monde» (le Devoir, 26-27 août 2023).

«L’insoutenable légèreté de l’adolescence» (la Presse+, 16 juin 2023).

«L’insoutenable légèreté de l’air. L’État, la pollution et la lutte des classes» (le Club de Mediapart, 18 février 2023).

«L’insoutenable légèreté des économistes» (Alternatives économiques, 18 novembre 2022).

«L’insoutenable légèreté des lettres» (la Presse+, 24 septembre 2022).

«L’insoutenable intranquillité de l’être» (avenues.ca, 19 mai 2022).

La saveur du jour

«Budget à saveur de transport collectif»

À l’occasion (2009, 2010, 2011, 2013, 2014, 2015, 2017, 2017), l’Oreille tendue pratique un tri sélectif dans sa corbeille de à saveur, ce fléau québécois.

Histoire de varier les plaisirs — façon de parler —, regroupons aujourd’hui les à saveur selon leur syntaxe.

Avec un adjectif

«film à saveur médiévale» (le Devoir, le D magazine, 21-22 mars 2020, p. 5)

«à saveur sanitaire» (Twitter)

«texte à saveur techno-environnementale» (Twitter)

«à saveur internationale» (la Presse+, 10 mars 2020)

«Gourmandises à saveur musicale» (la Presse+, 7 août 2019)

«une comédie romantique costumée à saveur féministe» (le Devoir, D le magazine, 30 juin-1er juillet 2018, p. 13)

«un hamburger à saveur montréalaise» (la Presse+, 28 novembre 2017)

«des œuvres d’art à saveur sportive» (le Devoir, 24 novembre 2017, p. B2)

«Le Parti libéral a tenu un Conseil général à saveur préélectorale, ce week-end» (le Devoir, 5 juin 2017, p. A3).

«discours à saveur électorale» (le Devoir, 17 janvier 2011, p. B1)

Avec complément introduit par de

«Cabrera était venu à Montréal pour prendre la relève de Rémi Garde, congédié quelques jours après un match nul de 3-3 à saveur de défaite, le 17 août contre le FC Dallas au stade Saputo» (la Presse+, 25 octobre 2019).

«Le programme du Parti québécois. Maintenant à saveur de gouvernance souverainiste» (le Devoir, 1er novembre 2011, p. A8, caricature de Garnotte).

Chronique d’un moratoire annoncé

Gabriel García Márquez, Chronique d’une mort annoncée, 1981, couverture

Ceci, dans le Devoir du jour : «Chronique d’un fiasco annoncé.»

En voyant ce titre, l’Oreille tendue, qui aime assez les moratoires, même non suivis d’effets, s’est souvenue d’une suggestion d’un de ses lecteurs : «Pour un éventuel complément à votre entrée de L’oreille tendue, voici une autre formule toute faite souvent vue et lue dans les titres : “Chronique d’une [quelque chose] annoncée”, d’après García Márquez, cette fois. Celle-là, elle m’agace particulièrement…»

En effet.

«Chronique d’une invasion annoncée en Syrie» (le Devoir, 4 novembre 2019).

«Éducation. Chronique d’une crise annoncée» (le Devoir, 29 août 2019, p A1).

«Baleines. Chronique d’une mort annoncée» (la Presse+, 28 juillet 2019).

«Chronique d’un suicide annoncé» (le Devoir, 2 août 2017, p. B7).

Pitié pour Gabriel García Márquez, svp.

 

[Complément du 5 avril 2022]

Une autre louche ?

«Chronique d’une crise migratoire annoncée» (la Presse+, 4 avril 2022).

«Chronique d’une mort annoncée» (la Presse+, 3 septembre 2021).

«Chronique d’un départ annoncé. “Le party était terminé”» (la Presse+, 24 mai 2020).

«Reportage diffusé ce matin à Désautels le dimanche. Montréal-Nord, chronique d’une tragédie annoncée» (Twitter, 3 mai 2020).

«Covid-19 ou la chronique d’une émergence annoncée» (Collège de France).

 

[Complément du 15 mai 2023]

Avec ce romancier, une extension du domaine du moratoire est à envisager.

Il y a la chronique annoncée, certes.

«Chronique d’une mort annoncée pour une pionnière» (la Presse+, 1er mai 2023).

«Gironde, chronique d’un désastre annoncé» (Paris match, 31 juillet 2022).

«Chronique d’un drame annoncé» (la Presse+, 16 avril 2022).

Mais il y a aussi l’amour au(x) temps du x (comme dans l’Amour aux temps du choléra, 1985).

Anouar Benmalek, l’Amour au temps des scélérats (2023).

Sans oublier x ans de solitude (comme dans Cent ans de solitude, 1967).

«Cuba : soixante ans de solitude» (la Presse+, 15 mai 2023).

Ça commence à faire beaucoup pour un seul homme.

 

[Complément du 28 mai 2024]

Sans surprise, on trouve le même tic en espagnol. (Merci à Luc Jodoin.)

Gaza. Crónica de una Nakba annunciada, couverture

Mise en délibéré

Dans le Devoir des 8-9 février 2020 :

«D’ailleurs, au risque de dire quelque chose qui semblera peut-être incongru, ce film, c’est aussi une lettre d’amour à Montréal» (le D magazine, p. 5).

«Cette série est une lettre d’amour au pouvoir de la télévision» (le D magazine, p. 37).

Déjà en 2015 :

«une vibrante lettre d’amour au cinéma» (24 décembre 2015, p. E4).

Dans la Presse+ :

«Leur auteur les décrit comme une “lettre d’amour à Montréal”, mais c’est surtout l’œuvre d’un érudit qui nous livre une très belle réflexion philosophique» (6 novembre 2019).

«Cet album est une lettre d’amour à l’amour, dans tout ce qu’il a de plus irritant, passionné, excitant, ravissant, horrible, tragique, magnifique, glorieux» (26 août 2019).

«Lettre d’amour à» : moratoire ou pas ? L’Oreille tendue se tâte.

 

[Complément du 13 décembre 2021]

Brassée du jour. Ça ne va pas mieux.

«Une lettre d’amour à Naples» (la Presse+, 3 décembre 2021).

«Une lettre d’amour à l’Eurovision» (la Presse+, 27 juin 2020).

«À travers ses réflexions tissées de métaphores, elle offre aussi, et surtout, une magnifique lettre d’amour aux langues, le français en particulier, et à leur pouvoir transformateur» (la Presse+, 1er mars 2020).

«C’est dommage, parce qu’au fond, mon film est une lettre d’amour à Niagara Falls» (le Devoir, le D Magazine, 22-23 février 2020, p. 15).

«Lettre d’amour à l’Amérique noire» (la Presse+, 17 février 2021).

«Le roman peint aussi un tableau vivant de la Côte-Nord et est une lettre d’amour sentie aux produits de la mer, qui y occupent une place centrale» (la Presse+, 25 avril 2021).

 

[Complément du 3 novembre 2023]

Ça n’arrête pas de continuer.

«Lettre d’amour à une France récalcitrante» (la Presse+, 3 novembre 2023).

«Petite lettre d’amour à Montréal» (la Presse+, 19 août 2023).

Lettre d’amour à la ville (Télé-Québec, mars 2023).

«Une lettre d’amour à la France» (la Presse+, 26 mai 2023).

«Une lettre d’amour à la diversité culturelle» (la Presse+, 20 septembre 2022).

«Lettre d’amour à Montréal» (le Devoir, 2 septembre 2022, p. B3).

«La lettre d’amour de Michel Tremblay aux acteurs» (la Presse+, 10 mai 2022).

«Lettre d’amour à ceux qui n’ont plus de voix» (le Devoir, le D magazine, 19-20 février 2022, p. 32).

Accouplements 145

Portrait de Tennessee Williams à 54 ans, Wikipédia

 

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Pendant les matchs de hockey, le concessionnaire d’automobiles et de camions Paillé aime vanter la puissance de ses véhicules. Un camion, par exemple, tire plusieurs remorques. Sur l’une d’elles, on trouve une embarcation lacustre : «Un ponton nommé Désir.»

Dans le Devoir des 18 et 19 janvier, en titre : «Un sujet nommé désir» (le D Magazine, p. 4).

La postérité de Tennessee Williams est assurée.

 

[Complément du 25 février 2020]

France Culture frappe plus fort, sur Twitter :

 

[Complément du 25 août 2022]

Tous les Québecquois ne s’entendent pas sur la présence d’un tramway dans leur ville. Les préposés aux titres s’en donnent à cœur joie, note @ThomasOSP.

Titres de presse contenant des jeux de mots sur un titre de Tennessee Williams