Accouplements 120

Collectif Devenir chercheur. Écrire une thèse en sciences sociales, 2013, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Hunt, Lynn, «The Art of History. How Writing Leads to Thinking», Perspectives on History. The Newsmagazine of the American Historical Association, 1er février 2010.

«Most problems in writing come from the anxiety caused by the unconscious realization that what you write is you and has to be held out for others to see. You are naked and shivering out on that limb that seems likely to break off and bring you tumbling down into the ignominy of being accused of inadequate research, muddy unoriginal analysis, and clumsy writing. So you hide yourself behind jargon, opacity, circuitousness, the passive voice, and a seeming reluctance to get to the point. It is so much safer there in the foliage that blocks the reader’s comprehension, but in the end so unsatisfying. No one cares because they cannot figure out what you mean to say.»

Van Campenhoudt, Luc, «La communication orale. Partie intégrante du processus scientifique», dans Moritz Hunsmann et Sébastien Kapp (édit.), Devenir chercheur. Écrire une thèse en sciences sociales, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, coll. «Cas de figure», 29, 2013, p. 217-228.

«La clarté et la cohérence rendent évidemment vulnérable à la critique car elles permettent aux interlocuteurs de saisir la signification des propos» (p. 225).

La clinique des phrases (x)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Voici un cas lourd et un beau défi :

Par ailleurs, lorsqu’il dit que les enfants de Mme de Sabran ne font pas assez de cas d’elle, il met en valeur l’estime qu’elle mérite pour les qualités qui la distinguent, que lui-même ressent, voulant que Delphine et Elzéar le prennent pour modèle pour l’expression de l’estime due à Éléonore.

Par où commencer ? Enlevons un «de» inutile.

Par ailleurs, lorsqu’il dit que les enfants de Mme de Sabran ne font pas assez cas d’elle, il met en valeur l’estime qu’elle mérite pour les qualités qui la distinguent, que lui-même ressent, voulant que Delphine et Elzéar le prennent pour modèle pour l’expression de l’estime due à Éléonore.

Clarifions au moins une identité.

Par ailleurs, lorsqu’il dit que les enfants de Mme de Sabran ne font pas assez cas de leur mère, il met en valeur l’estime qu’elle mérite pour les qualités qui la distinguent, que lui-même ressent, voulant que Delphine et Elzéar le prennent pour modèle pour l’expression de l’estime due à Éléonore.

Économisons une relative.

Par ailleurs, lorsqu’il dit que les enfants de Mme de Sabran ne font pas assez cas de leur mère, il met en valeur l’estime qu’elle mérite pour ses qualités distinctives, que lui-même ressent, voulant que Delphine et Elzéar le prennent pour modèle pour l’expression de l’estime due à Éléonore.

Simplifions un peu le début de la phrase, histoire d’éviter une répétition («estime»).

Par ailleurs, lorsqu’il dit que les enfants de Mme de Sabran ne font pas assez cas de leur mère, il met en valeur ses qualités distinctives, que lui-même ressent, voulant que Delphine et Elzéar le prennent pour modèle pour l’expression de l’estime due à Éléonore.

Scindons, refaisons complètement la suite de la phrase et essayons de comprendre.

Par ailleurs, lorsqu’il dit que les enfants de Mme de Sabran ne font pas assez cas de leur mère, il met en valeur ses qualités distinctives. Il ressent ces qualités et il veut que Delphine et Elzéar le prennent pour modèle pour l’expression de l’estime qu’ils doivent à Éléonore.

Allons un peu plus loin — en employant un verbe plus expressif («déplorer» pour «dire»), puis en enlevant un adjectif inutile («distinctifs»), une évidence («Il ressent ces qualités») et un «pour» de trop.

Par ailleurs, déplorant que les enfants de Mme de Sabran ne fassent pas assez cas de leur mère, il met en valeur ses qualités. Il veut que Delphine et Elzéar le prennent pour modèle dans l’expression de l’estime qu’ils doivent à Éléonore.

À votre service.

Fin de série

L’Oreille tendue enseigne à l’université depuis 1981. Ce matin, pour la première fois en 37 ans, elle s’est présentée en classe sans ses notes de cours et sans les copies qu’elle devait rendre. Tout ça était resté chez elle.

Dites, docteur, c’est grave ?

Faire un mauvais bond

C’était le 13 octobre 2009 : l’Oreille tendue évoquait un verbe très prisé en colloque universitaire, rebondir.

Depuis, certain de ses collègues, qui fréquente beaucoup les colloques, aime réagir publiquement quand il entend ce verbe.

https://twitter.com/monterosato/status/979303697959280640

L’Oreille ne connaissait le verbe qu’à l’oral. Hier, elle l’a découvert à l’écrit, sur Twitter.

https://twitter.com/VRobertParis3/status/990920789653409792

On n’arrête pas le progrès.