Accouplements 200

Salman Rushdie, The Moor’s Last Sigh, éd. de 1996, couverture

(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

L’Oreille tendue est professeure d’université. Dans quelques mois, elle sera à la retraite. Elle a donc commencé le désherbage de ses bibliothèques. L’autre jour, elle est tombée sur un livre que lui avait offert Gilles Marcotte, accompagné d’un mot de sa main : «La littérature est vivante ! Il faut lire Rushdie ! G.M.»

Elle a repensé à ce conseil en écoutant la longue entrevue accordée par Salman Rushdie à David Remnick du magazine The New Yorker (c’est ici). Il y déclare notamment ceci, qui est un chef-d’œuvre d’understatement : «I’ve always thought that my books are more interesting than my life […]. The world appears to disagree» («J’ai toujours pensé que mes livres étaient plus intéressants que ma vie. […] Le monde semble être en désaccord»).

 

Référence

Rushdie, Salman, The Moor’s Last Sigh, Toronto, Vintage Canada, 1996, 437 p. Édition originale : 1995.

La clinique des phrases (107)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit les deux phrases suivantes, tirées d’une chronique parue dans un quotidien montréalais :

Je soumets que cette prudence est l’attitude à adopter cette fois encore.

Une autre chose me semble s’imposer : donner aux élèves et aux étudiantes et étudiants une «littératie digitale» qui leur permettra de comprendre comment fonctionnent ces outils, quelles en sont les possibilités, mais aussi les limites et les dangers, et comment rester critique face à eux et en être un usager responsable.

Deux phrases, deux anglicismes juteux : soumettre que et digitale, à moins que «littératie digitale» ne renvoie au fait d’apprendre à compter sur ses doigts.

Donc :

Je crois que cette prudence est l’attitude à adopter cette fois encore.

Une autre chose me semble s’imposer : donner aux élèves et aux étudiantes et étudiants une «littératie numérique» qui leur permettra de comprendre comment fonctionnent ces outils, quelles en sont les possibilités, mais aussi les limites et les dangers, et comment rester critique face à eux et en être un usager responsable.

À votre service.

P.-S.—L’éducation est entre bonnes mains.

La confusion des langues

Machine à sous

Les entreprises de paris sportifs polluent de plus en plus les ondes télévisuelles. Cela entraîne parfois des problèmes de prononciation.

Prenons Bet99.

Dans ses publicités, cette entreprise pratique l’alternance codique : on commence en anglais avec «Bet ninety nine», puis on continue en français avec «point net».

Un des commentateurs sportifs préférés de l’Oreille tendue a bien vu le problème. On lui doit (au moins ?) trois prononciations. La première toute en français : «Bet quatre-vingt-dix-neuf point net.» La deuxième toute en anglais : «Bet ninety nine dot net.» La troisième plus économique, mais en anglais : «Bet ninety nine.»

D’autres prononciations sont-elles possibles ? Les paris sont ouverts.

Accouplements 181

Julia Deck, Monument national, 2022, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Comment fait-on pour vivre entre deux continents ?

Deck, Julia, Monument national. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2022, 204 p.

«Ambre avait grandi entre la Côte d’Azur et la Martinique, ainsi qu’on dit des privilégiés qui ont plusieurs ports d’attache, comme s’il était possible de vivre au milieu de l’océan» (p. 28).

Michel Tremblay, entretien avec l’Oreille tendue, Université de Montréal, 22 mai 2018 (à 47 minutes 30 secondes).

«C’était un film qui n’s’adressait à personne. Personne au monde n’avait parlé cette langue-là. Les Français n’ont jamais parlé comme ça, les Québécois n’ont jamais parlé comme ça. Les Américains ont une expression que j’aime beaucoup, quand c’est un anglais comme ça qui est entre l’Angleterre et les États-Unis, ils appellent ça le Mid-Atlantic English, l’anglais parlé au milieu de l’Atlantique. Et dans Caïn [film de Pierre Patry, 1965], c’était du Mid-Atlantic French. C’était un français que personne… Si tu tournes un film dans une langue que personne n’a jamais parlée au monde, ben qui c’est qui va aimer ça, qui est-ce qui va pouvoir apprécier ? Ça parle pas comme eux, pis personne a jamais parlé comme ça. Alors, c’est à partir de ça, ç’a été le moment déclencheur peut-être le plus important de ma vie.»

 

Extension du domaine du grilled cheese

Grilled Cheese Bar

Soit le grilled cheese, un plat simple, sans cachet particulier : «Mets constitué de deux tranches de pain entre lesquelles sont disposées des tranches de fromage et qui est grillé sur une surface chauffante jusqu’à ce que le fromage soit fondant» (Grand Dictionnaire terminologique).

Dans des aventures précédentes, l’Oreille tendue avait croisé, sans bien savoir de quoi il s’agit, un grilled cheese urbain québécois et une Grilled Cheese Factory parisienne, comme son nom l’indique.

Elle vient de découvrir, elle qui collectionne les bars, l’existence du Grilled Cheese Bar et des partys qu’on y organise.

On n’arrête pas le progrès.

P.-S.—Oui, en effet, il y a un moratoire sur les titres commençant par «Extension du domaine de».