«Mais comme on est toujours mécontent de l’époque où l’on vit, comme on lui trouve tous les défauts et les vices, qui, évidemment, ne pouvaient pas exister avant elle, il est consolant de se retourner en arrière, là où l’on ne regarde plus qu’à travers ce prisme trompeur qui s’appelle l’histoire.»
Source : Arthur Buies, Réminiscences, Québec, Imprimerie de l’Électeur, 1892, cité dans Laurent Mailhot, Anthologie d’Arthur Buies, Montréal, Hurtubise HMH, coll. «Cahiers du Québec. Textes et documents littéraires», 37, 1978, 250 p., p. 81.
même si je l’ai presque jamais entendue dans la bouche
d’une autre personne
je peux décider d’en faire un régionalisme (p. 15).
Cette définition initiale est précisée plus loin dans l’ouvrage : «c’est une expression qu’on peut utiliser dans un bar / de région / sans que personne cherche à nous casser ‘a yeule» (p. 115). Voilà pourquoi, au Québec, du moins à Almow (Alma), «Avoir le cul bordé de nouilles» ne peut pas être un régionalisme (p. 114-118).
Certains régionalismes ne sont traités que brièvement : «Y est revenu avec le trou d’cul en-dessous du bras» (p. 68); «J’me su’ levé avec la tête dans l’cul» (p. 68); «Ça faisait tellement mal / j’avais l’impression que le cœur me battait / dans l’trou d’cul» (p. 69); «Y est trop tard pour serrer les fesses quand / la crotte est passée» (p. 69); «Y fait noir comme dans l’cul d’un ours» (p. 70); «Ça m’fait pas un pli su’à poche» (p. 70); «Avoir un os dans le baloney» (p. 101); «J’me sens comme une truite su’à sphatte» (p. 101); «J’me sens comme un ours qui a reçu / une flèche dans’ panse» (p. 101). Trois sont rapportés à un ancien ministre du gouvernement fédéral, Steven Blaney : «C’est pas le crayon le plus aiguisé de la boîte»; «C’est pas lui qui a faite le trou dans’ pissette des brulots»; «C’est pas lui qui a mis le spring aux sauterelles» (p. 119).
D’autres ont droit à un chapitre complet : «Trouve-toi une vie»; «Y farme pas étanche»; «Ben accoté dans’ barrure»; «Yinke à wouèr on woé ben»; «Y a des claques su’a yeule qui s’pardent»; «Y sort pas d’colombes du cul d’une corneille»; «Y est su’a coche»; «Oussé qu’t’avais ‘a tête ?»; «Bizouner»; «Charche pas à dju pis à djâ»; «C’est pas vargeux».
Fabien Cloutchier, comme on dit dans sa «Beauce natale» (p. 113), utilise les régionalismes pour commenter l’actualité, la culture populaire et la politique. L’auteur a ses têtes de Turc : Régis Labeaume, le maire de Québec, devient «le che de Sillery» (p. 85); l’ancien ministre provincial Yves Bolduc est «un docteur Bleuet» (p. 87); le ministre Gaétan Barrette «brise» l’«image du Gaétan standard» (p. 106). Ce «recueil de grandes vérités» (p. 9) manie avec dextérité la dérision, l’ironie, l’absurde, l’humour. C’est tout à fait instructif.
P.-S. — Que l’on permette à l’Oreille tendue de proposer son régionalisme : «Y a un éditeur qui a dormi sur la switch.» Certains mots comportent inutilement la lettre e : «l’avion nolisée [sic] de Lise Thériault» (p. 35). Ailleurs, elle manque : «avec de la poutine servi [sic] sur le chest» (p. 21); «la belle table à café que j’nous ai bizouné [sic]» (p. 100); «tu peux aspirer à faire parti [sic] de l’élite» (p. 137). «Cours» (p. 43) et «tiers-mondistes» (p. 70) devraient prendre une s, mais pas «sous» (p. 43) ni «quelques temps» (p. 128). Les pots Mason, comme l’atteste l’illustration de la page 18, ne sont pas des pots Masson (p. 21). Page 74, il faut «Quoique» au lieu de «Quoi que» et «Parisien» au lieu de «parisien». «Nul part» (p. 75) ? Non. Si «y a du monde qui aiment», alors ce monde «recommandent», au pluriel (p. 78). Etc. Ça fait désordre, et beaucoup.
(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)
C’était mal vu de la mère du chroniqueur Pierre Foglia :
À la table, au grand désespoir de son épouse, [le père de Pierre Foglia] garde son béret et sifflote, bras croisés, bien appuyé sur le dossier, heureux malgré tout (Foglia l’Insolent, p. 21).
C’était mal vu de la mère de la seconde deuxième femme de Barney Panofsky, «the second Mrs. Panofsky», le personnage de Mordecai Richler :
«And, whatever you do, no whistling at the table. Absolutely no whistling at the table. She can’t stand it.»
«But I’ve never whistled at the table in my life.»
[…]
In fact, my behaviour was four-star exemplary until she told me how she had adored Exodus, by Leon Uris, and, all at once, I began to whistle «Dixie».
«He’s whistling at the table.»
«Who ?» I asked.
«You.»
«But I never. Shit was I ?»
«He didn’t mean to, Mother.»
«I apologize», I said, but when the coffee came I was so nervous I found myself suddenly whistling «Lipstick on Your Collar», one of that year’s hit numbers, stopping abruptly. «I don’t know what’s got into me» (Barney’s Version, p. 197).
Siffler, c’est parfois plus fort que soi.
Références
Bernier, Marc-François, Foglia l’Insolent, Montréal, Édito, 2015, 383 p.
L’ancien joueur de hockey Jim Roberts est mort cette semaine. Il n’a guère marqué la culture de son sport. Deux exceptions.
Une citation, de Marc Robitaille, dans Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hockey : «J’ai lu un ou deux Sport-Revue à la flashlight mais ç’a pas vraiment réussi à m’endormir ça fait que j’ai fermé les lumières et j’ai utilisé le vieux truc de compter des moutons excepté que j’ai compté des Canadiens à la place. Je m’en souviens plus mais je pense que c’est rendu à Jim Roberts (numéro 26) que j’ai commencé à dormir» (p. 81).