La clinique des phrases (bbb)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la manchette suivante :

L’Autrichien s’offre son premier titre du Grand Chelem après avoir concrétisé une remontée historique.

Simplifions :

L’Autrichien s’offre son premier titre du Grand Chelem après une remontée historique.

Voire :

Après une remontée historique, l’Autrichien s’offre son premier titre du Grand Chelem.

À votre service (c’est le cas de le dire).

Lexique de retour de vacances

«Privé», panneau de signalisation

 

analyse

Comprendre n’est pas analyser : «Je suis pas ici pour comprendre, je suis ici pour analyser» (Michel Bergeron, ex-entraîneur de hockey devenu joueurnaliste, TVA sports, 1er août 2020).

batterie

Absence de branchement électrique oblige, l’Oreille tendue a dû maîtriser l’usage de la batterie à décharge profonde, aussi appelée batterie à décharge poussée, associée à un panneau solaire. Elle n’est pas peu fière d’elle.

belleau, andré

La dixième contribution de l’Oreille à la chaîne vidéo l’Histoire nous le dira de Laurent Turcot a été mise en ligne pendant ses vacances. Elle porte sur le professeur et intellectuel québécois André Belleau (1930-1986). Ça se trouve ici.

coaler

Enfumer volontairement un cycliste quand on est automobiliste. «Dans le jargon, on parle de se faire “coaler”, qu’on pourrait traduire par se faire “encharbonner”» (le Devoir, 3 août 2020, p. A3).

compréhension (merci de votre ~)

Encore et toujours.

confluence

L’Oreille aime quand les tweets, par hasard, dialoguent. Voilà pourquoi elle a créé la Confluence des tweets. Ces dernières semaines, la récolte a été bonne.

cv

L’Oreille est professeure d’université. Une de ses tâches est de contribuer à l’avancement des connaissances. Même en vacances, elle s’y consacre. Cinq exemples.

Chevalet et table, construction maison

Meuble intérieur avec tablettes

Table extérieure avec parasol

Table à pique-nique

Toilette extérieure sur socle

gélinotte huppée

Voir perdrix (peut-être).

graine, grainer, grainage

Au Québec, dans la langue populaire, le mot graine désigne le sexe masculin. Il désigne aussi maintenant, du moins sous la plume du chroniqueur Patrick Lagacé, celui qui graine : la graine est en effet adepte du grainage; elle trempe son pénis dans le verre d’une personne de l’autre sexe sans que celle-ci le sache. Édifiant.

motomarine

Dans la Presse+ du 1er août, Mario Girard s’en prend aux motomarines, «cette plaie». Définition coproposée par l’Oreille dans le Dictionnaire québécois instantané en 2004 : «Chancre riverain» (p. 145).

noune

Le mot était en première page du Devoir le 20 juillet. Explication .

Photo du journal le Devoir

pas creux

Toutes les piscines n’ont pas la même profondeur : il y a en de profondes, de moins profondes, d’inégalement profondes. Ces dernières sont généralement composées d’un creux et d’un pas creux : «Vous étiez peut-être sur le bord de la piscine pour regarder le hockey, vendredi, car rien ne symbolise le hockey comme d’être assis dans le pas creux, un mojito à la main, n’est-ce pas ?» (Marc-Antoine Godin, Athlétique, 7 août 2020)

perdrix

Volatile invisible mais audible quand il prend son envol.

piner

Qui a fréquenté les salons de quilles à une époque déjà ancienne connaît le verbe piner : il s’agissait de l’activité du pineur, celui qui remettait manuellement les quilles à leur place entre deux carreaux. Dans le domaine du véhicule récréatif, le verbe a toujours cours : qui pine une roulotte la fixe au véhicule qui la tirera.

pinotte

Au moment de dépiner (voire piner), le livreur de roulotte de l’Oreille s’interrogeait sur la carrossabilité du chemin à parcourir, fait de terre et de (plus ou moins) gros cailloux. «C’est de la pinotte, ça, Monsieur», jugea-t-il, mais il livra néanmoins.

Chemin en forêt

pourriste

Touriste pourri, selon le Devoir du 25 juillet. L’Oreille espère ne pas en avoir été une.

tchén’ssâ

Elle n’avait pas servi depuis plusieurs années, mais elle est revenue à la vie au cours des dernières semaines. Merci à elle.

La scie de la maîtresse des lieux

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, éd. de 2019, couverture

La mémoire du Rocket

Dans la Presse+ du jour, Philippe Cantin publie un texte intitulé «La mémoire du Rocket mérite davantage». L’article paraît au moment où on commémore le vingtième anniversaire de la mort de Maurice «Rocket» Richard — c’est du hockey.

Le chroniqueur écrit notamment ce qui suit :

Je souhaite qu’un jour, une nouvelle occasion de souligner avec éclat la place du Rocket dans notre histoire se présente. Sa mémoire mérite davantage. Qu’on choisisse une rue ou une place au cœur de Montréal, fréquentée par des milliers de résidants et de touristes. La cité doit donner à son nom le retentissement approprié.

L’Oreille tendue a publié en 2006, aux Éditions Fides, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle. Elle a consacré au même sujet plusieurs articles universitaires et de nombreuses entrées de ce blogue.

L’Oreille ne partage pas le point de vue de Philippe Cantin. Pourquoi ?

Elle l’expliquait en 2016, quand on a voulu rebaptiser la circonscription québécoise Crémazie du nom du joueur de hockey. Voici ce qu’elle écrivait alors :

À Montréal, Maurice Richard a droit à son aréna, dans l’Est de Montréal, qui a pendant quelques années hébergé un musée en son honneur. À son parc, voisin de l’endroit où il habitait, rue Péloquin, dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville. À son restaurant, le 9-4-10, au Centre Bell. À son étoile de bronze sur la promenade des Célébrités, rue Sainte-Catherine, à côté de celle de la chanteuse Céline Dion. (Il a aussi sa place sur le Walk of Fame du Madison Square Garden de New York et sur le Canada’s Walk of Fame de Toronto.) À cinq statues : devant l’aréna qui porte son nom, à côté du Centre Bell, au rez-de-chaussée des cinémas AMC-Forum-Pepsi, dans le Complexe commercial Les Ailes, au Musée Grévin. À son gymnase, celui de l’école Saint-Étienne.

Il y a un lac Maurice-Richard, dans la région de Lanaudière, au nord-ouest de Saint-Michel-des-Saints. Il y a le lac et la baie du Rocket près de La Tuque. Il y a une rue Maurice-Richard et une place Maurice-Richard, à Vaudreuil-Dorion, en banlieue de Montréal.

Le Canada n’est pas en reste. L’État fédéral a érigé une statue de Maurice Richard devant le Musée canadien de l’histoire, celui où a été montée en 2004 l’exposition, devenue itinérante depuis, «Une légende, un héritage. “Rocket Richard”. The Legend — The Legacy». Il a émis un timbre à l’effigie du hockeyeur et il lui fait allusion, par Roch Carrier interposé, sur les billets de banque de 5 $. L’Oreille s’est laissé dire que, à Calgary, une «Richard’s Way» (ou serait-ce une «Richard’s Road» ?) l’aurait honoré. Du temps où les affaires allaient moins mal, il y avait une salle Maurice-Richard au siège social de Research in Motion (le Blackberry), à Waterloo; peut-être y est-elle toujours. Depuis 2012, pour atterrir à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, les pilotes peuvent emprunter un corridor aérien nommé MORIC, pour qui vous savez.

Ce n’est pas tout. La circonscription Maurice-Richard a été créée en 2016. Ses célèbres yeux sont reproduits dans le vestiaire du Rocket de Laval. Il y a maintenant une chambre d’hôtel au nom du joueur.

Il faudrait encore ajouter les innombrables manifestations du hockeyeur dans l’espace médiatique québécois et canadien. Il a été l’objet de toutes sortes d’écrits : des articles de périodiques et des textes savants, des biographies et des recueils de souvenirs, des contes et des nouvelles, des romans et des livres pour la jeunesse, des poèmes et des pièces de théâtre. Son nom apparaît dans des manuels scolaires. On lui a consacré des chansons, des bandes dessinées, des sculptures, des peintures, des films et des émissions de télévision. Son visage a orné des vêtements, des jouets, des publicités.

L’Oreille concluait ceci en 2016 : «Disons-le d’un mot : la mémoire de Maurice Richard n’est pas du tout menacée au Québec. Personne ne peut y vivre sans connaître ce nom.»

Elle n’a pas changé d’idée.

 

Référence

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Sauver le mononc’ ?

T-shirt d’Horacio Arruda, Mercerie Roger, Montréal, 2020

Malgré les valeureux efforts de Fabien Cloutier, le mononcle n’a pas bonne presse au Québec. Il en a été question longuement ici.

Nouvel exemple, dans la Presse+ du jour, de la dépréciation de cette figure au Québec : «Le hockey, c’est un sport de mononcles.»

Comme à beaucoup de règles, il existe des exceptions à celle-là. Soit la citation suivante, tirée de la Voix de l’Est : «Si François Legault est notre père de famille collectif en ces temps difficiles, le Dr Arruda, lui, est notre “mononcle funky”.»

Le directeur national de la Santé publique du Québec serait un «mononcle» — ce qui n’est généralement pas un compliment —, mais «funky». Sauvé par un adjectif !

P.-S.—Merci à Hugues Bélanger pour le tuyau.

 

Illustration : Mercerie Roger