Encore une histoire de poche

L’Oreille tendue — Dieu sait pourquoi — vous entretient souvent de poche. Elle vous a parlé d’une chose poche, de la poche abritant un fou, de l’enveloppe cutanée des testicules. Aujourd’hui, ce sera la petite poche, qui paraît exister en deux variétés.

Dans le domaine du sport, mettre quelqu’un dans sa petite poche désigne le fait de dominer quelqu’un outrageusement. Dans le match des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — du 28 décembre 2021, le défenseur David Savard a habilement déjoué un rival du Lightning de Tampa Bay, Victor Hedman. Il lui a fait prendre une tasse de café. Réaction, sur Twitter, d’un journaliste de la Presse+ :

 

 

Toujours au hockey, les personnes âgées — l’Oreille, par exemple — se souviendront que, en 1981, un gardien de but des Canadiens, Richard Sévigny, avait annoncé, avant une série contre les Oilers d’Edmonton, que son coéquipier Guy Lafleur allait mettre Wayne Gretzky «dans sa petite poche». Mal lui en prit.

Lisant Morel (2021), de Maxime Raymond Bock, l’Oreille découvre que l’expression peut avoir un sens diamétralement opposé et marquer l’affection.

Morel a tenu à apporter un petit coffre à outils pour cette entreprise, sur lequel André est resté assis tout au long du voyage à l’arrière de la Station, c’est un exploit qu’il n’ait pas chialé continuellement, le cul sur la poignée de métal, ce doit être l’influence de sa grand-mère Madeleine, qui, avec ses formules magiques et ses bonbons au beurre, l’a dans sa petite poche de tablier depuis toujours (p. 212-213).

Tant de mystères, si peu d’heures.

P.-S.—Il manque encore au plus fort la poche. Ce sera pour un autre jour.

P.-P.-S.—L’Oreille tendue a présenté Morel le 12 janvier 2022.

 

Référence

Raymond Bock, Maxime, Morel. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2021, 325 p.

Mises à jour du samedi glacial

Mises à jour, Charles Malo Melançon, logo, 2021

De l’article Alzheimer

De l’article Apparence que

De l’article Avoir de l’eau dans la cave

De l’article Bas du corps

De l’article Bazou

De l’article Bécosse

De l’article Bleuet, Casseau et Peanut

De l’article Blocs erratiques

De l’article Ça fera

De l’article Chapelets de sacres

De l’article Chicken (être ~)

De l’article Flaubert

De l’article Masques (au hockey)

De l’article Omicron

De l’article Oui (téléphonique)

De l’article Patiner sur la bottine

De l’article Pogo (dégelé ou pas)

De l’article Puck

De l’article Pure laine

De l’article Retarder le groupe

De l’article Zeugmes d’Hervé Le Tellier

De la dompe

L’espion qui m’a larguée / dompée, affiches, 2018

Dans des aventures antérieures, nous avons vu trois sens du verbe domper. Il est possible, pour une personne qui n’est plus amoureuse, d’en domper une autre (ici, ). Le verbe peut aussi désigner le fait de déposer quelqu’un (de ce côté, de l’autre). Il peut encore renvoyer à une pratique fort déplaisante au hockey; c’est alors de la langue de puck.

Il existe, à côté du verbe, un substantif : la dompe, en français populaire du Québec, c’est la décharge publique, le dépotoir.

«Entre le boisé et le champ, à une minute de marche, il y a la dompe, des tas d’immondices faites de conserves, de raccords de plomberie, de bouteilles brunes, de cendres, de chiens abattus, de pelures, de ciseaux cassés. Une fois par semaine, quelqu’un y met le feu pour l’hygiène» (Dée, p. 12).

«Ici, des rivières de hontes, de peines et de saletés, des rivières de rats, des dompes bourbeuses qui serpentent à travers les vies tranquilles de leurs riverains» (l’Habitude des ruines, p. 186).

Ce n’est généralement pas là qu’on laisse l’être non aimé : amoureusement, il est peu courant de domper à la dompe. De même, on ne voit pas pourquoi quiconque voudrait domper la puck à la dompe. En revanche, on peut plus facilement domper quelqu’un à la dompe.

À votre service.

 

Références

Delisle, Michael, Dée, Montréal, BQ, 2007, 128 p. Édition originale : 2002.

Voyer, Marie-Hélène, l’Habitude des ruines. Le sacre de l’oubli et de la laideur au Québec, Montréal, Lux éditeur, 2021, 211 p. Ill.

Couvrez-les bien

Combines, publicité

Soit la phrase suivante, tirée du roman Morel (2021) de Maxime Raymond Bock :

«Tu te mettras des combines avant de t’asseoir si tu veux pas geler des gosses !» (p. 324)

Combines ? Un sous-vêtement long, porté, au Québec, par grand froid. Existe en deux versions : brève (photo ci-dessus) ou longue («Chaud sous-vêtement d’homme combinant en une seule pièce un gilet de corps à manches longues et un caleçon long, et qui se boutonne sur toute la longueur du devant», Usito). Vient (venait ?) parfois avec une ouverture arrière : des combines avec une porte en arrière.

Gosses ? À ne pas se geler, dans la mesure du possible.

À votre service.

P.-S.—Quand Hervé Bouchard parle de «combines de neige» (Numéro six, p. 9), il semble désigner un habit de neige.

 

Références

Bouchard, Hervé, Numéro six. Passages du numéro six dans le hockey mineur, dans les catégories atome, moustique, pee-wee, bantam et midget; avec aussi quelques petites aventures s’y rattachant, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 80, 2014, 170 p.

Raymond Bock, Maxime, Morel. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2021, 325 p.

De la bouette

Le Bon Parler français, 1937, p. 20, détail

Il nous est arrivé, au cours d’épisodes antérieurs, de croiser la bouette.

Il y a la bouette au sens littéral, la boue.

«Les bras croisés, Dée dit à sa mère qu’elle ne veut pas que Charly salisse son plancher de bois franc avec “ses bottes pleines de bouette”, ce à quoi Sarto, resté au salon, répond à voix haute que ce n’est pas grave» (Dée, p. 75).

«De ces trois maisons, je garde des souvenirs très forts. J’entends les cris de ralliement, les cris de douleur, les cris de joie. Je sens encore l’odeur du gazon mouillé, de la bouette automnale, la belle lumière des dimanches d’octobre» (l’Allume-cigarette de la Chrysler noire, p. 61).

Il y a la bouette politique.

Par extension, le mot peut désigner toute situation désagréable : «Il résidait exactement là, le défi du Bye bye : rire de la bouette de 2021 sans nous déprimer ou nous assommer. Mission accomplie» (la Presse+, 2 janvier 2022).

 

[Complément du jour]

Dans la Presse+ d’aujourd’hui :

Quand vient le moment de la seconde saison, la pression redouble parce que l’on a attendu les résultats en ondes de la première avant de mettre les ressources pour le développement d’une suite, poursuit Guillaume Vigneault, qui souhaiterait qu’on investisse plutôt en amont. «Et là, tout le monde est dans la bouette, dit-il. Il n’y a pas juste les scénaristes qui pédalent trop fort. La recherche, le casting, tout le monde. On taxe beaucoup de monde pour des économies momentanées.»

 

Illustration : le Bon Parler français, La Mennais (Laprairie), Procure des Frères de l’Instruction chrétienne, 1937, 24 p., p. 20.

 

Références

Bouchard, Serge, l’Allume-cigarette de la Chrysler noire, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2019, 240 p.

Delisle, Michael, Dée, Montréal, BQ, 2007, 128 p. Édition originale : 2002.