Suggestion de lecture linguistique du jour

Je me souviens, j’imagine. Essais historiques et littéraires sur la culture québécoise, 2021, couverture

On doit à Chantal Bouchard des livres essentiels pour comprendre l’évolution sociolinguistique du français au Québec.

En 2021, elle faisait paraître un court texte synthétisant ses recherches, «Entre parler (le bon) français et parler joual», disponible gratuitement ici.

Citations choisies :

«la question fondamentale qui taraude la conscience collective depuis au moins deux siècles : parlons-nous français, le français, la langue française ?» (p. 359);

«la dévalorisation de leur langue causera un tort considérable à de nombreuses générations de Canadiens français» (p. 362);

la «conception», chez les Québécois, «d’une langue-monument fait la preuve par l’absurde de leur indéniable appartenance à la culture française» (p. 363);

«Parlons-nous français, un français, le français ou encore une variété de français ? Je crois qu’à tout le moins, le substantif nous appartient» (p. 369).

À lire au complet.

P.-S.—Oui, l’Oreille tendue a publié un texte dans le même ouvrage collectif que Chantal Bouchard.

 

Références

Bouchard, Chantal, la Langue et le nombril. Une histoire sociolinguistique du Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Nouvelles études québécoises», 2020, 296 p. Nouvelle édition mise à jour. Édition originale : 1998.

Bouchard, Chantal, Méchante langue. La légitimité linguistique du français parlé au Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Nouvelles études québécoises», 2012, 171 p.

Bouchard, Chantal, «Entre parler (le bon) français et parler joual», dans Anne Caumartin, Julien Goyette, Karine Hébert et Martine-Emmanuelle Lapointe (édit.), Je me souviens, j’imagine. Essais historiques et littéraires sur la culture québécoise, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Champ libre», 2021, p. 359-369. https://www.pum.umontreal.ca/catalogue/je_me_souviens_jimagine/fichiers/589d8ced-9ec1-450b-958b-03b7cbd42cb6/9782760644328.pdf

Le zeugme du dimanche matin et de Marco Micone

«Mon enfance échoua sur une de ces collines dénudées du Mezzogiorno, enclavé entre le dénuement et le mépris, où, régulièrement, les hommes étaient recrutés pour les guerres et pour l’émigration.»

Marco Micone, «Écrire contre», Lettres québécoises, 183, hiver 2021, p. 11.

P.-S.—L’Oreille tendue a rendu compte du plus récent livre de Marco Micone le 29 juin 2021.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

De la dompe

L’espion qui m’a larguée / dompée, affiches, 2018

Dans des aventures antérieures, nous avons vu trois sens du verbe domper. Il est possible, pour une personne qui n’est plus amoureuse, d’en domper une autre (ici, ). Le verbe peut aussi désigner le fait de déposer quelqu’un (de ce côté, de l’autre). Il peut encore renvoyer à une pratique fort déplaisante au hockey; c’est alors de la langue de puck.

Il existe, à côté du verbe, un substantif : la dompe, en français populaire du Québec, c’est la décharge publique, le dépotoir.

«Entre le boisé et le champ, à une minute de marche, il y a la dompe, des tas d’immondices faites de conserves, de raccords de plomberie, de bouteilles brunes, de cendres, de chiens abattus, de pelures, de ciseaux cassés. Une fois par semaine, quelqu’un y met le feu pour l’hygiène» (Dée, p. 12).

«Ici, des rivières de hontes, de peines et de saletés, des rivières de rats, des dompes bourbeuses qui serpentent à travers les vies tranquilles de leurs riverains» (l’Habitude des ruines, p. 186).

Ce n’est généralement pas là qu’on laisse l’être non aimé : amoureusement, il est peu courant de domper à la dompe. De même, on ne voit pas pourquoi quiconque voudrait domper la puck à la dompe. En revanche, on peut plus facilement domper quelqu’un à la dompe.

À votre service.

 

Références

Delisle, Michael, Dée, Montréal, BQ, 2007, 128 p. Édition originale : 2002.

Voyer, Marie-Hélène, l’Habitude des ruines. Le sacre de l’oubli et de la laideur au Québec, Montréal, Lux éditeur, 2021, 211 p. Ill.

De la bouette

Le Bon Parler français, 1937, p. 20, détail

Il nous est arrivé, au cours d’épisodes antérieurs, de croiser la bouette.

Il y a la bouette au sens littéral, la boue.

«Les bras croisés, Dée dit à sa mère qu’elle ne veut pas que Charly salisse son plancher de bois franc avec “ses bottes pleines de bouette”, ce à quoi Sarto, resté au salon, répond à voix haute que ce n’est pas grave» (Dée, p. 75).

«De ces trois maisons, je garde des souvenirs très forts. J’entends les cris de ralliement, les cris de douleur, les cris de joie. Je sens encore l’odeur du gazon mouillé, de la bouette automnale, la belle lumière des dimanches d’octobre» (l’Allume-cigarette de la Chrysler noire, p. 61).

Il y a la bouette politique.

Par extension, le mot peut désigner toute situation désagréable : «Il résidait exactement là, le défi du Bye bye : rire de la bouette de 2021 sans nous déprimer ou nous assommer. Mission accomplie» (la Presse+, 2 janvier 2022).

 

[Complément du jour]

Dans la Presse+ d’aujourd’hui :

Quand vient le moment de la seconde saison, la pression redouble parce que l’on a attendu les résultats en ondes de la première avant de mettre les ressources pour le développement d’une suite, poursuit Guillaume Vigneault, qui souhaiterait qu’on investisse plutôt en amont. «Et là, tout le monde est dans la bouette, dit-il. Il n’y a pas juste les scénaristes qui pédalent trop fort. La recherche, le casting, tout le monde. On taxe beaucoup de monde pour des économies momentanées.»

 

Illustration : le Bon Parler français, La Mennais (Laprairie), Procure des Frères de l’Instruction chrétienne, 1937, 24 p., p. 20.

 

Références

Bouchard, Serge, l’Allume-cigarette de la Chrysler noire, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2019, 240 p.

Delisle, Michael, Dée, Montréal, BQ, 2007, 128 p. Édition originale : 2002.

Le zeugme du dimanche matin et de Marie-Hélène Voyer

Marie-Hélène Voyer, l’Habitude des ruines, 2021, couverture

«Ainsi, pour ses 40 ans, mon père a décidé de s’initier, et de nous initier, mon frère et moi, au colletage des lièvres. Cette année-là, dès les premiers jours des vacances de Noël, on partait à l’assaut de la forêt armés d’une bobine de fil de cuivre et d’une motivation plutôt tiède.»

Marie-Hélène Voyer, l’Habitude des ruines. Le sacre de l’oubli et de la laideur au Québec, Montréal, Lux éditeur, 2021, p. 200.

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 6 janvier 2022.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)