Histoire de villes

Guillaume Éthier, la Ville analogique, 2022, couverture

L’Oreille tendue l’a déjà dit : elle lit tous les titres de la collection «Documents» d’Atelier 10, même si elle ne les apprécie pas également. (C’est ici.) La Ville analogique, que publie ces jours-ci Guillaume Éthier, entre dans la catégorie de ceux qu’elle recommande.

Professeur en théories de la ville à l’Université du Québec à Montréal (pas «à l’UQAM»), l’auteur repense la sociabilité urbaine à l’époque de «l’informatique ubiquitaire» (p. 17), de «l’hyperconnectivité» (p. 71), de «la colonisation incessante de notre vie par le numérique» (p. 88). Son hypothèse est claire : «La ville analogique veut doubler la cité numérique. Mais plutôt que de la reproduire fidèlement, elle souhaite en constituer une image inversée où les défauts de l’expérience virtuelle deviendraient les qualités de l’expérience urbaine, et vice-versa» (p. 21). Qu’est-ce à dire ? Il faut penser des villes, «ces milieux de collision humaine par excellence» (p. 50), qui soient, dans l’ordre, lentes, tangibles, intimes et imparfaites. Pareil souci démonstratif est rare; saluons l’effort de l’auteur en ce sens.

D’autres raisons de lire ce court livre ? Le propos est nuancé (p. 19). Il y a des exemples concrets, venus du Québec ou d’ailleurs. Le numérique, cette «formidable machine à produire du lien social» (p. 32), n’est jamais diabolisé. L’auteur est engagé. Des hypothèses sont étonnantes : «si l’espace public a […] largement migré vers la sphère numérique, est-on en train d’assister à une sorte de permutation des espaces public et privé ?» (p. 62) Des formules frappent : nous sommes tous «sous écoute électronique» (p. 67); «l’efficacité n’est pas la seule qualité qui fait l’urbanité» (p. 75); «Une ville, après tout, n’est pas un ordinateur» (p. 79).

Bref, y a de quoi réfléchir.

P.-S.—L’Oreille ne comprend toujours pas pourquoi posture serait plus juste que position ou sociétal plus significatif que social.

P.-P.-S.—Un collègue et néanmoins ami de l’Oreille, Marcello Vitali-Rosati, aurait sûrement à redire sur l’emploi du mot virtuel par Guillaume Éthier. (Vous réglerez ça entre vous, svp.)

 

Référence

Éthier, Guillaume, la Ville analogique. Repenser l’urbanité à l’ère numérique, Montréal, Atelier, coll. «Documents», 21, 2022, 91 p. Ill.

Le niveau baisse ! (2021)

Nicolas Guay, Extension du domaine de tous les possibles, 2021, couverture

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

 

«Et le deuxième jour, Dieu considéra le monde et dit : “C’était bien mieux avant”.»

Source : Nicolas Guay, Extension du domaine de tous les possibles. Aphorismes et autres petites choses, Le machin à écrire, 2021. Édition numérique.

 

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

L’oreille tendue de… Pierre Nepveu

Pierre Nepveu, Géographies du pays proche, 2022, couverture

«Là où la politique n’est plus écoute, là où elle ne tend plus l’oreille aux complaintes humaines, à la douleur des corps et des esprits, aux drames des petites et grandes communautés, là où elle n’est plus que pouvoir et raison majoritaire, elle se condamne moralement elle-même.»

Pierre Nepveu, Géographies du pays proche. Poète et citoyen dans un Québec pluriel, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2022, 249 p., p. 102.

Les zeugmes du dimanche matin et de Nicolas Guay

Nicolas Guay, Extension du domaine de tous les possibles, 2021, couverture

«Je cherche trop souvent mes mots et mes lunettes de lecture : pas de doute, je deviens vieux.»

«J’ai replacé mes lunettes sur mon nez et les choses dans leur contexte. La vie est belle les yeux fermés.»

«C’est dans son habituel accoutrement de nerd fini et l’indifférence générale que Gaston révéla n’avoir aucune orientation sexuelle.»

Nicolas Guay, Extension du domaine de tous les possibles. Aphorismes et autres petites choses, Le machin à écrire, 2021. Édition numérique.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Accouplements 188

Pierre Nepveu, Géographies du pays proche, 2022, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Nepveu, Pierre, Géographies du pays proche. Poète et citoyen dans un Québec pluriel, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2022, 249 p.

«[Victor-Lévy Beaulieu] en visite chez les Allemands suggère plutôt que le vrai déficit, celui qui ne pardonne pas, est celui de la culture, faute de quoi le politique n’est que gestion bureaucratique de procédures et de processus, foisonnement de revendications, quand il ne devient pas un nationalisme identitaire satisfait de ses généralités et de ses stéréotypes, ceux que l’on nourrit sur soi-même (“c’est comme ça qu’on vit au Québec”) étant aussi néfastes que ceux dont on affuble les autres» (p. 150).

Melançon, Benoît, «Dossier dix ans. Portraits», Nouveau projet, 21, printemps-été 2022, p. 75.

«Ce que je nous souhaite pour les dix prochaines années : De sortir du provincialisme idéologique qui domine aujourd’hui l’État québécois. Quand j’entends le premier ministre actuel dire “Au Québec, c’est comme ça qu’on vit” ou défendre “nos valeurs”, je me sens exclu de son discours. Reconnaître la vraie diversité de la société québécois, ce serait bien.»