L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de parler apocope lexicale (diff pour difficile, confo pour confortable) et apocope syntaxique (C’est moi, l’équipe-école). Dans un cas comme dans l’autre, c’est simple : on coupe.
La situation inverse existe aussi : on ajoute, inutilement. Cela donne à quelque part et en quelque part, et de d’autres.
Ce n’est pas mieux.
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un des usages qui me surprend le plus (et plus à Qc qu’à MTRL ?) c’est le redoublement du « tu » : « tes-tu venu ? » (alors que le « à quelque part » ou « en quelque part » bien enraciné en Poitou et Normandie, parallèle résistant qui souvent m’enchante…
La répétition du tu au Québec ? Bien vu. Un exemple musical bien connu : «Tu m’aimes-tu», chanson et album de Richard Desjardins (1990).
Vous avez-tu dit «redoublement du tu» ?
À mon avis, ce «tu» n’a rien à voir avec le pronom tu. Démonstration :
«Voilà-t-il pas que…» devient
«V’là-ti pas que…», qui devient
«V’là-tu pas que…», par mimétisme entre le «tu» et le «ti».
Autre exemple : «Est-il venu ?» devient «Y est-tu venu ?», autrement dit, «Il est-il venu ?».
On sait d’ailleurs que ce «tu», presque toujours interrogatif, est effectivement employé au Québec à toutes les personnes du singulier et du pluriel. Exemples :
1re pers. du singulier : J’peux-tu y aller ?
2e pers. du singulier : le fameux Tu m’aimes-tu ? de Desjardins
3e pers. du singulier : Y voit-tu clair ?
1re pers. du pluriel : Nous allons-tu y arriver ? (ou plus rarement Allons-nous-tu…)
2e pers. du pluriel : Vous pouvez-tu m’aider ? (ou plus rarement Pouvez-vous-tu…)
3e pers. du pluriel : Y sont-tu fins !
Il y a longtemps, Yvon Deschamps, dans un de ses monologues où il était question de la difficulté de choisir entre le tutoiement et le vouvoiement, avait utilisé ce «tu» interrogatif pour permettre à son personnage de se tirer d’affaire avec une drôle de phrase du genre «Avez-vous-tu…».
P.S. : le mot «redoublement» utilisé plus haut est lui-même curieux : un doublement implique l’existence d’une paire, et donc le redoublement devrait, en toute logique, décrire 2 paires, soit 4 entités, ce qui n’est pas le cas dans son sens usuel. Serait-ce une répétition, disons, pléonastique (ou un pléonasme répétitif, qui sait ?) qui refuse de s’avouer telle ?
Michel Renaud
Québec
Vous avez raison : ce «tu» n’est pas un «tu». Mais un «tu» est bel et bien répété.
Sans parler (mais j’en parle quand même, prétérition oblige) en France, d' »au jour d’aujourd’hui » et la préposition « de » qu’on ajoute en Provence à des verbes transitifs directs, mais là il ne me vient pas d’exemple… En revanche, j’aime bien l’expression « de longue », mais c’est un autre sujet…