Les zeugmes du dimanche matin et d’Alexandra Tremblay

Alexandra Tremblay, l’Épidémie de VHS, 2020, couverture

«Je composais dans mon agenda, noirci au Sharpie, des poèmes baroques mettant en vedette des chats et beaucoup de déchéance» (p. 8).

«Il s’est éloigné vers la cuisine alors que je m’enfonçais de plus en plus en moi et dans le tapis» (p. 77-78).

«J’avais des colocataires anglophones unilingues, du lait d’amande vieillissant dans mon frigo, des fourmis sur le plancher et une dépression qui ne m’empêchait pas d’être fonctionnelle dans ma vie de tous les jours. J’étais seule à Montréal» (p. 99).

Alexandra Tremblay, l’Épidémie de VHS. Roman, Montréal, Del Busso éditeur, 2020, 104 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Découvertes de la semaine

Deux fourchettes à fondue

On a beau avoir l’oreille tendue, voire être l’Oreille tendue, des choses, inévitablement, nous échappent.

Ainsi, avant un tweet de Maël Rannou, l’Oreille n’avait jamais pris conscience que l’expression «en lion» était propre au Québec. Le dictionnaire numérique Usito confirme la chose : «[Particularisme de l’usage québécois et canadien] Débuter, démarrer, commencer, partir en lion, d’une manière énergique, extraordinaire, fulgurante.»

De même, l’Oreille ignorait que «fourchette à fondue» pouvait être une insulte. Sur Facebook, quelqu’un a utilisé l’expression pour s’en prendre au maire de Québec, Bruno Marchand, qui n’a pas particulièrement apprécié. Pourquoi «fourchette à fondue» ? Réponse d’une auditrice de la radio de Radio-Canada : «Une fourchette à fondue au Saguenay est utilisé pour traiter quelqu’un de snobinard, de frais, de parvenu.» Dont acte.

L’Oreille se couchera moins niaiseuse.

P.-S.—En effet, ce n’est pas le premier saguenayisme que nous croisons.

La clinique des phrases (mmmm)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

«Pour satisfaire le goût populaire tout en essayant de sauver l’enseignement de la littérature du désastre qu’elle allait connaître […].»

«Elle» ? N’est-ce pas «l’enseignement» qui est menacé de «désastre» plutôt que «la littérature» ?

Clarifions :

«Pour satisfaire le goût populaire tout en essayant de sauver l’enseignement de la littérature du désastre qu’il allait connaître […].»

À votre service.

Les yeux de Martin Saint-Louis

Photographie de Maurice Richard par David Bier, The Gazette, Montréal, années 1950, détail

Les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — ont un nouvel entraîneur, l’ex-joueur Martin Saint-Louis.

Dans le Journal de Montréal du jour, le journaliste Réjean Tremblay dénonce l’incurie de l’équipe, mais vante les qualités de Saint-Louis, en plus de le comparer à une des figures sportives les plus glorieuses du Québec : «Des yeux de Maurice Richard.»

Il n’est pas le premier à réunir les deux joueurs. Le 25 mai 2014, Marc Antoine Godin publiait dans la Presse un texte intitulé «Les yeux de Martin Saint-Louis» (sans gêne, l’Oreille tendue lui pique aujourd’hui son titre) : «Si un joueur de hockey a déjà eu les yeux de Maurice Richard, c’est Martin St-Louis.»

Les performances des Canadiens étant ce qu’elles sont ces jours-ci, il est normal que l’on se tourne vers les fantômes du passé pour essayer de trouver un peu d’espoir.

 

Illustration : photographie de Maurice Richard par David Bier, The Gazette, Montréal, années 1950, détail

 

Référence

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Benoît Melançon, les Yeux de Maurice Richard, éd. de 2012, couverture