(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)
Melançon, Benoît, «Journal d’un (modeste) Wikipédien», dans Rainier Grutman et Christian Milat (édit.), Lecture, rêve, hypertexte. Liber amicorum Christian Vandendorpe, Ottawa, Éditions David, coll. «Voix savantes», 32, 2009, p. 225-239. https://doi.org/1866/11380
7 avril 2008. Mario Roy est éditorialiste au quotidien La Presse, où il ne manque jamais une occasion de fustiger les vilains intellectuels. Dans l’édition du 31 mars, il reprend la même lamentation, s’agissant cette fois de Wikipédia. S’il fallait l’en croire, Wikipédia serait l’objet de critiques non fondées de la part des intellectuels : «les classes intellectuelles et culturelles dominantes n’ont jamais été très à l’aise avec la dissémination prolétaire, anarchique, incontrôlée, du savoir et de la culture». Quelques lignes plus haut, on pouvait lire que l’encyclopédie numérique était «la seule incarnation réelle de l’idéal communiste». Communisme, prolétariat, classes : voilà convoqué le vocabulaire marxiste pour parler de la plus états-unienne des entreprises, du moins en son principe. Pour proposer une lecture politique de Wikipédia, le libéralisme serait une bien meilleure catégorie que le communisme : ce qui unit les Wikipédiens n’est pas le rejet du capitalisme, mais plutôt un supposé égalitarisme social et intellectuel, selon lequel un amateur peut discuter (presque) d’égal à égal avec un Prix Nobel, ainsi qu’une conception un peu simpliste de la démocratie, conçue comme discussion sans médiation. Se greffe encore à cela le pragmatisme réputé des États-Uniens (p. 230).
Menand, Louis, «Wikipedia, “Jeopardy!,” and the Fate of the Fact», The New Yorker, 23 novembre 2020. https://www.newyorker.com/magazine/2020/11/23/wikipedia-jeopardy-and-the-fate-of-the-fact
Wikipedia is neoliberalism applied to knowledge.
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