N’oublions pas Louis Sébastien Mercier

Carte du monde, années 1780, exposition Ô merde !, Québec, 19 février 2023

L’Oreille tendue le racontait hier : elle revient de voir trois expositions au Musée de la civilisation, dont Ô merde !

Pourquoi cette exposition ? Parce que le caca est un excellent révélateur «pour en apprendre sur la culture, le rapport aux autres et l’environnement».

La variété des formes de l’excrétion est à l’honneur à Québec : à l’intérieur comme à l’extérieur, sur terre et dans l’espace; textures, couleurs, odeurs; cachée ou publique; discours religieux, scientifiques et médicaux qui l’encadrent; rythme et composition chimique du pet. Autrement dit, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’étron sans jamais oser le demander.

Dix-huitiémiste de son état, l’Oreille a traqué les manifestations du siècle des Lumières dans l’exposition. Deux livres de l’époque sont présentés : De la digestion, et des maladies de l’estomac (1730, édition revue et augmentée), de Philippe Hecquet; Traité de la dyssenterie (1712), d’Antoine Maubec. Sont aussi évoqués deux innovateurs britanniques en matière de chasse d’eau : Alexander Cumings et Joseph Bramah.

L’Oreille a fort apprécié Ô merde!, mais elle y déplore une absence : celle du Tableau de Paris (1781-1788) de Louis Sébastien Mercier, dans lequel plusieurs textes sont consacrés à la gestion des matières résiduelles.

Extrait du chapitre DCCCLXIV, «Latrines», tome onzième, 1788 :

Que ceux qui ont soin de leur santé, ne jettent jamais leurs excréments chauds dans ces trous qu’on appelle latrines, et qu’ils n’aillent point offrir leur anus entrouvert à ces courants d’air pestilentiels; mieux vaudrait y mettre la bouche, car l’acide de l’estomac les corrigerait. Plusieurs maladies prennent leur origine sur ces sièges dangereux, d’où s’exhalent des miasmes putrides qu’on fait entrer dans son corps. Les enfants ont horreur de ces trous infectés; ils croient que c’est là la route de l’enfer : telle était mon opinion dans mon enfance. Heureux les paysans ! ils ne se vident qu’au soleil; ils sont frais et gaillards (éd. de 1994, tome 2, p. 1071-1072).

Méditons ces sages paroles.

 

Référence

Mercier, Louis Sébastien, Tableau de Paris, Paris, Mercure de France, coll. «Librairie du Bicentenaire de la Révolution française», 1994, 2 vol. : 8/ccii/1908 et 2063 p. Édition établie sous la direction de Jean-Claude Bonnet. Édition originale : 1781-1788.

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