La clinique des phrases (oooo)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

Mais si le nouveau DG du Canadien [c’est du hockey] ne reçoit pas l’offre espérée, Petry ne devient plus non plus le boulet qu’il était.

Laissons de côté la chronologie biscornue — comment «devenir» ce que l’on «était» ? — pour nous attacher au choix de ce verbe. N’y a-t-il pas là un de ces cas bien trop fréquents, du moins au Québec, où l’on se méfie sans raison du verbe être ?

Voyons voir :

Mais si le nouveau DG du Canadien ne reçoit pas l’offre espérée, Petry n’est plus non plus le boulet qu’il était.

À votre service.

Effet Derome inattendu

Siam, caniche royal, 2017

Les lecteurs de l’Oreille tendue savent que son oreille se tend volontiers devant les manifestations de l’«effet Derome», démonté par André Belleau en 1980.

Qu’est-ce que cet «effet Derome» ? Le point de départ de Belleau était une question : pourquoi Bernard Derome, le présentateur vedette de la télévision de Radio-Canada, prononçait-il tous les mots étrangers comme s’il s’agissait de mots anglais ? Par sa façon, entre autres exemples, de dire I.R.A. («Aille-âre-ré», éd. de 1986, p. 109), Camp David («Kèmm’p Dééveude», p. 110) ou Robert Mugabe («Rââbeurte», p. 111), Derome parlait anglais «à travers le français» (p. 110).

Les manifestations de l’«effet Derome» ne manquent pas, dans le domaine sportif comme dans le domaine culturel.

Voilà que la voiture de l’Oreille s’en mêle. Comment la voix de synthèse qui y lit les textos désigne-t-elle l’animal de compagnie de la famille Tendue ? Siam, en hommage à la Thaïlande, devient Cy (comme dans Cy Young) Am (comme dans I am). Un zootoponyme français devient un zootoponyme anglais.

Disons les choses comme elles sont : c’est un complot

 

Référence

Belleau, André, «L’effet Derome ou Comment Radio-Canada colonise et aliène son public», Liberté, 129 (22, 3), mai-juin 1980, p. 3-8; repris, sous le titre «L’effet Derome», dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 82-85; repris, sous le titre «L’effet Derome», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 107-114; repris dans Laurent Mailhot (édit.), l’Essai québécois depuis 1845. Étude et anthologie, Montréal, Hurtubise HMH, coll. «Cahiers du Québec. Littérature», 2005, p. 187-193; repris, sous le titre «L’effet Derome», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 105-112. https://id.erudit.org/iderudit/29869ac

Les yeux de Martin Saint-Louis

Photographie de Maurice Richard par David Bier, The Gazette, Montréal, années 1950, détail

Les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — ont un nouvel entraîneur, l’ex-joueur Martin Saint-Louis.

Dans le Journal de Montréal du jour, le journaliste Réjean Tremblay dénonce l’incurie de l’équipe, mais vante les qualités de Saint-Louis, en plus de le comparer à une des figures sportives les plus glorieuses du Québec : «Des yeux de Maurice Richard.»

Il n’est pas le premier à réunir les deux joueurs. Le 25 mai 2014, Marc Antoine Godin publiait dans la Presse un texte intitulé «Les yeux de Martin Saint-Louis» (sans gêne, l’Oreille tendue lui pique aujourd’hui son titre) : «Si un joueur de hockey a déjà eu les yeux de Maurice Richard, c’est Martin St-Louis.»

Les performances des Canadiens étant ce qu’elles sont ces jours-ci, il est normal que l’on se tourne vers les fantômes du passé pour essayer de trouver un peu d’espoir.

 

Illustration : photographie de Maurice Richard par David Bier, The Gazette, Montréal, années 1950, détail

 

Référence

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Benoît Melançon, les Yeux de Maurice Richard, éd. de 2012, couverture

Ne plus travailler au Centre Bell

Compte Twitter Nos mains meurtries, logo

Les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — ont changé d’entraîneur hier. Dominique Ducharme a été forcé, bien malgré lui, de passer le flambeau.

Pour quels motifs l’a-t-on congédié ? En langue de puck, les possibilités ne manquent pas.

Peut-être avait-il perdu sa chambre / son vestiaire ?

Peut-être que son message ne passait plus ?

Peut-être a-t-il été viré «en raison de divergences philosophiques» ?

Peut-être n’était-il pas, tout simplement, dans la bonne chaise ?

Tant de questions, si peu d’heures.

P.-S.—On le sait : les congédiements, au Centre Bell, ce n’est jamais simple.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 125 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Benoît Melançon, Langue de puck. Abécédaire du hockey, 2014, couverture