Le niveau baisse ! (2004)

«Hélas, hélas, trois fois hélas, nous n’avons pas seulement perdu notre imperium linguistique sur la diplomatie, les sciences, les techniques, l’économie mais, parallèlement ou consécutivement, nous sommes descendus, dans l’oral comme dans l’écrit, de plusieurs niveaux de langage. Vocabulaire et syntaxe se sont dégradés, désastreusement, ignoblement. Tout s’aveulit. De même qu’après l’effondrement de l’Empire romain s’installa un bas-latin, de même, on dirait que la disparition de notre empire colonial a favorisé l’apparition d’un bas-français.

La cause en est profonde; elle siège dans l’âme collective. Le langage est le meilleur, le plus immédiat révélateur du caractère des individus. C’est à son parler que l’on reconnaît, tout de suite, le timide, l’autoritaire, le vantard, le généreux, l’égoïste. Mais le langage est tout aussi révélateur de la mentalité générale d’un peuple. Les Français ne respectent plus leur langue parce qu’ils ne sont plus fiers d’eux-mêmes ni de leur pays. Ils ne s’aiment plus, et ne s’aimant plus, ils n’aiment plus ce qui était l’outil de leur gloire.»

Source : Maurice Druon, «Le franc-parler. Non-assistance à langue en danger», Défense de la langue française, 2004.

Ce passage est commenté dans Anne-Marie Beaudoin-Bégin, la Langue racontée. S’approprier l’histoire du français, préface de Laurent Turcot, postface de Valérie Lessard, Montréal, Somme toute, coll. «Identité», 2019, 150 p., p. 139-142.

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

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