Pas plus tard que l’autre jour, l’Oreille tendue disait tout le bien qu’elle pense des dix-huit courtes capsules humoristicolinguistiques intitulées Tu parles ! du duo Arnaud Hoedt et Jérôme Piron.
Avant ces capsules, le duo avait publié en 2017 un ouvrage adapté de son spectacle théâtral, la Convivialité. La faute de l’orthographe.
Le livre est beau : couverture rigide, soin apporté à la typographie, illustrations bienvenues et parfaitement intégrées au propos. Admirons : une note de bas de page est constituée uniquement d’images (p. 106).
Le constat de départ est fermement posé : «On juge souvent votre orthographe. / On ne juge jamais l’orthographe» (p. 17); «Pourquoi l’esprit critique s’arrête-t-il au seuil de l’orthographe ?» (p. 57) Hoedt et Piron mettent leur esprit critique à juger la question de l’orthographe.
Le propos est clair. La langue, c’est d’abord l’oral (p. 5, p. 11, p. 105, p. 117, p. 141). L’orthographe française n’est pas rationnelle. Elle a une dimension sacrée : «La langue française est […] devenue un totem que l’on révère religieusement et son orthographe en est le cœur sacré» (Philippe Blanchet, «Préface», p. 6). On devrait revoir en profondeur l’orthographe et son enseignement et, contrairement à ce que l’on entend fréquemment, «La simplification de l’orthographe constitue un nivèlement par le haut» (p. 106).
Les exemples sont excellents. Les auteurs inventent un mot, /krèfission/, et se demandent combien d’orthographes il pourrait avoir. Réponse, algorithme à l’appui : 240 (p. 25-27). Quelle est l’importance du contexte pour éviter les confusions en français ? «Si j’écris J’ai loué le Seigneur, personne ne s’interrogera sur le prix du loyer» (p. 96).
Un esprit tatillon pourrait reprocher de minuscules choses aux auteurs. Ils aiment «du coup», cette plaie (p. 9, p. 35, p. 125). Dater le Dictionnaire des idées reçues de Flaubert de 1913 étonne (p. 67).
Ne boudons pas notre plaisir pour autant. La Convivialité se lit très rapidement et on y apprend beaucoup de choses, toutes présentées avec esprit.
[Complément du 6 février 2022]
Pour le Centre collégial de développement de matériel didactique, l’Oreille tendue a rendu compte de leur plus récent ouvrage, Le français n’existe pas (2020). C’est ici.
Références
Hoedt, Arnaud et Jérôme Piron, la Convivialité. La faute de l’orthographe, Paris, Éditions Textuel, 2017, 143 p. Préface de Philippe Blanchet. Illustrations de Kevin Matagne.
Hoedt, Arnaud et Jérôme Piron, Le français n’existe pas, Paris, Le Robert, 2020, 158 p. Préface d’Alex Vizorek. Illustrations de Xavier Gorce.
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Merci pour ce compte rendu ! On est très honorés.
Juste pour info : le « Dictionnaire des idées reçues de Flaubert » est publié de manière posthume par Louis Conard en 1913 après le travail d’édition scientifique réalisée par Étienne-Louis Ferrère.
Du coup, on a choisi cette date pour le citer 😉
A très bientôt j’espère.
Nous pourrions nous réconcilier, j’imagine, autour de «1913 (posth.)» ?
Mais qui parle de dispute ? So 1913 (post) it is.
Bien à vous.