«Et si quelqu’un autour d’eux avait suivi leur conversation, à partir de là il l’aurait trouvée bien opaque, incapable de saisir ce qui se disait vraiment sous des mots aussi abstraits que “on” ou “quelque chose”, rompus qu’ils semblaient être, les deux hommes, à cette grammaire des pronoms et des points de suspension, comme deux mafieux qui auraient pour code d’honneur de ne jamais désigner les choses par leur nom. Ce qu’on pouvait comprendre en revanche, c’est qu’ils avaient déjà eu ce genre de conversation, pour ne pas dire la même, sinon comment se seraient-ils compris dans l’usage d’un lexique si réduit, dont les données concrètes semblaient cachées dans les recoins d’une langue qui déployait sous elle l’évidence d’une réalité partagée ?» (p. 47-48)
Tanguy Viel, La fille qu’on appelle. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2021, 173 p.
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