«Mardi matin, Ferrer avait rendez-vous à la galerie avec l’expert qui se présenta flanqué d’un homme et d’une femme : ses assistants. L’expert s’appelait Jean-Philippe Raymond, petite cinquantaine d’années, noiraude silhouette aiguë de couteau de chasse drapée dans des vêtements trop grands, élocution confuse, moue dubitative et regard pointu. Il se déplaçait avec une prudence instable et déséquilibrée, se retenant au dossier des chaises comme à un bastingage par force 9 sur l’échelle de Beaufort. Ayant déjà eu recours deux ou trois fois à ses services, Ferrer le connaissait un peu, cet expert. Son assistant marchait avec plus d’assurance, s’aidant en cela par extraction continue d’arachides grillées du fond de sa poche et s’essuyant les doigts toutes les cinq minutes sur un Kleenex translucide. Quant à l’assistante, qui devait aller sur ses trente ans, elle répondait froidement au prénom de Sonia. Blonde aux yeux beiges et beau visage austère dénotant la glace ou la braise, tailleur noir et chemisier crème, ses mains ne cessaient d’être occupées par un paquet de Benson d’un côté, un mobile Ericsson de l’autre.»
Jean Echenoz, Je m’en vais. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1999, 252 p., p. 115-116.
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