«Je suis ravi, cher ami, de vous avoir distrait, si j’y ai réussi, avec ces notes du Temps ! Et si je n’y ai pas joint, depuis trop longtemps à mon gré, des nouvelles manuscrites à votre adresse, c’est que la vie que je mène est fort sotte, d’une part, si de l’autre elle est glorieuse. (Encore est-ce là une façon de parler, et peut-être un préjugé : car la gloire de ramasser du crottin dans des cours de ferme, et faire l’exercice dans un champ, ou se tapir dans des trous de rat, sous la sauvegarde de fils de fer, et d’y recevoir des bouts de ferraille chaude, c’est un sujet discutable, quand depuis six mois on mène ce métier.) Néanmoins, je suis, cher ami, enchanté de l’exercer, et de passer à travers la neige, le froid, la pluie, la boue, les puces, quelquefois les balles, la mauvaise humeur des uns et des autres, en conservant une humeur, pour ma part, charmante, beaucoup d’appétit, et une santé telle que je ne m’en suis jamais connu» (Émile Henriot, lettre du 2 janvier 1916, dans Paul-Jean Toulet, Lettres de P.-J. Toulet et d’Émile Henriot, dans Paul-Jean Toulet, Œuvres complètes, citée dans la livraison du 6 janvier 2019 des Notules dominicales de culture domestique de Philippe Didion).
Illustration : plaque commémorative pour Émile Henriot, dans l’avenue qui porte son nom, Nesles-la-Vallée, photo déposée sur Wikimedia Commons
(Une définition du zeugme ? Par là.)
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