Les zeugmes du dimanche matin et de Giosuè Calaciura

Giosué Calaciura, Borgo Vecchio, 2019, couverture

«Le ventre de Nanà lui aussi faisait un bruit de mer tandis que, chez le boulanger, on ouvrait le four pour sortir la dernière fournée : le parfum du pain se libéra de l’étreinte de la chaleur en se répandant dans l’air pour le purifier de la saleté des soucis, des gaz d’échappement des voitures, de la puanteur du poisson invendu, du poison des remugles d’égout qui remontaient le long des conduits bouchés depuis des siècles en proposant la même odeur de merde qu’à la préhistoire» (p. 46).

«C’était lui le préféré, le complice des débuts dans le métier, lui qui surveillait les halls d’immeuble des premiers guets-apens, lui qui conduisait la moto à l’époque des premiers vols à l’arraché simples et brutaux, quand Totò, à l’arrière, tendait le bras en pleine vitesse pour tirer fort sur le sac, et emporter le monde entier en même temps que la foulure des membres ou la fracture des fémurs de ceux qui résistaient à la première secousse mais cédaient à la seconde sans pouvoir amortir de leurs mains, toujours agrippées à la bandoulière arrachée, la chute sur le sol» (p. 98).

«Carmela le retrouva face à elle, les yeux rougis du manque de sommeil et des tortures du désespoir» (p. 101).

«Il n’y avait ni ordre ni emplacement désigné, les vendeurs exposaient des objets d’usage quotidien que, durant la nuit, à force de crèmes, cirages et huile de coude, ils avaient fait revenir à l’éclat propre aux marchandises du commerce, et il ne leur restait plus de forces pour marchander. Ils laissaient tout un chacun fixer le prix le plus approprié» (p. 106-107).

«Cristofaro était rentré chez lui et avait traversé le couloir avec la prudence et la boule au ventre de toujours» (p. 119).

«Les hommes restaient debout. Ils n’avaient connu Carmela que dans l’extase des volets clos et ils la voyaient très belle, telle qu’ils n’avaient jamais pu la contempler, dans sa simplicité de femme, dans la gêne de son silence, parce qu’ils ne l’avaient jamais regardée dans les yeux, n’avaient jamais vu son profil dans la pleine lumière de l’après-midi. Et cette vision dessinait un sourire sur leurs lèvres car ils se sentaient partie prenante du miracle de la Vierge au Manteau qui s’était faite femme, était descendue de son cadre puis dans la rue en laissant derrière elle son Paradis du premier étage» (p. 119).

Giosuè Calaciura, Borgo Vecchio, Paris, Éditions Noir sur blanc, coll. «Notabilia», 2019, 150 p. Traduction de Lise Chapuis. Édition originale : 2017.

 

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