Les médias — on s’en tiendra à eux aujourd’hui — n’aiment pas appeler la mort par son nom. Ce n’est pas la première fois qu’on le déplore ici.
Exemples nouveaux, tirés de l’actualité d’hier.
Sur le site Web de la Presse : «Claude Léveillée s’éteint.» Sur Twitter : «Décès de Claude Léveillée»; «Mes hommages à Claude Léveillée, décédé»; «Claude Léveillée est parti sur son cheval blanc»; «Claude Léveillée a enfourché son cheval blanc»; «Même si on l’avait vu venir, le départ de Claude Léveillée est triste…»; «Léveillée peut enfin s’endormir (en paix)»; «Le Québec vient de perdre un grand homme»; «Le grand Claude Léveillée nous a quitté» (on appréciera le singulier de quitté).
La situation est plus complexe au Devoir. Son site Web est clair, s’agissant du chanteur : «Claude Léveillée est mort.» (Merci.) Pour un poète et essayiste, dans l’édition papier, c’est beaucoup plus affecté : «Le jardin de l’écriture se referme sur Jean-Pierre Issenhuth» (9 juin 2011, p. B7).
«Le jardin de l’écriture se referme» ? L’Oreille tendue ne connaissait pas cette euphémisation particulièrement lyrique de la mort. Il y a des cas où elle préférerait — presque — décéder.
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L’euphémisme qui ne fonctionne pas:
« Mes yeux scrutèrent le mot « décédée ». Bien plus que le mot « mort » auquel on est tout de même habitué, il me sembla détenir un sens inviolable, impénétrable, de tout temps et à jamais obscur ».
Gabrielle Roy, Ce temps qui m’a manqué, Boréal, 2000, p. 24-25.
C’est que Issenhuth était tout à son jardin. Voir « Les chemins de sable ». (Mais vous le saviez peut-être.)