C’est Figaro qui le dit :
Diable ! C’est une belle langue que l’anglais ! il en faut peu pour aller loin. Avec God-dam, en Angleterre, on ne manque de rien nulle part. — Voulez-vous tâter d’un bon poulet gras ? entrez dans une taverne, et faites seulement ce geste au garçon. (Il tourne la broche.) God-dam ! on vous apporte un pied de bœuf salé, sans pain. C’est admirable ! Aimez-vous à boire un coup d’excellent bourgogne ou de clairet ? rien que celui-ci. (Il débouche une bouteille.) God-dam ! on vous sert un pot de bière, en bel étain, la mousse aux bords. Quelle satisfaction ! Rencontrez-vous une de ces jolies personnes qui vont trottant menu, les yeux baissés, coudes en arrière, et tortillant un peu des hanches ? mettez mignardement tous les doigts unis sur la bouche. Ah ! God-dam ! elle vous sangle un soufflet de crocheteur : preuve qu’elle entend. Les Anglais, à la vérité, ajoutent par-ci, par-là, quelques autres mots en conversant; mais il est bien aisé de voir que God-dam est le fond de la langue; et si Monseigneur n’a pas d’autre motif de me laisser en Espagne…
Beaumarchais, la Folle Journée ou le mariage de Figaro, dans Théâtre, Paris, Garnier, coll. «Classiques Garnier», 1980, xxxi/475 p., p. 249, acte III, sc. V. Texte établi, introduction, chronologie, bibliographie, notices, notes et choix de variantes par Jean-Pierre de Beaumarchais. Édition originale : 1784.
Illustration : le Mariage de Figaro, créée le 27 avril 1784 au Théâtre-Français, mademoiselle Olivier dans le rôle de Chérubin, gravure de Coutellier.
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