L’oreille tendue de… Maxime Du Camp

«Diderot a donné cours à cette erreur, que les aveugles étaient absolument dénués de pudeur [Lettre sur les aveugles, Londres, 1749]. S’il avait pu connaître ceux qui vivent dans l’Institution du boulevard des Invalides, il aurait promptement changé d’opinion. Il est difficile, en effet, d’imaginer une pudibonderie pareille; jamais Diane au bain ne fut plus chaste, plus effarouchée, plus soupçonneuse. Il faut les voir se lever le matin et sortir du lit avec mille précautions précieuses, se cacher au moindre bruit et tendre l’oreille pour n’être jamais pris au dépourvu. C’est là probablement le fruit de l’éducation austère et très-morale qu’ils reçoivent, mais c’est aussi le résultat de cette défiance qui ne les abandonne jamais, même dans les actes les plus simples de la vie et qui semble faire partie de leur nature. Ignorant ce que c’est que la vue, ils lui attribuent une sorte de puissance diabolique; pour eux, c’est un toucher à distance, mais singulièrement pénétrant, rayonnant et perspicace; ils la redoutent et ne savent parfois qu’inventer pour s’y soustraire.»

Maxime Du Camp, Paris. Ses organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde moitié du XIXe siècle, Paris, Librairie Hachette et cie, 1879 (sixième édition), tome cinquième, p. 189.

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