Une nation ou deux ?

Dimanche soir, dans une mosquée de la ville de Québec, six hommes ont été assassinés. Comment les désigner ?

On a parlé de «musulmans». Beaucoup ont préféré dire qu’il s’agissait de «Québécois» ou de «Canadiens». Le premier ministre du Québec, à juste titre, évoque les «Québécois de confession musulmane» (la Presse+, 31 janvier 2017).

L’Agence France-Presse (AFP) utilise, elle, une expression inattendue : «Les six personnes tuées étaient toutes des Canadiens binationaux, a indiqué Mohamed Labidi, vice-président du Centre culturel islamique de Québec.» Sa dépêche a été reprise par plusieurs publications françaises et québécoises.

«Binationaux» ? L’adjectif étonne, vu du Québec : si l’on en croit la banque de données médiatique Eureka.cc, aucun média du Canada français n’a utilisé le mot pour désigner les victimes de l’attentat de Québec (sauf pour reprendre la dépêche de l’AFP).

On peut légitimement s’interroger sur son sens. Azzedine Soufiane vivait au Québec depuis près de trente ans. Khaled Belkacemi a obtenu deux diplômes de l’Université de Sherbrooke, l’un en 1986, l’autre en 1990, et il était professeur à l’Université Laval. Que voudrait dire «binationaux» dans leur cas ?

Voilà un adjectif qui en dit long sur la conception que l’on se fait, d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, de la citoyenneté.

P.-S. — Merci à Clément Laberge et à Mélika Abdelmoumen d’avoir attiré l’attention de l’Oreille tendue là-dessus.

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Une réponse sur “Une nation ou deux ?”

  1. On gagnerait peut-être à se rapporter le plus possible au contexte.
    D’abord, ce sont des ETRES HUMAINS.

    Puis, vu les raisons qui ont amené l’information à notre connaissance, ajouter des références spécifiques.

    Avant de connaitre les détails :
    « Plusieurs personnes ont été assassinées, probablement en raison de leur religion ».

    Lorsque les faits sont assez précisés :
    « Plusieurs personnes ont été assassinées, manifestement en raison de leur religion ».

    Simple, non ? 😉

    Les catégories utilisées en France sont liées à une histoire différente de celle du Québec, en particulier en rapport avec la décolonisation, mais je ne vous apprends certainement rien.

    La question de la citoyenneté est hautement politique, et est exploitée surtout comme un outil de clivage, en France comme au Québec comme partout…

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