L’Oreille tendue aime assez bricoler; elle a écrit un livre sur un mythe sportif québécois : elle ne peut donc qu’être sensible au cliché du mythe à boulons.
«Oubliez les quatre murs du CLSC et le règne du “chacun dans sa cour”, la région de Beauport déboulonne tous les mythes qui collent à notre système de santé» (le Devoir, 4 juin 2001).
«Permettez que l’on déboulonne le mythe des méga et gigahertz en lieu et titre des statues de Lénine» (le Devoir, 4 septembre 2001).
«Vidéo : les mythes alimentaires déboulonnés» (la Presse, 14 mai 2011, cahier Gourmand, p. 4).
Si les mythes sont déboulonnés, c’est nécessairement qu’ils ont été préalablement boulonnés. Question : (dé)boulonneur de mythe, c’est un métier ?
P.-S. — Le mythe peut aussi se dégonfler : «Breton dégonflera le mythe du déficit zéro» (le Devoir, 26-27 avril 2003). (Dé)gonfleur de mythe ? Que de questions sans réponse !
[Complément du 2 décembre 2012]
On pourrait aussi être (dé)gonfleur d’épouvantails : «Le politologue Stéphane Paquin, à son tour, dégonfle certains épouvantails liés à la mondialisation» (le Devoir, 1er-2 décembre 2012, p. F7).
[Complément du 4 septembre 2014]
Le stéréotype, fût-il sexuel, est aussi boulonné : «Élise Gravel déboulonne les stéréotypes sexuels dans son nouveau livre jeunesse» (@LibrairieMonet).
[Complément du 17 décembre 2014]
On peut aussi, semble-t-il, (dé)boulonner des tabous (@eli_B), des idées reçues (la Presse, 23 janvier 2013, cahier Affaires, p. 7), des clichés (@plusonlit) et des perceptions (le Devoir, 10-11 novembre 2012, p. A12).
Tant de boulons, si peu de clés.
[Complément du 16 janvier 2015]
Les mensonges auraient aussi des boulons.
Pour déboulonner ce commode mensonge de l'enfer fiscal québécois — qui justifie le recours au paradis du même nom.http://t.co/4TDaqNbSeZ
— Normand Baillargeon (@nb58) January 15, 2015
[Complément du 4 octobre 2015]
Les règles seraient encore équipées de boulons : «La fameuse règle du 70 % déboulonnée» (la Presse+, 4 octobre 2015).
[Complément du 11 janvier 2016]
On ne se le dit pas assez : le préjugé itou est boulonné.
Avec son «Lac des cygnes» afro-gai, Dada Masilo déboulonne les préjugés #danse https://t.co/qwVkWWxSuN pic.twitter.com/qYEtzaNMEt
— Le Devoir (@LeDevoir) January 10, 2016
[Complément du 28 janvier 2016]
Le mariage aussi aurait des boulons.
Roman. L'Américaine Meg Wolitzer déboulonne avec malice le mariage dans "La Doublure". https://t.co/O1oa7TbdxZ
— Le Monde des livres (@MondedesLivres) January 28, 2016
[Complément du 21 février 2016]
Le cinéaste québécois Claude Jutra, trente ans après sa mort, est accusé de pédophilie. Interrogation dans la Presse+ du 19 février : «Peut-on déboulonner Claude Jutra sans déboulonner tout ce qu’il a touché ?» Il serait donc possible de déboulonner une personne / un personnage historique, voire «tout ce qu’il a touché». Ça commence à faire beaucoup.
[Complément du 3 juillet 2016]
Il y aurait des métaphores gonflées : «Économiste contestataire, Ianik Marcil dégonfle les métaphores trompeuses de ses confrères» (le Devoir, 2-3 juillet 2016, p. E8).
[Complément du 29 juillet 2016]
La légende a-t-elle des boulons ? Oui, selon Ian Manook (les Temps sauvages. Roman, Paris, Albin Michel, coll. «Le livre de poche. Policier», 34208, 2016 [2015], 573 p., p. 71).
[Complément du 3 août 2016]
Une certitude à boulons ? C’est ce que donne à penser le Devoir du jour (p. B6).
[Complément du 16 août 2016]
Vous vous demandiez comment tenaient les à prioris ? Ne cherchez plus.
Article qui déboulonne certains à prioris https://t.co/rQPtptSAIt
— Annie Desrochers (@NieDesrochers) August 16, 2016
[Complément du 29 décembre 2016]
On pourrait encore, semble-t-il, «dégonfler» une «thèse» (le Devoir, 24-25 décembre 2016, p. E8).
[Complément du 16 août 2017]
Les symboles ? Les symboles aussi : «Les symboles sécessionnistes déboulonnés» (la Presse+, 16 août 2017).
[Complément du 26 septembre 2017]
C’est écrit dans le Devoir des 23-24 septembre : «Éléphant, le conte moderne de Martin Suter, déboulonne les transformations génétiques» (p. F5). Elles ont donc des boulons elles aussi ?
Même jour, même journal, p. B1 : «Élections allemandes. L’indéboulonnable Merkel.»
[Complément du 11 octobre 2017]
Une figure à boulon(s) ? «Que garder et que déboulonner dans la figure de Lénine ?» se demande en effet France Culture sur Twitter.
[Complément du 4 mars 2018]
C’est écrit dans le Devoir de la fin de semaine : «elle déboulonnait les codes» (Magazine D, p. 3). C’est nouveau, ça.
[Complément du 3 mai 2018]
Les allégations aussi en auraient : «Des allégations déboulonnées une à une par le juge» (la Presse+, 3 mai 2018).
[Complément du 2 juillet 2018]
Les athlètes itou. Que dire d’un sportif dont la place dans son équipe est assurée ? Il est «indéboulonnable». C’est du moins ce qu’a déclaré Rémi Garde, l’entraîneur de l’Impact de Montréal — c’est du soccer et donc du football, et vice versa —, après le match de samedi dernier, au sujet d’un de ses milieux de terrain, Samuel Piette.
[Complément du 6 août 2018]
Il y a plus radical : «Dix mythes à abattre au pas de course» (la Presse+, 1er août 2018).
[Complément du 28 septembre 2018]
Les préoccupations aussi, dit-on : «Bref, c’est fascinant de voir, au fil des cinq matchs préparatoires qu’il a disputés, combien il a déboulonné une à une les préoccupations qu’il pouvait susciter» (Athlétique, 27 septembre 2018).
[Complément du 6 septembre 2020]
Dans l’actualité récente, il a beaucoup été question de la statue du premier premier ministre du Canada, John A. MacDonald, déboulonnée à Montréal le 29 août par des manifestants.
Signalons deux usages lexicaux qui paraissent nouveaux en contexte statuaire québécois.
Boulonnage : «Sculpteur recherché en vue du “boulonnage” d’un bronze de Jacques Parizeau» (le Devoir, 1er septembre 2020, p. A3).
Autodéboulonner : «Allez ! C’est le temps de vous autodéboulonner…» (caricature de Pascal, le Devoir, 2 septembre 2020, p. A6)
Continuons à tendre l’oreille.
[Complément du 29 septembre 2020]
Les rumeurs aussi auraient des boulons ? C’est le Journal de Montréal qui le dit : «Le DG déboulonne les rumeurs.»
[Complément du 26 octobre 2021]
Découverte ornithologique du jour : les noms d’oiseaux auraient des boulons. Il faudrait, semble-t-il, les leur enlever. C’est Radio-Canada qui le dit.
[Complément du 11 novembre 2021]
Peut-être ne le saviez-vous pas, mais les rois auraient aussi des boulons : «Un déboulonnage en règle du roi au panache et au cheval blancs» (Twitter).
[Complément du 25 janvier 2023]
Autre occurrence du tabou à boulons, dans la Presse+ du jour : «Déboulonner les tabous de la maladie mentale.»
D’autres exemples ? Par là.
[Complément du 26 février 2023]
Un «succès médiatique» à «déboulonner» (Kevin Lambert, Que notre joie demeure, Montréal, Héliotrope, 2022, 381 p., p. 126) ? Pourquoi pas.
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D’après le Petit Robert 2016, on peut certainement déboulonner Claude Jutra, ou qui que ce soit d’autre. À preuve, cette acception (au figuré et familière): « Déposséder [qqn] de sa place, de son poste; détruire le prestige de [qqn], comme si on déboulonnait sa statue. »
D’après cette définition, déboulonner le prestige de quelqu’un (ou, quasi synonyme, son mythe) serait donc un barbarisme…