Le solitaire

Il y a les jurons qui donnent des verbes : tabarnak enfante tabarnaker. Il y a ceux à qui nous devons des adverbes : de crisse naît crissement. Il y a encore ceux qui se démultiplient : décâlisser donne de l’expansion à câlisse.

Et il y a le pauvre sacrament. Ce sacrement acclimaté est une interjection (Sacrament !), il indique le courroux (Mon sacrament ! ou Être en sacrament), il a besoin de de (Un sacrament de niochon) ou de que (Sacrament que t’es moron). Ni verbe, ni adverbe, ni préfixe pour lui.

Il a pourtant ses lettres de noblesse. Qu’on pense seulement au légendaire «Sacrament, Ginette» du joueur de hockey Pierre Lambert dans la première des innombrables incarnations de la série télévisée Lance et compte de Réjean Tremblay. Ici même, on a donné des exemples de son utilisation chez William S. Messier et chez François Blais. Robert Charlebois le chante dans «Engagement» (1968). Il se trouve évidemment dans la bouche des personnages de Sauce brune (2010) de Simon Boudreault.

Cela ne suffit pas à rompre la solitude morphologique de sacrament. Sur ce plan, il est aussi mal loti que calvaire.

P.-S. — Ephrem Desjardins (p. 128) le note : le mot existe en version euphémisée (sacramouille) et en version combinée (saint-sacrament).

 

[Complément du 29 novembre 2011]

Un lecteur du Devoir en a ce matin contre la Société des alcools du Québec (SAQ). Son juron ? «SAQrament !» (p. A6).

 

Référence

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

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