Samedi dernier, les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — ont congédié leur entraîneur-chef, Jacques Martin, et l’ont remplacé — ô sacrilège ! — par un unilingue anglophone, Randy Cunneyworth. Depuis, psychanalyse nationale.
Même les ministres du gouvernement du Québec s’en mêlent et s’en prennent à celui qui a pris cette décision, Pierre Gauthier, le directeur général du club. La ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine Saint-Pierre, qui est également responsable de l’application de la Charte de la langue française, a déclaré que c’était inacceptable, puisque «Le Canadien est dans nos gènes». Sa collègue du sport, Line Beauchamp, va dans le même sens : «le Canadien est une institution, ça fait partie de notre patrimoine, on a ça dans notre ADN, cela commande des impératifs». Deux ministres généticiennes : on n’en espérait pas tant.
Les journalistes, qui sèment à tout vent, ont leur propre registre métaphorique.
Lyrique comme lui seul sait l’être, Jean Dion, dans le Devoir, fait dans l’aquatique :
À Montréal, le navire ne coule jamais, mais il ne fend jamais l’écume non plus. Il se laisse bercer par les flots, et cela donne des changements de cap qui mènent à laisser partir Saku Koivu, Alexei Kovalev et Michael Ryder pour les remplacer par Michael Cammalleri, Brian Gionta et Scott Gomez. Pas loin du sur-place (19 décembre 2011, p. A1-A8).
À la Presse, François Gagnon saute sur le pont avec lui :
Quand le bateau affronte une tempête, une grosse, une vraie, c’est près du timonier qui s’éreinte à maintenir le cap que le capitaine doit se tenir et non dans les chics salons pour partager champagne et amuse-gueules avec les riches passagers pour les rassurer et prétendre que tout va bien (20 décembre 2011, cahier Sports, p. 3).
C’était prévisible. Dès 2007, Alain-François le chantait dans «C’est pour quand la coupe Stanley ?» :
On part en lion on finit en poisson
I a un problème dans’cage ou de repêchage
C’t’un gros bateau qui prend l’eau
Depuis qu’on a perdu Casseau
Le maître nageur — le sauveur — est tout trouvé : ce sera Patrick Roy («Casseau», pour les intimes). N’a-t-il pas les Canadiens dans son ADN ?
Cette œuvre est sous Licence Creative Commons Internationale Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale 4.0.
L’oreille du présent lecteur de l’Oreille tendue est parvenue à trouver une source d’espoir dans ce scandaleux scandale… une possible bonne nouvelle pour la qualité de la langue écrite dans la presse sportive.
Ne disposant plus de citations en français de la part de l’entraîneur-chef des Canadiens pour produire leurs textes, les membres de la presse écrite/électronique sportive devront peut-être maintenant se résoudre à traduire les déclarations de ce dernier.
Peut-être serons-nous bientôt en droit d’exiger un peu moins de citations agrammaticales et de déclarations en français médiocre dans les articles concernant les Canadiens? Vous savez… celles systématiquement placées entre des chevrons de type sans-espaces-aucunes-et-synonymes-d’immunité-quant-au-mauvais-français-de-la-personne-citée.