L’Oreille tendue, pandémie oblige, enseigne actuellement à distance (PDF) et cela ne l’enchante pas, pour toutes sortes de raisons. Parmi ces raisons, il y a le fait que l’Oreille, en classe, multiplie les lapsus. Or, à distance, il lui est impossible de corriger ses lapsus aussi rapidement qu’«en présentiel» (pour le dire en français didactique). C’est un vrai problème : elle confond allègrement la gauche et la droite, Sade et Sartre, la gaine et la graine, etc.
Pourquoi confondrait-elle la gaine et la graine ? Relisons Jacques le fataliste :
C’est la fable de la Gaine et du Coutelet. Un jour la Gaine et le Coutelet se prirent de querelle; le Coutelet dit à la Gaine : «Gaine, ma mie, vous êtes une friponne, car tous les jours, vous recevez de nouveaux coutelets… La Gaine répondit au Coutelet : Mon ami Coutelet, vous êtes un fripon, car tous les jours vous changez de gaine. — Gaine, ce n’est pas là ce que vous m’avez promis. — Coutelet, vous m’avez trompée le premier…» Ce débat s’était élevé à table; cil, qui était assis entre la Gaine et le Coutelet prit la parole et leur dit : «Vous, Gaine, et vous, Coutelet, vous fîtes bien de changer, puisque changement vous duisait, mais vous eûtes tort de vous promettre que vous ne changeriez pas. Coutelet, ne voyais-tu pas que Dieu te fit pour aller à plusieurs gaines; et toi, Gaine, pour recevoir plus d’un coutelet ? Vous regardiez comme fous certains coutelets qui faisaient vœu de se passer à forfait de gaines, et comme folles certaines gaines qui faisaient vœu de se fermer pour tout coutelet; et vous ne pensiez pas que vous étiez presque aussi fous lorsque vous juriez, toi Gaine, de t’en tenir à un seul coutelet; toi Coutelet, de t’en tenir à une seule gaine…» (éd. de 1983, p. 133-134)
Qui connaît un des sens québécois du mot graine verra qu’appeler une gaine une graine rend ce texte bien difficile à suivre. Cela arrive fréquemment aux étudiants de l’Oreille.
Référence
Diderot, Denis, Jacques le fataliste, Paris, Librairie générale française, coll. «Le livre de poche», 403, 1983, 377 p. Préface et commentaires de Jacques et Anne-Marie Chouillet.
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