«Nous sommes décidément dans l’ère des centenaires. On parle à Paris ni plus ni moins que de célébrer l’année prochaine celui de la mort de Voltaire; voici à ce propos un fait assez curieux.
Les fenêtres de l’appartement où Voltaire expira le 30 mai 1778, sur le quai qui porte aujourd’hui son nom, n’ont jamais été ouvertes depuis ce jour, en vertu d’une clause du testament de la marquise de Villette, et elles ne doivent être ouvertes qu’au centième anniversaire de sa mort, c’est-à-dire l’an prochain. On se demande ce qui a pu motiver une clause semblable : dans tous les cas, les Parisiens n’auront qu’à bien se tenir le 30 mai 1878, car le diable en personne va s’échapper ce jour-là des fenêtres si longtemps condamnées, ce qui ne sera pas bien rassurant pour les hommes de l’ordre moral qui ont promis à la France une longue vie de bonheur et de paix, grâce aux coups d’État, aux destitutions, aux persécutions, aux incarcérations et à la suppression de toutes les libertés dont la France commençait à faire l’essai intelligent et modéré.»
Arthur Buies, Petites chroniques pour 1877, Québec, C. Darveau, 1878, p. 25-26; cité d’après Arthur Buies, Chroniques II, édition critique par Francis Parmentier, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Bibliothèque du Nouveau Monde», 1991, 502 p., p. 336.
Cette œuvre est sous Licence Creative Commons Internationale Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale 4.0.