Soit la phrase suivante : «Arrêtez de […] dire [aux garçons] qu’ils sont moins bons que les filles, et donnez-leur une bine affectueuse de ma part si vous en voyez un passer» (la Presse, 13 décembre 2010, p. A5).
Qu’est-ce que cette bine ?
Il ne s’agit pas de la fève des fèves au lard, ou beans, d’où bines. Pourquoi donnerait-on à qui que ce soit une fève, fût-elle aux lards, «affectueuse» ? (On sert les fèves au lard, comme il se doit, dans une binerie, même si ce n’est pas la seule chose qu’on y sert.)
Il ne s’agit pas non plus de l’abus d’alcool, celui qui rend rond comme une bine, même s’il est vrai que ledit abus peut rendre affectueux. (Ici, la bine est synonyme de Polonais.)
Il ne s’agit toujours pas de la bine qui marine dans son jus. Qui a les yeux dans la graisse de bines ne les a pas en face des trous. Cela peut être causé par la consommation d’alcool, mais pas seulement.
Il ne s’agit enfin pas du visage : cette bine-là est fille de binette.
La bine dont parle le journal est plutôt un coup de poing donné avec le majeur replié et placé en éperon, souvent sur l’épaule. Elle peut faire très mal, sauf, bien sûr, si elle est «affectueuse».
On ne confondra pas ces variétés de bines.
N.B.—On voit aussi binne(s).
[Complément du 17 septembre 2014]
Le Petit Robert (édition numérique de 2014) connaît les verbes débiner («Décrier, dénigrer») et se débiner («Se sauver, s’enfuir, partir»; quitter, diraient certains). Il ne connaît cependant pas être débiné. Son sens ? Ne pas bien aller, être triste, pâtir, avoir le moral dans les talons. (Merci à @bibliomancienne pour le rappel à l’ordre.)
[Complément du 18 décembre 2020]
Exemple romanesque : «Fontaine envoya une bine à Drouin» (Esprit de corps, p. 189).
Référence
Vaillancourt, Jean-François, Esprit de corps. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 149, 2020, 302 p.
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Depuis que j’ai lu cette chronique, une question me titille: de quelle « bine » (ou « binne ») s’agit-il dans l’expression:
« Ça rime en crime comme une bine dans l’gin »?
Question érudite, et appréciée, que celle-là. Première réaction : voilà une réactivation du contexte alcoolisé («rond comme une bine»), puisqu’il est question de gin. Problème capital, cependant : que ferait la bine «dans» le gin ? Seconde réaction : si nous étions devant un cas de raison poétique supérieure ? Si la rime, doublement indispensable (il faut que ça rime; la question de la rime est thématisée), dictait le choix du mot ? S’il fallait trouver un mot, n’importe lequel, qui rime avec «gin» ? Cela ne ferait pourtant que reporter la résolution du problème : pourquoi «gin» ? À moins que «bine» ne soit le mot à partir duquel se construit la rime… Ce serait le signe de son importance dans le sociolecte québécois. Le débat reste ouvert.