Dans l’écosystème intergénérationnel de l’Oreille tendue, on entend souvent, du père vers ses fils, fuser l’interrogation suivante : «Est à droite ou à gauche ?»
Il s’agit évidemment de la forme ramassée de l’interrogation «La poignée que j’ai dans le dos, elle est à droite ou à gauche ?» (Réponse habituelle, et prévisible : «Au centre.»)
Avoir une poignée dans le dos, donc. Traduction libre : être pris pour une (bonne) poire, une valise.
Exemples journalistiques :
«Ne vous retournez pas trop vite, vous pourriez constater avec dépit que c’est bien une poignée que vous avez là dans le dos» (le Devoir, 14 novembre 2000);
«Heu, la poignée dans le dos, elle est à gauche ou à droite ?» (le Devoir, 7 avril 2003);
«Alors M. Galarneau, ma poignée dans le dos, elle est à gauche ou à droite ?» (le Devoir, 12 mai 2003)
Dans son Petit Robert (édition numérique de 2010), l’Oreille découvre la locution suivante : «Con comme une valise (sans poignée) : totalement idiot (en parlant d’une personne).» Serions-nous devant un cas de divergence transatlantique ?
[Complément du 3 octobre 2016]
L’expression est commune. On la retrouve même dans des publicités, par exemple celle-ci, tirée de la Presse+ du 1er octobre dernier.
[Complément du 8 juillet 2017]
Qui ne connaît pas le sens de l’expression avoir une poignée dans le dos aura du mal avec ce poème de Philippe Chagnon tiré de Arroser l’asphalte (2017) :
lorsque je passe près d’eux
de jeunes adolescents criant des insanités
recouvrent leur tête de murmures capuchonnés
s’aperçoivent que dans mon dos
tout près de la poignée
quelque chose est envisageable
comme la possibilité de se taire
avant qu’il ne soit trop tard (p. 60)
Référence
Chagnon, Philippe, Arroser l’asphalte. Poésie, Montréal, Del Busso éditeur, 2017, 91 p.
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